Le conflit de Casamance Ce que disent les armes , livre ebook

icon

446

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2010

Écrit par

Publié par

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
icon

446

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2010

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Publié par

Date de parution

01 janvier 2010

Nombre de lectures

0

EAN13

9782811103538

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

5 Mo

Jean-Claude Marut
Le conflit de Casamance Ce que disent les armes
KARTHALA
LE CONFLIT DE CASAMANCE
.
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
Couverture: Groupe de réfugiés casamançais escortés par des militaires sénégalais dans le Bignona,2006. Photo de Thiémokho Coulibaly
© ÉDITIONSKARTHALA, 2010 ISBN : 978-2-8111-0363-8
Jean-Claude Marut
Le conflit de Casamance
Ce que disent les armes
ÉditionsKARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
À la mémoire de Hassane DRAMÉ et d’Abraham EHEMBA
« Faute de penser l’autre, on construit l’étranger ». Marc Augé
Avant-propos
Mon intérêt pour la rébellion casamançaise est le fruit de hasards autant que de nécessités. Le hasard qui m’a fait découvrir le Sénégal en 1989, et plus particulièrement la Casamance, peu avant que l’offensive de la rébellion indépendantiste ne révèle au grand jour un conflit dont j’igno-rais totalement l’existence. On ne m’avait rien dit, et je n’avais rien perçu. Sinon un malaise, exprimé à voix basse, dont je n’ai découvert qu’après coup les raisons. Mais sans doute en serais-je resté-là, si cette découverte n’avait eu des résonances personnelles. Résonances du passé, avec les échos lointains de ma Corrèze natale, où se mêlaient nostalgie de racines paysannes et mémoire transmise de résistance à une occupation étrangère. Mais résonances bien présentes aussi, en des temps de désen-chantement politique où la quête d’alternatives pouvait facilement emprunter les sentiers de l’exotisme… Témoin impuissant, ici, de la mort d’une civilisation paysanne, dont les survivants âgés étaient souvent les destructeurs les plus zélés, je n’en revenais pas de découvrir, là-bas, de jeunes ruraux qui prenaient les armes pour ce qui m’apparaissait, au-delà de la défense d’une terre et d’une culture, une quête de lendemains meilleurs. Comment mieux dire que ce soulèvement, convoquant passé et avenir, me semblait lointain et proche à la fois, m’incitant à y voir de plus 1 près ?Laissez-nous partir pour mieux revenir: avec les, avait dit Césaire encouragements d’Yves Lacoste, qui dirigeait la formation doctorale de géopolitique à l’université Paris VIII à Saint-Denis, je suis donc à nouveau parti, dans ce qui ressemblait autant à une quête de temps à venir qu’à une quête de temps révolus…
1. Cette formule, l’abbé Diamacoune, le leader indépendantiste casamançais, l’avait reprise à son compte, mais en lui donnant un autre sens.
8
LE CONFLIT DE CASAMANCE
Je n’ai depuis cessé de repartir. Et de revenir. Y compris de mes illu-sions : au contact du terrain, l’exotisme tropical a perdu de ses charmes, et les espoirs d’alternatives politiques se sont envolés. À bien des égards, la rébellion imaginée était une rébellion imaginaire, tout comme la Casamance imaginée était une Casamance imaginaire : j’ai appris en chemin à me méfier des représentations. Mes recherches ont reçu une impulsion décisive à partir de 1994 dans le cadre de programmes de deux laboratoires bordelais du CNRS, d’abord 2 Regards , où j’ai été détaché puis associé, puis le Centre d’étude 3 d’Afrique noire (CEAN) , où je suis chercheur associé depuis 2000. J’y ai été accueilli chaleureusement par leurs directeurs, Jean-Paul Deler et Alain Valette pour Regards, Christian Coulon, Daniel Bach, Dominique Darbon, René Otayek et Michel Cahen, pour le CEAN, ainsi que par toutes leurs équipes… C’est là que j’ai trouvé un environnement scienti-fique stimulant et que j’ai puisé l’essentiel d’un savoir qui m’a permis de donner plus de consistance à ma démarche. Et que j’ai trouvé des réponses à des questions que, souvent, je ne me posais pas... Le hasard, encore lui, a en effet voulu que ma découverte simultanée d’un champ d’étude et des outils pour l’analyser se situe dans le contexte d’un profond renouvellement de la recherche africaniste. Rompant avec des approches essentialistes jusque-là dominantes, la prise en compte de l’historicité de ses sociétés permettait d’intégrer l’Afrique dans le champ commun des sciences humaines, dont le regard colonial l’avait longtemps exclue. À rebours d’un président français reprenant à son compte l’idéo-4 logie coloniale la plus éculée , il est désormais admis que le « continent noir » n’a jamais cessé d’appartenir au même espace et au même temps que le reste du monde. Si elle ôte au continent et à ses sociétés une part de leur mystère, cette banalisation permet d’en mieux saisir les enjeux. C’est à Regards et au CEAN que j’ai obtenu une partie des moyens qui m’ont permis de mener à bien mes missions sur le terrain, au Sénégal
