Le courage des alternatives , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2012

Nombre de lectures

0

EAN13

9782811107031

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Cahiers d’Anthropologie du droit HORS SÉRIE
Le courage des alternatives sous la direction de Christoph Eberhard
Laboratoire d’anthropologie juridique de Paris UMR de droit comparé - Paris I KARTHALA
LE COURAGE DES ALTERNATIVES
CAHIERS DANTHROPOLOGIE DU DROIT Directeur scientifique : Christophe Eberhard
Les Cahiers d’anthropologie du droit sont publiés annuellement par le Laboratoire d’anthropologie juridique de Paris de l’UMR de droit comparé de Paris, Université Paris 1, CNRS dirigé par Gilda Nicolau et Alix Toublanc
LAJP-UMR 8103 de droit comparé de Paris Université Paris 1 – CNRS 9, rue Mahler, F-75181 Paris Cedex 04 Tel. : 33 (0)1 44 78 33 77
Les opinions émises n’engagent que leurs auteurs.
SOUS LA DIRECTION DE Christoph Eberhard
Le courage des alternatives
Éditions KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
Cet ouvrage a été publié avec le soutien financier du projet Droit, gouvernance et développement durable de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme (FPH), du Projet Courage de la Fondation Bernheim et avec le concours du Centre universitaire rouennais d’études juridiques (CREDHO-DIC EA 1305).
.
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
Illustration de couverture: Plurivers par Pascale C. Annoual © Pascale C. Annoual
© ÉDITIONSKARTHALA, 2012 ISBN : 978-2-8111-0703-1
INTRODUCTION
Le courage des alternatives
Explorations
Christoph EBERHARD
Oser l’Autre : voilà une autre manière de dire le titre de cette introduc-tion. Comment oser nous ouvrir à la vie, cette vie qui est transformation permanente et nous confronte constamment à nos limites tout en révélant nos potentialités cachées, individuellement et collectivement ? Robert Vachon, directeur scientifique de l’Institut Interculturel de Montréal et rédacteur en chef de sa revueInterculture, aime à dire que « L’autre n’est pas un vide à remplir. C’est une plénitude à découvrir. » Cette intuition m’a énormément inspiré et est devenue l’horizon dans lequel je m’inscris en tentant de me rappeler et de rappeler aux autres que : « La vie n’est 1 pas un vide à remplir. C’est une plénitude à découvrir. » Cette découverte ne peut se faire seule. Elle n’est possible que dans le dialogue avec les autres, notre environnement, les aspects de nous-mêmes que nous igno-rons. Elle nécessite une démarche intérieure personnelle, des échanges interpersonnels, des explorations transpersonnelles… et aussi une traduc-tion des intuitions ainsi glanées dans nos modes de vie individuels et collectifs.
Origines
Cela fait une bonne quinzaine d’années que nous explorons dans une démarche de dialogue et d’enrichissement mutuel des questions d’un
1. Voir la sérieDialogues for Changesur http://www.youtube.com/DialoguesForChange
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LE COURAGE DES ALTERNATIVES
vivre ensemble responsable et solidaire. Nous : un petit groupe de cher-cheurs qui se sont initialement rencontrés lors de la mise en place, à la fin des années 1990, d’un groupe de travail Droits de l’homme et dialogue interculturel au Laboratoire d’anthropologie juridique de Paris (LAJP) à 2 l’Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne . Ce groupe a vu émerger un noyau dur de chercheurs qui s’est petit à petit élargi : le séminaire itiné-rant mis en place début 2001 entre le LAJP et les Facultés universitaires Saint Louis à Bruxelles (FUSL) pour explorer les enjeux d’une approche interculturelle du Droit (Eberhard 2002) s’est transformé en une véritable dynamique mondiale lorsque nous avons lancé, à partir de 2003, la dyna-mique de recherche « Droit, gouvernance et développement durable », coordonnée à partir des FUSL et regroupant des chercheurs des cinq continents. Cette dynamique, financée par la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’homme (FPH), a permis de faire éclore des graines semées lors de la première période au LAJP, d’en partager les fruits avec un public plus large à travers bon nombre de publications et de semer quelques nouvelles graines, plus particulièrement en lien avec les enjeux émergents de la gouvernance et du développement durable comme 3 horizons pour un vivre responsable, dialogal et solidaire . Elle s’est trouvée soutenue, enrichie et complétée par le Projet Courage de la Fondation Bernheim, initié en 2007 et clôturé en 2010, que j’ai décliné 4 sous son volet de « Courage des alternatives » aux FUSL . L’ouvrage que le lecteur a entre les mains reprend les actes du colloque international de clôture de ces deux