Être(s) , livre ebook

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Je suis comme je suis.


Tu n’y es pour rien.


Il/Elle/On n’est pas sorti de l’auberge.


Nous n’y sommes pour personne.


Vous êtes sourd ou quoi ?


Ils/Elles sont tout pour vous.



Le verbe « être » est le plus conjugué de la langue française.


Chacun est. Unique et pluriel. Comme le sont les personnages de ces seize textes courts où se mêlent ceux qui sont et ceux qui ne veulent plus en être.

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Publié par

Date de parution

17 juillet 2020

Nombre de lectures

0

EAN13

9782381531755

Langue

Français

Être(s)
 
La SAS 2C4L — NOMBRE7, ainsi que tous les prestataires de production participant à la réalisation de cet ouvrage ne sauraient être tenus pour responsables de quelque manière que ce soit, du contenu en général, de la portée du contenu du texte, ni de la teneur de certains propos en particulier, contenus dans cet ouvrage ni dans quelque ouvrage qu’ils produisent à la demande et pour le compte d’un auteur ou d’un éditeur tiers, qui en endosse la pleine et entière responsabilité.
Anne-Sophie Guénéguès
Être(s)
Nouvelles
 


Ce livre est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les lieux et les événements sont le fruit de l’imagination même pas débridée de l’auteur. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, des événements ou des lieux serait pur et joli hasard.
 
Du même auteur
Recueil de nouvelles
Jacque et autres choix de grands , éditions Persée, 2010
Pensées intérieures et autres limites , éditions Persée, 2007
Ouvrages collectifs - jeunesse
Pas de nouvelles, bonnes nouvelles , SaperliVpopette, 2020
Nouvelles du front , SaperliVpopette, 2018
Nouvelles formules , SaperliVpopette, 2017
Nouvelles fraîches , SaperliVpopette, 2015
Nouvelles vagues , SaperliVpopette, 2014
Nouvelles lunes , SaperliVpopette, 2012
Cocréations
De la graine d’énergie , avec Franck Leblond, productions OTK, 2016
Une tombe trop bien fleurie , Académie Balzac, les éditions du Net, 2014
La Philosophie ou les armes , avec Franck Leblond, productions OTK, 2013
La Vengeance , concours Sky Prods, Edilivre, 2010
La Raison des cloches , avec Franck Leblond, productions OTK, 2010

À mon fils, être en devenir, qui tant est.
À mon père, qui n’est plus, qui est tant.