2. Unité mixte de recherche CNRS-IRD (aujourd’hui disparue). 3. Unité mixte de recherche CNRS-IEP de l’université Montesquieu – Bordeaux IV. 4. « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès. Dans cet univers où la nature commande tout, l’homme échappe à l’angoisse de l’histoire qui tenaille l’homme moderne mais l’homme reste immobile au milieu d’un ordre immuable où tout semble être écrit d’avance. Jamais l’homme ne s’élance vers l’avenir. Jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin. » Nicolas Sarkozy, président de la République française, allocution à l’université de Dakar, 26 juillet 2007 (http://www.elysee.fr/elysee/elysee.fr/francais/inter-ventions/2007/juillet/allocution_a_l_universite_de_dakar.79184.html)
AVANT-PROPOS
9
ou dans les pays voisins, Gambie et Guinée-Bissau. Une vingtaine de 5 séjours au total, dont la durée a varié de deux à huit semaines . Complétés par d’autres, réalisés à Paris ou ailleurs, les innombrables entretiens effectués au cours de ces séjours constituent la matière première de cet ouvrage, en même temps qu’ils lui donnent son épais-seur humaine. J’ai notamment eu la chance de pouvoir rencontrer de nombreux protagonistes du conflit, aussi bien gouvernementaux que 6 rebelles, dont beaucoup ont depuis disparu … Une fréquentation régu-lière du terrain m’a par ailleurs permis de recueillir les points de vue et les sentiments de populations que les uns comme les autres prétendent représenter. Enfin, des entretiens avec des membres de la « société civile » (responsables politiques et religieux, responsables d’ONG, jour-nalistes, universitaires, chercheurs…) m’ont apporté à la fois des compléments d’information et des éclairages précieux. Que tous soient ici remerciés pour la confiance qu’ils m’ont accordée, dans des situa-7 tions pas toujours propices à une parole libre... L’autre grande source d’information a été la presse, sénégalaise pour l’essentiel, dont l’accès a été considérablement facilité ces dernières années par sa mise en ligne sur Internet. Une information à prendre évidemment avec beaucoup de précautions, dans une situation de conflit où le discours dominant va généralement de soi, et où la réalité est constamment brouillée par la communication officielle et les propos d’acteurs peu représentatifs. Rares sont les journalistes qui mènent un véritable travail d’investiga-8 tion, comme le fait, souvent au péril de sa vie, Allen Yéro Embalo , à qui ce livre doit beaucoup. Je me suis bien sûr efforcé de croiser les informa-tions pour établir la véracité des faits. Là où cela n’a pas été possible, j’ai eu recours au conditionnel : une bonne partie de l’ouvrage porte ainsi la marque de l’incertitude, évoquant des faits qu’il appartiendra aux histo-riens d’établir. À défaut d’avoir toutes les réponses, mon ambition demeure de poser les bonnes questions… Sur ce plan-là, la problématique de la question casamançaise a évolué, en même temps que le centre de gravité du conflit se déplaçait. Il y a dix
5. Notamment dans le cadre des programmes de recherche : Transferts de modèles dans les Afriques, programme CEAN-MSHA coordonné par Dominique Darbon. Les conflits en Afrique, programme CEAN coordonné par Vincent Foucher et Christine Deslaurier, avec le soutien de la Région Aquitaine et du CNRS. 6. Parmi eux, de nombreux responsables du MFDC, de Sidy Badji, fondateur des maquis, à l’abbé Diamacoune, leader charismatique du mouvement, en passant par Daniel Malou, Sanoune Bodian, Sarani Badiane, Laurent Diamacoune, Lamine Dabo… 7. Par souci de sécurité, je n’ai volontairement pas précisé certaines sources. 8. Ancien correspondant de Radio France Internationale et de l’Agence France Presse à Bissau, aujourd’hui réfugié politique.
Voir icon more
Alternate Text