Le sang versé ne sèche jamais , livre ebook

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Si on parlait du Roman d’Alexandra Sémard, ‘Le sang versé ne sèche jamais’.. . . Dans ce roman nous allons suivre le quotidien d’une petite ville du Grand Nord Canadien plongée au cœur d’une série de meurtres auxquels serait mêlée une créature surnaturelle. . . Peut-on vraiment dire que l’on connait son voisin ? Sa famille ? . . Ce roman nous amène à regarder la communauté qui nous entoure et le monde occulte d’un œil nouveau.
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Date de parution

01 août 2024

Nombre de lectures

1

Langue

Français

Prologue
Le blizzard fissurait sa peau de mille parts. Les arbres craquaient sous le poids de la neige.
Elle avançait, ses pas brisant la glace. Pourvu que l’ombre ne la rattrape pas. Ses yeux rougis
par le battement continu des flocons peinaient à discerner la menace qui rodait. Le reflet de la
pleine lune constituait son seul éclairage dans les sentiers de la forêt noircie par les branches
touffues des pinèdes. C’est là qu’elle la vit, cette forme discontinue de couleur pourpre qui
s’effilait sous ses pieds. Elle reconnut son odeur familière, son goût métallique et sa tiédeur.
Durant ces minutes interminables de course pour sa survie, elle en avait oublié la blessure
que lui avait infligée cette immense silhouette sortie de nulle part. C’est alors qu’elle tomba
avant même d’avoir reçu le coup de grâce. Le froid l’enveloppa progressivem ent dans un
sommeil forcé et trois perles de sang s’échappèrent de ses yeux avant qu’elle ne les referme,
souillant la blancheur de la neige à jamais.
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Chapitre 1 - Disparition
C’était un dimanche d’hiver comme beaucoup d’autres. Une tempête de neige s’était abattue
la veille sur la petite localité de Roxton Pond. Eléonore n’avait d’ai lleurs pas trouvé de
meilleure activité que de feuilleter une énième foisLe Conte du Graalde Chrétien de Troyes.
Elle lisait le passage de l’oie avec d’autant plus d’intérêt que cet oiseau était l’emblème de la
localité.ang qui seL’oie avait été blessée au cou et elle avait perdu trois gouttes de s
répandirent sur la neige blanche, avec l’apparence d’une couleur naturelle.Il lui était
désormais plus facile d’imaginer la scène des trois gouttes de sang i ci au Québec qu’en
banlieue parisienne où elle avait grandi. Là-bas, la neige n’était qu’une espèce de tourbe
grisâtre qui disparaissait en quelques heures. Pour une fois, elle voyait un maigre avantage à
vivre dans ce pays de glace, au cœur de la monotonie. Elle n’en détestait pas moins la neige
qui l’empêchait de marcher à son rythme habituel, l’humidité qui trouvait toujours un moyen
d’imprégner ses os et le froid qui recréait à chaque sortie hivernale un palais de stalactites au
creux de ses narines.
Un pincement sur son avant-bras gauche l’extirpa de ses divagations. C’était Or, son unique
raison d’avoir accepté de vivre au milieu de nulle part. Cette boule de poils dorée venait lui
manifester son mécontentement d’être encore enfermée dans la maison à une heure aussi
tardive. Sa passion pour la forêt et la neige n’avait d’égal que celle qu’elle éprouvait pour les
grandes villes et le fourmillement incessant de ses habitants. Elle caressa délicatement son
ami à quatre pattes pour apaiser son impatience et ainsi gagner quelques minutes de lecture.
Un hurlement bouleversa la quiétude du repos dominical, suivi des jappements incessants de
son compagnon à quatre pattes. Élly, encore à moitié-endormie, s’avança péniblement près de
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la fenêtre découvrir la cause du vacarme. Une dizaine d’habitants du vill age, munis de
raquettes et bâtons de marche s’étaient rassemblés à l'entrée du boisé donnant sur la cour
arrière de la demeure familiale. Ils se divisèrent en trois groupes et partirent en direction de la
forêt de pins blancs et d'érables, laissant entrevoir les traces de leurs pas sur le sol blanc
immaculé. C'était la première fois depuis son arrivé que quelque chose d’imprévu perturbait
la petite communauté. Personne n'avait parlé d'un tel attroupement, pas même aux nouvelles
locales radio-canadiennes. Elle décida de s’enquérir auprès des voisins à la recherche
d’indices sur cette étrange scène dont elle était témoin. En l’absence de bons commérages,
elle se rabattit sur la vieille radio qui lui servait de réveil matin. Un des communiqués faisait
état de la disparition de Mme Rougemont, une veuve octogénaire dont le dernier signe de vie
remontait à samedi après-midi. La vieille femme était partie comme à l’accoutumée encaisser
le loyer d'un des nombreux logements qu'elle possédait dans la région. Un appel à témoins
avait été lancé et les habitants de la localité avaient spontanément organisé une battue pour
tenter de retrouver la femme la plus riche du village. « La nouvelle de la disparition de
madame Anne nous rappelle à tous icite le jour où son fils Théo a été retrouvé pendu du haut
d'un érable rouge. Le pauvre, y’avait juste 25 ans » s’exclama la voix étouffée un résident de
