127
pages
Français
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2009
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Français
Ebook
2009
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Publié par
Date de parution
01 avril 2009
Nombre de lectures
251
EAN13
9782296227187
Langue
Français
Publié par
Date de parution
01 avril 2009
Nombre de lectures
251
EAN13
9782296227187
Langue
Français
Daniel Cohen éditeur
www.editionsorizons.com
Littératures
une collection dirigéeparDanielCohen
Littératuresest une collection ouverte,toutentière, à
l’écrire,quellequ’en soit laforme :roman,récit,nouvelles,
autofiction,journal ;démarcheéditoriale aussi vieilleque
l’éditionelle-même.S’ilestdifficile de blâmer les ténorsde
celle-cid’avoireu legoûtdes genres qui lui ont rallié un
largepublic,il resteque,prescripteurs ici, concepteursdela
formeromanesquelà, comptablesde ces prescriptionsetde
cesconceptionsailleurs,ont,jusqu’àundegrécritique,
asséché levivierdes talents.
L’approche deLittératures, chezOrizons, est simple—
ileût été vaindel’indiquerend’autres temps:publierdes
auteurs queleur forcepersonnelle,leurattachementaux
formes multiplesdu littéraire,ontconduitsaudésirdefaire
partager leurexpérienceintérieure.Du texte dépouilléà
l’écrit porté par lesouffle del’aventurementale et physique,
nous vénérons, entretous lescritères supposantdéterminer
l’œuvrelittéraire,lestyle.Flaubert
écrivant:«J’estimepardessus toutd’abordlestyle, etensuitelevrai » ; plus tard,le
philosophe Alain professant:«c’est toujours legoût qui
éclairelejugement »,ils savaientavoir raisoncontrenos
dépérissements.Nousen faisons notre credo.D.C.
ISBN978-2-296-08714-9
© Orizons, Paris,2009
ET CÆTERA
DANS LA MÊME COLLECTION
FaridADAFER,Jugement dernier, 2008
Jean-PierreBARBIER-JARDET,Et Cætera,2009
Bertrand duCHAMBON,Loin deVErEnas`,2008
MauriceCOUTURIER,Ziama
OdetteDAVID,LeMaître-Mot,2008
JacquelineDECLERCQ,LeDit d’Ariane,2008
TouficEL-KHOURY,Beyrouth pantomime,2008
MauriceELIA,Dernier tango àBeyrouth,2008
PierreFRÉHA,La conquête de l’oued,2008
GérardGANTET,Les hauts cris,2008
GérardGLATT,Une poupée dans un fauteuil,2008
GérardGLATT,L’ImpasseHéloïse,2009
HenriHEINEMANN,L’Éternité pliée, Journal,édition
intégrale.
Gérard LAPLACE,LaPierre à boire,2008
Gérard MANSUY,LeMerveilleux,2009
Lucette MOULINE,Faux et usage de faux,2009
Anne MOUNIC,Quand on a marché plusieurs
années...,2008
Enza PALAMARA,Rassembler les traits épars,2008
ANTOINE DEVIAL,Debout près de la mer,2009
Nosautrescollections:Profils d’un classique,Cardinales,Domaine
littérairese corrèlentau substrat
littéraire.Lesautres,Philosophie —La main d’Athéna,Homosexualitéset mêmeTémoins,ne
peuvent pas y êtreétrangères.Voir notresite(déclinéen page2
de cet ouvrage).
Jean-Pierre Barbier-Jardet
Etcætera
2009
Dumême auteur
L’Allumette et leSoleil,(poésie), Pierre-JeanOswald,
1960.
EnCours de Vie,(poésie)Pierre-JeanOswald,1987.
NatureMorte auMiroirs auxAlouettes,(poésie),
Belfond,1988. (éditéavecle concoursduCentre
Nationaldes lettres).
LeBrasier,(roman)Le PréauxClercs —Pierre
Belfond,1991.
Le Soleil et laMort enFace,(roman)Swing
—JeanPierre Fiore,1994.
Feus lesAutoportraits,(poésie),A.R.C.A.M. —Gérard
Murail,1998.
Du Sang sur laMéthode Rose,(roman)LesPressesde
Valmy —DanielBomtemps,2001.
Bufo,(nouvelles)InOctavo —GilFonlladosa,2006.
ÀJean-PaulCharancon
De vray il se loge encore chez moy
si entier et si vif, que je ne le puis croire
ny si lourdement enterré,
ny si entièrement esloigné
de nostre commerce.
Montaigne,Lettre-dédicace à M. de Mesmes
laque une portière de voiture. Des pas résonnent
C
dans l’escalier. Surviennent ma marraine, ma
tante Mélanie et ma mère. Nous nous embrassons. Ma
mère et ma marraine prennent un air affligé, doublé
d’un regard de reproche alors que ma tante Mélanie
exprime une joie débordante. Ma mère me donne dix
francs pour acheter le pain à la boulangerie que je
fréquentais dans mon enfance. Il y a un monde fou. La
boulangère coupe une baguette et ne m’en donne que les
quignons. Dans la rue, on dirait que le vitrage d’une
serre se fracasse en milliards d’éclats.