dynamiques, qui s’est tenu aux Facultés universitaires Saint Louis du 20 au 22 octobre 2010. Je voudrais profiter de cette intro-duction pour dire un grand merci aux chercheurs et institutions qui ont contribué à cette entreprise collective et pour exprimer ma gratitude à la FPH et à la Fondation Bernheim. Sans leur soutien, ni cet ouvrage, ni les belles dynamiques de recherche et d’échanges qui ont été menées au cours de ces dernières années n’auraient été possibles. Merci aussi à la collection des Cahiers d’anthropologie du Droit d’accueillir cette publica-tion, sept ans après avoir accueilli le premier ouvrage collectif issu de la dynamique Droit, gouvernance et développement durable en 2005. Enfin, un merci spécial à tous ceux qui ont participé à la relecture des textes et à
2. Le site internetDroits de l’homme et dialogue interculturelest consultable sur http://www.dhdi.org 3. Voir plus particulièrement Eberhard 2005, 2007, 2008a, 2010, 2011, Eberhard & Gupta 2005 et Vachon & Eberhard 2011. 4. Mes trois autres collègues philosophes, Thomas Berns, Laurence Blésin et Gaëlle Jeanmart, ont, quant à eux, exploré la question d’un point de vue plus philosophique. Voir leur ouvrageLe courage. Une histoire philosophique(2010) et le numéro 2 de la revue Dissensus(septembre 2009) coordonné par Laurence Blésin et par Gaëlle Jeanmart, et dédié auxFigures du courage politique dans la philosophie moderne et contemporaine.
INTRODUCTION
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leur édition, et plus particulièrement à Bruno Mallard et à Pascale C. Annoual qui y ont contribué de manière substantielle.
Quel est l’enjeu de ce livre ? À quelle étape de la dynamique collec-tive correspond-il ?
On raconte qu’un jour le Mulla Nasrudin voyageait en bateau lorsqu’une tempête se leva. Rapidement, sa petite embarcation fut débordée par le déchaînement des éléments et commença à couler. Le capitaine et l’équipage tentèrent de sauver leur bateau. Ils se saisirent de seaux et commencèrent frénétiquement à tenter de vider le bateau de toute l’eau qui s’engouffrait de tous côtés. Seul le Mulla ne coopérait pas. Non seulement il ne bougeait pas, mais il puisait de l’eau dans la mer et en remplissait le bateau. En le voyant, le capitaine l’interpella : « Mulla, es-tu fou ? Que fais-tu ? Arrête ! Aide nous ! Nous allons couler ! » Le Mulla répondit : « Ma mère m’a toujours appris à me mettre du côté du plus fort. » Voilà une belle métaphore de notre situation contemporaine. Le bateau – notre organisation du vivre ensemble – prend l’eau de tous côtés. Et pourtant, sommes-nous si différents du Mulla Nasrudin ? Si son action paraît folle, n’agissons nous pas de même en tentant coûte que coûte de nous mettre du côté du plus fort, du système tel qu’il existe, même s’il est mortifère ? Il se pourrait que nous, non plus, n’osions pas nous ouvrir véri-tablement à tous les enjeux contemporains, et qu’en refusant de le faire, nous alimentions ce qui risque de nous mener au naufrage. Je ne suis pas très porté sur les prophéties de malheur, mais peut-être un peu de « catas-trophisme éclairé » (Dupuy 2002) pourrait-il être utile pour nous éveiller. Les recherches sur les manières alternatives d’envisager notre vivre ensemble qui ont été engagées dans nos travaux précédents semblent de plus en plus d’actualité. Mais, ô paradoxe, alors même que leur impor-tance ne cesse de s’affirmer, les moyens pour explorer et mettre en œuvre lesdites alternatives se réduisent à vue d’œil. Pour ne mentionner que l’exemple de quelques compagnons de route : l’Institut Interculturel de Montréal, le International Council on Human Rights Policy à Genève et l’association Juristes Solidarités à Paris ont tous dû fermer leurs portes en 2012, après des décennies de travail extrêmement pionnier et important… Les fondations n’ont plus d’argent pour les projets « alternatifs », les universités se recentrent sur des « fondamentaux », des cours et recherches rentables et bien cadrés, en laissant de côté la recherche fondamentale et les explorations aux marges qui – l’histoire des sciences
5. Voir dans ce contexte Joliot 2001, Koestler 1960, Kuhn 1994.
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LE COURAGE DES ALTERNATIVES
l’a montré – sont celles qui cristallisent les ruptures épistémologiques et 5 font émerger de nouveaux possibles . On voit bien là le syndrome du Mulla Nasrudin : la crise financière se déchaîne, et quelle est notre réponse ? Nous fermons petit à petit tous les lieux qui pourraient permettre de repenser un vivre ensemble sur d’autres bases. Nous avons fondamentalement peur de nous ouvrir à la vie, au monde dans lequel nous vivons, et nous nous accrochons à des certitudes et à notre instinct de survie, dans ce qu’il peut avoir de plus égoïste. Heureusement, la vie est faite de cycles et il est à prévoir que des périodes plus fastes et plus ouvertes aux explorations suivront. La question de l’ouverture de nous-mêmes à nos vies individuelles et collectives restera néanmoins toujours d’actualité.