la localité. Un malheur ne frappant jamais seul, les autorités policières avaient d’abord arrêté
le frère jumeau du jeune défunt, principal suspect de l'affaire, pour fin alement conclure au
suicide. C'est d'ailleurs ce dernier qui, la voix entrecoupée de sanglots, appelait à l'antenne les
villageois à faire part de toute information sur la disparition de sa mère.
Élly éteignit abruptement le poste. C'en était trop de drames et de tragédies pour la journée.
Depuis sa tendre enfance, elle en abhorrait le genre tant à l'é cran que dans la vraie vie.
Finalement, elle en vint à regretter la tranquillité perdue de la municipalité qui l'avait pourtant
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si bien accueillie, elle, la p’tite maudite française du village, et se replongea dans la lecture de
son roman de geste.
C’était pourtant bel et bien la recherche de tranquillité et non d'aventure s ou de grands
espaces qui avait poussé les parents d'Élly à s'installer dans cette petite localité de 4000 âmes.
C'était même précisément pour échapper aux nombreuses frasques de son progéniteur qu’Élly
avait été condamnée à l'exil. Et on peut dire que ces dernières avaient si nombreuses, que
Denise, la mère d'Élly, avait intenté une procédure de divorce non sans découvrir que le style
de vie de son époux avait aussi eu raison de son compte bancaire. C'en était trop pour cette
femme au foyer qui avait sacrifié les meilleures années de sa vie à la réussite professionnelle
de son mari et à l’éducation de sa fille. Ne pouvant se résigner à quitter le foyer conjugal les
poches vides, elle se résolut à conclure un accord avec le fauteur de troubles : elle accepterait
de rester à ses cotés pour qu'il ne perde pas la face devant sa famille s’il prenait ses distances
avec son passé (au sens propre du terme). Et c'est cette entente qui les amena à s’installer à
mille lieux de la ville lumière, dans le Grand Nord. Denise espérait secrètement que le froid
hivernal et l’ennui calment les ardeurs de son époux. Il faut dire que l es tentations et
mondanités étaient choses rares à Roxton Pond. Désormais les seuls trophées de chasse que
rapportait le père d'Élly au domicile familial trônaient tristement dans le salon, comme cet
orignal au regard d'effroi immortalisé à jamais.
Il était midi passé quand Élly aperçut plusieurs des participants à la battue revenir bredouille,
la mine basse. D'autres s’aventuraient encore dans les entrailles de la forêt aux branches
parsemées de stalactites, et dont la moindre intrusion menaçait de faire tomber ces couperets
de glace. Élly s’étonna d’un tel élan de solidarité, d'autant plus que la disparue n'était pas la
personne la plus aimée de la localité. Il s'en était fallu à peine de quelques semaines pour
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qu'Élly soit mise au fait des radios ragots de sa nouvelle terre d'accueil, notamment celles
concernant la fortune amassée par Anne Rougemont. D'après les dires du village, la disparue
était une jeune fille sans talent ni attrait physique particulier lorsqu'elle épousa un agriculteur
modeste des environs de vingt ans son aîné. Elle donna vie quelques mois plus tard à des
jumeaux. Leur ressemblance physique contrastait avec leurs personnal ités opposées. L'un
était d'une gentillesse extrême et toujours dévoué à ses semblables alors que l'autre était cruel
et prenait plaisir à semer la discorde. Leur mère ne cachait pas sa préférence pour le plus vil
de ses deux fils, qui à ses yeux irait loin par sa force de caract ère, et n'avait de cesse de
réprimander son frère, qu'elle qualifiait de faible et bon à rien. Ainsi, personne ne fut surpris
quand une vingtaine d'années plus tard, le corps de ce dernier séché et noirci par un soleil
d'équinoxe fut retrouvé suspendu en haut d'un arbre. Quelques semaines avant le drame, le
défunt avait perdu sa fiancée, partie folâtrer avec son frère, qui la convoitait depuis quelques
années déjà. Depuis la tragédie, la faucheuse hantait la famille Rougemont.
Anne Rougemont redora sa réputation les années suivant le funeste destin de son fils le plus
affable. Les villageois pensèrent alors, qu'aux prises avec la culpabilité, elle tentait d'honorer
la mémoire du disparu, en œuvrant pour la cause des plus faibles. Elle de vint alors une
fervente adepte de la messe du dimanche et consacra une bonne partie de ses journées à
visiter les vieillards et enfants malades des environs. Ses nouve lles bonnes actions lui
valurent la une du journal local et la consécration ultime de femme de l'année de Roxton. Les
mauvaises langues se turent et les mémoires oublièrent les rumeurs la concernant. Cette trêve
pris fin le jour où Mme Rougemont en vint à accueillir un vieillard. L’homme en question
avait fait fortune dans l'industrie de la construction à Montréal dans les années 1930. Il avait
participé, disait-on, au projet de construction de l'immeuble de la Banque Canadienne
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Impériale de Commerce qui dominait la ville du haut de ses 34 ét ages. Cet homme aux