Je me réveille en sursaut, le cœur éclaté. Quand le
corps a traversé le pare-brise de ma voiture, j’ai
entendu comme un orchestre entier tomber d’un gratte-ciel.
Le corps était coupé au faux du corps et semblait un
zombie émergeant d’une tombe.
Norbert, un mécanicien de ma connaissance,
m’avait vendu cette voiture d’occasion qui me
donnait la sensation d’une voiture de course parce que
j’étais assis très bas, près de la caisse et que le volant
m’arrivait sous le nez.Àpeine l’avais-je eue en main
que le moteur avait fondu magiquement. Norbert
l’avait remplacé.Cette voiture semblait entachée de la
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JEAN-PIERREBARBIER-JARDET
malédictiondes passagers précédents.Elle avaitdéjà
été accidentée et j’envisageais un scénario macabre de
corpsdésarticulésetdemembresamputés tournoyant
dans lesairs.
Jereplonge dans lesommeiletdans unautre
rêve :
J’ai perdu mes lentilles de contact. Du récipient où
elles baignaient, je ne retire que des squelettes de
plastique. On dirait que le contenu a été détruit par un
acide. Devant la porte de ma chambre de bonne, à
Paris, j’ai beau fouiller dans mon sac, j’ai oublié les
clés. Qui plus est, je ne peux me déplacer que les yeux
fermés, à l’aveuglette.
Uirapurude HeitorVilla-Lobos s’ouvre commeune
orchestrationdevitresbrisées, cetteréminiscence
musicalepouressayerdem’éloignerdel’horreur.
Des mois plus tard, après leprocès quisuivit
l’accident, en visite à
Paris,jemerendisàlavidéothèque desHalleset jelouaiuncourt-métrage de3
mn28s, daté de1981, d’uncertainFernand
MoszkowiczintituléLa mort du psychanalyste Jacques Lacan.
Il s’agissaitenfaitd’unextraitde conféren« Lace :
mortest unacte de foi, dit-il.Vousêtesdonc forcé
d’ycroireou vous vousefforcezd’ycroire.Çavous
soutient.Commentferiez-vousaveclaviequevous
ETCÆTERA
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avez ?Maisle comble ducomble, c’est quevous n’y
croyez pas».
Dans le couloirdu métro,je
croisaiunhandicapéquise disloquaità chaquepas.Il portait uneveste
àrayures noiresetblanchesetarborait unemèche de
cheveuxàla Riquetàla houppe.Il m’évoquait le
handicapéquenousavions surnomméle Godiche,
monfrère et moi.Ce garçonétait le cauchemarde
notrevie deréfugiésà MillyLamartine.Le brasgauche
recroquevillé, dansantcommeune ballerinesur la
pointe des pieds, il nousguettaitet nous pourchassait
quandnous revenionsdequérir lelaitàla ferme, àla
nuit tombée.
Jetrébuchai dans le couloir lorsqu’il mesouvint
qu’en proie àlapaniquelaplus totalenous nous
étionsétalés l’un sur l’autre dans la forêt,monfrère et
moi.Lelait s’était répandudans laterrequil’avait
bu.Perdrelelaità cette époque de
disettereprésentait unacte délictueuxaux yeuxdemamère.
Sur letrottoir roulant,jeme disais quel’oncroit
marcher
librement.Enfait,onestconduitetconditionnépar lemécanisme.Letrottoir roulant,ne
dirait-on pas une image delavie?Onest mené
irréversiblement vers la fin.Audébut,on naît,oncôtoie des
figuresinconnuesetfugaces quivouscroisent,vous
doublent,vous n’existez pas poureux, eux n’existent
pas pour vous.Àla fin,onfait un saut,onest presque
éjecté,on tombe dans lenéantdu quotidien,mort.
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JEAN-PIERREBARBIER-JARDET
Devant moiungarçonnet malingresautillaiten
tenant lamaindesamère.Laqueue de cheval qui
jaillissait par l’ouverture desa casquette battaitau
rythme deses sautillements.Jemevoyaisdanscetableau
dematernité idylliquelorsquejen’eus plus sous mes
yeux que deux squelettes qui battaient le bétonde
leurs os.
Deretourdans la chambre de
bonnequej’occupais,jemetinsdeboutet statufié, débranché de
toutes perceptions.Peuàpeu mes yeuxenregistrèrent
lepaysagequiregorgeaitdetoitsetd’antennes.En
face,par-delàl’abîme
delarue,lesfenêtresdeschambresde bonnesétaientalignéesen rangsd’oignonset
ressemblaientaux maisonsen miniatures que dessinent
lesbambins.Chosetouchante, il yavait une fenêtre