178
pages
Français
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2021
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Publié par
Date de parution
29 août 2021
Nombre de lectures
9
EAN13
9782370117069
Licence :
Tous droits réservés
Langue
Français
Publié par
Date de parution
29 août 2021
Nombre de lectures
9
EAN13
9782370117069
Licence :
Tous droits réservés
Langue
Français
LA FINALE
Camille Coudrier
© Éditions Hélène Jacob, 2021. Collection Littérature . Tous droits réservés.
ISBN : 978-2-37011-706-9
Chapitre 1
Vendredi 7 juin 2013
Avant de quitter le stade Roland-Garros, je déambule dans les allées. Les gens s’écartent devant moi, je me sens comme saint François de Paule marchant sur les flots, quand une haie d’honneur s’ouvre sur mon passage et - je le vérifie - se referme derrière. J’imagine qu’il ne devait pas être si rassuré, lui non plus. Pour me donner une contenance, je dédicace quelques programmes, des balles de tennis géantes, quelques tee-shirts au logo du tournoi, un panama blanc ruban terre battue ; j’enchaîne les selfies avec mes fans, un peu étourdi par tant d’engouement. Enfin, je me glisse dans le taxi qui patiente aux grilles du stade.
- Magnifique match, dit le chauffeur. Bravo, Monsieur Tancrède !
- Merci, Bruno. Dites, pouvez-vous me déposer à l’hôtel et m’attendre ? Je suis invité par Nikos Aliagas pour le direct de Canteloup, ce soir. Je dois y être dans deux heures au plus tard.
- Pour 20 h 30 donc. C’est possible, mais vaudrait mieux ne pas trop tarder… À cette heure-ci, on ne pourra éviter les embouteillages.
- Je monte juste déposer mon sac et me changer. Pendant ce temps, pourriez-vous appeler l’un de vos collègues pour le retour ?
- Si vous le permettez, j’aimerais bien assister à l’émission. Je vous ramènerai ensuite.
- Entendu, je ne pense pas que cela pose problème.
Un gamin essoufflé tambourine à la vitre :
- S’il te plaît, s’il te plaît, Téo, un autographe…
Je sors du taxi :
- Salut ! Comment t’appelles-tu ? Téo sans h ! Comme moi, alors !
Je signe sur la première de la gazette du jour - où une photo me montre frappant un smash aérien à plus d’un mètre du sol, légendé « mais jusqu’où peut-il monter encore ? » -, puis j’accède volontiers à sa demande lorsqu’il dégaine son Galaxy S. Le chauffeur nous fait prendre la pose devant son véhicule Taxi Bruno . Nous fixons l’objectif, lui, incrédule, yeux écarquillés, sourire indécis, il n’en revient pas de sa chance et voit déjà cette photo faire le buzz sur les réseaux sociaux. J’enroule un bras fraternel autour de ses épaules, sourire complice.
Un petit groupe de journalistes attend devant l’hôtel. Le taxi contourne le bâtiment et me dépose à l’entrée réservée au personnel, je n’ai vraiment pas le temps de répondre à leurs questions. Enfin, s’ils sont là pour moi. La réceptionniste me tend la clé de ma chambre et je m’engouffre dans l’ascenseur. Je me change rapidement, vérifie les messages sur mon portable… Maman, ma sœur, mon frère, mes amis. Je leur envoie un SMS : « regardez Canteloup ce soir, TF1, 21 h ». Puis je file, j’appellerai maman pendant le trajet.
Dans un premier temps, je souhaitais décliner cette invitation. Après la demi-finale, j’avais surtout l’intention de récupérer, mais aussi de me maintenir dans la dynamique du tournoi, de rester concentré. Et puis, j’ai lu son message, ressenti son émotion… cela m’a bouleversé. J’ai pensé qu’elle n’était peut-être pas encore rentrée de l’hôpital et qu’elle aurait bien besoin, ce soir, d’une diversion. Si ma participation à cette émission pouvait lui insuffler une dose supplémentaire de courage et bonheur… Alors, j’ai dit oui, d’autant que je pourrai me reposer demain : je ne jouerai pas et j’assisterai à la finale dames opposant Serena Willians à Ivenka Marietshics, la révélation féminine du tournoi de Roland-Garros, cette année.
* * *
C’est Canteloup dans une seconde !