Courage
Un enjeu primordial aujourd’hui, en cette période de transition, est celui d’un courage des alternatives. Courage, d’abord. Avons-nous le courage de nous ouvrir à l’altérité et au changement ? Un jour, quelqu’un trouva le Mulla Nasrudin à quatre pattes sous un lampadaire. « Mais que fais-tu, Nasrudin ? », demanda son ami. « Je cherche la clef de ma maison. » « Mais où l’as tu perdu exactement ? » « Dans ma maison. » « Mais alors pourquoi la cherche tu ici ? » « Parce qu’il y a plus de lumière ici que dans ma maison. » Nous avons tendance à vouloir comprendre les situations qui se présentent à nous et à trouver des solu-tions aux problèmes qu’ils posent à travers nos cadres mentaux déjà établis. Comme ils ont fait leur preuve par le passé, nous sommes convaincus qu’ils seront aussi à la hauteur du futur. Mais est-ce nécessai-rement le cas ? Ne serions-nous pas en train de vivre une époque de chan-gement paradigmatique où la complexité (voir par exemple Morin 1995), le pluralisme et l’interculturalisme (Vachon 1997) émergeraient comme nouveaux horizons, où nous nous orienterions vers des approches « post- » ou « transmodernes », où nous quitterions notreuniversfamilier pour unpluriversqui reste à découvrir (Eberhard 2008a, 2013) ? D’abord, à un niveau intrapersonnel, le courage consiste en un certain désarmement existentiel : admettre que nos « armes », nos outils de compréhension du réel ne sont peut-être plus tout à fait adéquats. Qu’il faut donc les déposer pour pouvoir envisager les situations d’un nouveau point de vue. Continuer à creuser un puits là où il n’y a pas d’eau peut sembler logique, voire inévitable, lorsque l’on a mis en place toute une infrastructure et qu’il faut la justifier – en soulignant que l’infrastructure
INTRODUCTION
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de nos approches du réel constitue en grande partie ce que nous sommes. La remettre en cause, c’est oser une crise existentielle. Comme aime le dire Robert Vachon à propos de la rencontre interculturelle – porteuse du genre de crise liée à la rencontre avec l’altérité – en partant d’un point de vue chrétien : « Le dialogue interculturel est crucifiant, mais libérateur. » Mais ne vaudrait-il pas mieux, dans certains cas, renoncer à tout l’outillage mis en place et oser creuser ailleurs ? Ensuite, le courage est aussi nécessaire d’un point de vue interper-sonnel : en étant à la marge de l’opinion majoritaire, on se retrouve très vite marginalisé. On est perçu au mieux comme un doux rêveur, décon-necté des réalités de la vie mais inoffensif dans ses rêveries, au pire comme un dangereux anarchiste, voire un terroriste qui voudrait saper ou faire exploser les soubassements de ce qu’un groupe donné considère comme ses fondements. On raconte qu’à une époque lointaine, les astro-logues de la cour prévinrent leur roi qu’une pluie magique allait s’abattre sur son royaume : l’eau serait contaminée et tous ceux qui en boiraient deviendraient fous. Le roi décida de prendre des mesures : il fit collecter de l’eau et l’entreposer dans le palais, afin de pouvoir garder l’esprit sain pour gouverner son royaume. Puis il plut. Après quelques jours, toute l’eau du royaume, sauf celle entreposée par le roi, était contaminée, et il ne fallut pas longtemps pour que tous les sujets du roi deviennent fous. Plus personne ne comprenait le roi. Tous considéraient que c’était lui qui était devenu fou ! Que faire ? Après des journées d’hésitation, le roi se résolut à boire lui aussi l’eau empoisonnée. Pour pouvoir jouer son rôle, il devait être un fou parmi les fous…
Garder sa perspective malgré tous les problèmes que cela cause et le faire de manière cohérente et continue sur de longues années, voilà certai-nement un acte de courage, qui n’est possible que parce qu’il est alimenté par ce que nous ressentons profondément, par notre cœur.
Écouter son cœur et agir en conséquence, quelle belle inspiration de l’étymologie du mot « courage » ! Elle nous invite à sa dimension transper-sonnelle, celle de s’ouvrir – sans pour cela renoncer à notre enracinement humain, à nos sentiments, à notre intellect, à la découverte d’une « confiance cosmique » (Panikkar 1993 ; Vachon 1985), à une confiance dans la vie non pas comme vide à remplir mais comme plénitude à découvrir.
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