C’était annoncé sur TF1
Ce serait un peu ridicule de porter des lunettes de soleil ; c’est la Normandie, c’est début décembre. C’est pas tant que j’ai peur du ridicule – ce qui ne tue pas rend plus fort –, mais déjà qu’on me reproche mon air prétendument hautain, prétendument parisien, si j’arpente la rue derrière des lunettes noires, on va encore dire que je fais ma star. C’est la Normandie, mais c’est pas Deauville. Alors, tant pis, je plisse les yeux le temps de m’habituer. Et puis, je regarde mes pieds, je m’enfonce un peu plus dans mon manteau, comme si sa protection pouvait s’étendre jusqu’à mon regard.
C’est justement cette lumière qui m’a sorti de chez moi. L’homme, un être de lumière ? Pas toujours. Mais attiré par les lumens tel un sphinx. Pas celui à corps de lion, non, plutôt celui qu’on chasse à cris et à cor.
J’ai pris mon petit déjeuner sans vraiment y penser, mon esprit n’avait pas encore rejoint ce corps qui s’était levé, mécaniquement, un peu avant huit heures. Et puis, je suis remonté m’affairer dans la salle de bain. J’ai croisé mon esprit dans l’escalier, nous avons sympathisé, fusionné presque. Pourtant, c’est toujours aussi mécaniquement que j’ai procédé au rituel matinal. Brosse à dents, savon, rasoir… Sous la douche, je me suis revu dans la phase première de mon apprentissage : l’observation. Je regardais mon père manier la lame, avec beaucoup d’admiration et un peu d’appréhension. Lui souriait dans la glace de me voir si attentif ; il en redécouvrait le plaisir de se raser, se réappropriait le geste en même temps que l’instant. J’ai adoré la phase deux : monter sur une chaise, me barbouiller le visage de mousse blanche et sentir dans mon dos la chaleur du buste de mon père et les effluves de sa lotion après-rasage. Il en versait dans ses mains qu’il claquait fort l’une sur l’autre, puis il les appliquait de chaque côté de son cou d’abord, de ses joues ensuite en se donnant des petites tapes et du courage. Il était prêt. En phase deux, mon père rasait mes joues neuves, imberbes et encore rondes d’enfance. Tout doucement, pour ne pas me couper. Je respirais le plus lentement possible. Je devais trembler tellement je me contractais pour ne pas bouger d’un pouce. Pendant qu’il retirait la mousse, j’essayais de retrouver dans la glace l’image de mon père telle que je la connaissais ; mais le reflet me laissait toujours un peu perplexe. Il y avait quelque chose, dans les yeux surtout, qui me disait que face à moi, sur la paroi de verre, ce n’était pas tout à fait la même personne que derrière.
À peine séché, j’ai enfilé mon pantalon en souriant : c’est si tard que j’ai su – des années qu’il était décédé déjà – qu’il retirait systématiquement la lame de son rasoir mécanique avant de me faire jouer au grand. Quand Maman me l’a appris, elle pensait ne rien m’apprendre. « Je pensais que tu le savais, que tu t’en doutais pour le moins ! Voyons, il n’aurait pas pris un tel risque… » Oui, c’était évident. Logique. Parental. Il avait si bien fait semblant, si souvent, quelle patience ! Et moi qui me plaignais toujours que jamais mon père ne jouait avec moi !
Puis, je suis descendu sans plan précis pour ce dimanche, j’ai attrapé le journal de la veille pour finir les mots croisés – ils corsent la difficulté dans l’édition du samedi pour qu’ils me durent un peu – et, avant de décider dans quel fauteuil j’allais m’installer – je n’ai pas de « mon fauteuil », je les utilise tous, ça dépend du moment –, j’ai allumé la lumière.
C’est là.
C’est là que tout a changé, car j’ai remarqué que ça ne changeait rien. J’ai cliqué sur l’interrupteur de nouveau, deux fois. Le taux de luminosité du salon ne variait pas. On aurait pu croire que c’était dû à un grand soleil, mais ce serait oublier que le Soleil provoque des ombres nuisibles aux mots croisés. Je me suis approché de la fenêtre pour constater à quel point le ciel était bas et blanc. Les nuages avaient pris le Soleil en otage et s’étaient approprié son talent halogène.
Au dos du journal qui pendait au bout de ma main, les rendez-vous du week-end. La place de mon village accueillait un vide-grenier. C’était le prétexte idéal pour me mettre à la porte de chez moi. Les mots croisés pouvaient attendre. En fermant à clef, je me suis dit que j’avais oublié de prendre mes lunettes. Au lieu de faire marche arrière, ma main a continué son geste sans du tout prendre en considération cette pensée, aussitôt contrecarrée par une autre : Ce serait un peu ridicule de porter des lunettes de soleil ; c’est la Normandie, c’est début décembre .
Quand j’ai relevé la tête, les pupilles enfin réconciliées avec le blanc ambiant, j’ai croisé le regard d’une femme tellement belle que mon cerveau a été court-circuité, ma bouche a décidé toute seule de la saluer. L’éructation a pris la forme d’un timide « bonjour », dont les décibels à un chiffre pouvaient faire douter de ma sincérité. Elle a répondu sur le même non-ton.
J’en étais encore à m’engueuler de mon audace quand j’approchai des premiers « stands ». Des enfants assis sur une couverture présentaient leurs « vieux » jouets – ceux de l’an dernier, dont ils sont déjà lassés –, et le « bonjour » que je leur adressai était, lui, franc et enjoué. Trop. Il fit lever une fillette de six ans qui prit son courage à deux mains, impressionnée de jouer à la marchande avec « un grand » et « des vrais sous ».
— Les cartes Pokémon, c’est cinquante centimes, me dit-elle, ayant tout de suite senti où allait mon intérêt.
Je ne sais pas du tout ce qu’est Pokémon, j’imagine que c’est un concurrent de Panini, avec des cartes, des albums et des autocollants.
— Non, merci, je ne suis pas intéressé.
Elle est retournée s’asseoir, soulagée d’être arrivée à la fin de sa prestation. J’ai poursuivi la mienne avec la seule même réplique, sur une scène où s’étaient déversés tout le mauvais goût de l’homme et son penchant pour l’accumulation. Moi, j’ai toujours tout jeté, donné, perdu, vendu. Cela m’a d’ailleurs valu quelques déboires avec l’Administration. Un vide-grenier sur les bases du mien, de grenier, ferait autant recette que le stand de ces gamines avec leurs trois Fisher-Price qui se battent en duel…
J’ai hâte d’arriver au cœur de ce labyrinthe de vendeurs du dimanche, il y fera meilleur. Le froid de ce presque hiver contraste un peu trop franchement avec la chaleur du lit que j’ai quitté je me demande bien pourquoi. Qu’est-ce qui m’a pris, je n’ai besoin de rien, je ne vais rien acheter, je ne suis même pas sûr d’avoir de l’argent sur moi. Si, tiens, au retour, je m’arrêterai prendre du pain frais et peut-être une tartelette, après tout, c’est dimanche.
Me voilà un peu chahuté par une foule compacte. Ici, un essaim de femmes abeilles cherchent leur bonheur dans un énorme bouquet de fleurs multicolores : «  Bébé, 6 mois-1 an  », «  Fille, 4-5 ans  », «  Garçon, 6-8 ans  ». La fleuriste porte le poids de ses grossesses et une banane Ricard qui, elle, s’engraisse de pièces d’un et deux euros.
Pendant que je laisse glisser mes yeux sur quelques objets hétéroclites disposés sur les tables (de camping, de jardin, de tapissier…), mes oreilles captent une ambiance de marché. Deux mamans font mine de s’intéresser à autre chose que leur propre progéniture :
— Et alors, ça lui fait quel âge maintenant ?
— Sept ans, et Camille, la petite dernière, en aura cinq en mars.
Je gêne deux mamies qui bloquent le passage avec leurs caddies à roulettes, prolongement de leur bras droit.
— Et alors, ça lui fait quel âge maintenant ?
— Quatre-vingt-sept ans.
— Et Camille ?
— Camille, lui, il est décédé en mars, vous ignoriez ? Soixante-dix-neuf ans, il avait.
— Si jeune… C’est triste.
Triste, comme cette vieille fille à qui ne manque que le chat pour être une caricature. Elle profite d’avoir un stand pour trouver acheteur, enfin, pour tenter de trouver acheteur, enfin, pour tenter de susciter un quelconque intérêt – entre deux Tupperware et un porte-clefs décapsuleur – pour les toiles qu’elle peint. Des chevaux argentés sur fond de mer bleue, de montagne blanche, de prairie verte, de désert orangé. Des chevaux. Argentés. Moches.
Devant un parterre de masques africains, encore des ma

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