- Bonsoir… Bonsoir à toutes et à tous… Aujourd’hui nous sommes le vendredi 7 juin 2013, c’est Canteloup, et, ce soir, nous accueillons celui que la France entière plébiscite…
Nicolas bondit sur le plateau, raquette sous le bras :
- Hey ! Hé oui, c’est bien moi ! Vous me connaissez tous, à présent. Partout, dans le monde entier. Téo Tancrède, dit E.T. Voilà, vous y êtes ! Je porte vos rêves de victoire, vos espérances de coupe levée au ciel, d’hymne national repris par tout un stade debout, poing sur le cœur. Depuis Henri Leconte, en 1988, je suis le premier français qualifié pour la finale de Roland-Garros, après avoir battu Andy Murray en quart de finale en trois sets miraculeux et, aujourd’hui, vendredi, Roger Federer, cinq sets d’une qualité et d’une intensité rare. Un vrai thriller. Depuis le début de la quinzaine parisienne, vous apprenez, match après match, mon nom, mon jeu, ma combativité, le gris acier de mes yeux, l’impassibilité de mes traits dans la concentration, mon sourire ravageur, si médiatique face aux caméras lors des conférences de presse. La popularité me grise, j’adore cette ivresse-là. Les chaînes de télévision, les journaux, les magazines sportifs me harcèlent pour un plateau, une photo, une interview. Même les magazines féminins, parce que, en plus, je suis beau gosse. Des personnalités de tous horizons s’affichent avec moi, on a pu me voir avec Guillaume Canet, Michel Houellebecq, Rihanna - eh oui ! -, lors de soirées super VIP, les sponsors s’inquiètent de mon look sur les courts et en dehors aussi… Je me la pète un max…
Téo Tancrède rejoint Nicolas Canteloup et Nikos Aliagas.
Nikos :
- Bonsoir, Téo, merci d’avoir accepté notre invitation, malgré un programme sportif surchargé, et félicitations pour cette magnifique victoire en demi-finale de Roland-Garros, contre Roger Federer ! Un match très serré, compliqué jusqu’au dernier point. Comment en ressortez-vous ?
Téo :
- Bonsoir à tous, et merci à Nicolas pour cette présentation. Bien sûr, je suis heureux de m’être qualifié pour la finale, mais j’avoue que je ne réalise pas vraiment, ce qui m’arrive est tellement extraordinaire… L’emporter contre Roger Federer, le numéro deux mondial ! Mais bon, le tournoi n’est pas terminé, je dois maintenant me préparer pour la finale.
Nikos :
- Nous venons d’apprendre le nom du second finaliste. Il s’agit de Rafael Nadal, qui s’est qualifié face à Novak Djokovic, en quatre sets tout aussi accrochés… Ah ! Voici notre ministre de l’Intérieur. Monsieur Walls, qui soutiendrez-vous, dimanche, sur le court Philippe-Chatrier ?
Manuel Walls :
- En ma qualité de représentant du gouvernement français, j’assisterai à la finale et je soutiendrai Téo, bien entendu, même si mon cœur penche naturellement pour mon compatriote Rafael Nadal. L’essentiel n’est-il pas que ces deux sportifs nous donnent à voir un match mémorable ?
Nikos :
- Je sais, Téo, que vous êtes fan de Nicolas Canteloup. Quel est, de tous les personnages qu’il incarne, celui que vous préférez ?
Téo :
- Les caricatures de Nicolas sont ressemblantes, amusantes, jamais vulgaires. Je n’ai pas vraiment de préférence. Ma mère, qui vous regarde tous les jours et, j’en suis certain, enregistre l’émission ce soir, aime particulièrement Ségolène Royal (il mime des deux mains le geste emblématique du personnage, balayage arrière de la chevelure). Voilà, Maman, c’est dit !
Nikos :
- Eh bien, justement, Madame Ségolène Royal souhaitait vous rencontrer…
Ségolène Royal :
- C’est vrai qu’il est aussi charmant que talentueux… Jeune homme, je vous félicite. Vous faites honneur au tennis français et à notre pays. Après ce qui sera, nous l’espérons tous, votre victoire, je serais heureuse de vous recevoir à l’Elysée, en toute simplicité, chacun sait que vous êtes un garçon plutôt discret. Je pense convier Rafael Nadal, quelques-uns de vos amis sportifs, vous me direz lesquels, et votre maman…
Téo :
- Hélène. Elle sera ravie, je crois. Merci, Madame.
Ségolène Royal :
- Eh bien, entendu ! Je note votre numéro de téléphone… Je vous écoute : 06…
Nikos :
- Vous disposez de peu de temps, nous le savons. Mais, avant de vous laisser partir, Monsieur le Président tient à vous adresser un message personnel…
François Hollande :
- Bonsoir, Téo Tancrède. Enfin un Français en finale de Roland-Garros ! Félicitations et comme on dit… euh… merde… pour dimanche… Bon… ben, j’espère qu’il va gagner, sinon on va encore