multiples propriétés était accablé d'un mal incurable, la solitude. Ce mal disparaissait comme
peau de chagrin au contact de Mme Rougemont mais devenait plus lancinant encore sitôt sa
visite terminée. Ainsi, lorsque celle-ci lui proposa de venir s'installer chez elle, il crut trouver
une cure à sa douleur d'âme quotidienne. Le vieillard emménagea un mois de j uin au
domicile des Rougemont avec pour seul bagage une valise pleine de souvenirs et confia la
gestion de ses nombreuses propriétés à sa sauveuse, comme il aimait l'appeler. Les rumeurs
reprirent alors bon train, les unes condamnant l'envoûtement qu'Anne exerçait s ur son
nouveau locataire; les autres prédisant une fin tragique au vieillard qui s'était installé dans la
chambre du fils défunt. Nul ne fut donc surpris à l'annonce du décès du vieil homme dans les
sept mois qui suivirent son déménagement. Mme Rougemont avait découvert son corps sans
vie installé paisiblement dans le fauteuil du bureau, non loin duquel reposa it une lettre
parsemée de termes juridiques dans laquelle le vieillard léguait la totalité de ses avoirs à son
hôtesse bienveillante. C'est ainsi que la fortune de Mme Rougemont vit le jour. Sa nouvelle
entreprise lui parut si profitable qu'elle consacra les années qui suivirent à héberger veuves
inconsolables, âmes perdues atteintes de maux incurables et vieillards en quête d'amour de
jeunesse dans sa demeure. Ceux-ci débarquaient de toute la Montérégie, persuadés que les
soins inconditionnels que leur prodigueraient Mme Rougemont guériraient leur mal-être, fut-
il physique ou sentimental. Ils ignoraient toutefois les desseins véritables qui animaient la
charité de leur logeuse. Le bal des nouveaux arrivants au village s'accompagnait du même lot
de disparitions mystérieuses, suicides et morts accidentelles. Tous, sans exception, avaient
peu de temps avant leur mort ou "départ" une pensée généreuse pour Anne Rougemont, qui
héritait toujours de leurs biens les plus précieux. On ironisait même à l'époque pour dire
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qu'après les Rougemont, le négoce familial des pompes funèbres de la localité était la
deuxième plus grosse fortune de la région. Ni les rumeurs ni les poursuites judiciaires
intentées par quelque héritier indirect ne menacèrent à aucun moment le plan machiavélique
de Mme Rougemont. Seule sa réputation dont elle n'avait que faire fut entachée. D'ailleurs,
elle avait abandonné depuis un certain temps l'office dominical et allait chercher ses futures
victimes chaque fois plus loin, là où les rumeurs n'avaient pas encore été colportées. Quant à
sa culpabilité dans ce va et vient de décès fortuits, elle ne fut jamais questionnée par le
commissaire du village qui n'était autre que l'amant de la suspe cte. Il va sans dire qu'elle
cessa d'accueillir les nouveaux locataires dépérissants le jour où l'autorité policière du village
changea de main. Madame Rougemont passa les années qui suivirent à récolter en personne
les loyers des nombreuses demeures dont elle avait hérité, la plupart en pièces sonnantes et
trébuchantes. Certains affirment que son avarice était telle qu'au br uit d'une monnaie
métallique sur le bois franc, elle se jetait à terre tel un vieux chien affamé devant un os. Et
c'est, disait-on, lors d'une visite à un de ses mauvais payeurs qui occupait une propriété isolée
en forêt qu'elle disparut en plein hiver.
Le retentissement de trois coups extirpa Élly de sa lecture. Il était déjà plus de quatre heures
de l'après-midi et la noirceur avait recouvert tout semblant de vie à l'extérieur. Seuls
scintillaient dans l'obscurité les yeux de son chien dont la queue battait frénétiquement en
signe de bienvenue au visiteur. Une ombre familière se dessina derrière la porte d'entrée
vitrée. Son père faisait bien piètre mine lorsqu'elle lui ouvrit la porte, il avait perdu ses clefs
dans un banc de neige sans doute en participant à la battue tôt ce matin. Le bout de journal
froissé qu’il laissa tomber sur la table à manger faisait état d’une participation record des
villageois aux recherches de Mme Rougemont. Le fils de la disparue promet tait une
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récompense de dix mille dollars à quiconque apporterait des indices permet tant de la
retrouver. D'après les dires de son père, la vieille femme s'était évanouie dans la nature sans
laisser de traces en dépit des efforts déployés par les équipes de secours et les nombreuses
personnes à l'affût de pistes pour arrondir leurs fins de mois. Personne n'en était étonné,
surtout à cette époque de l'année où les températures saisonnières avoisinaient les moins
vingt degrés. À son âge, Mme Rougemont avait probablement eu un malaise au mauvais
endroit. La neige avait ensuite pris soin de revêtir entièrement son corps d'un habit cristallin
jusqu'au printemps, effaçant toutes traces de son passage. Pourtant Élly avait du mal à croire
à ce scénario d'autant plus que la disparue ne manquait pas d'ennemis e t connaissait les
alentours les yeux fermés. Peut-être avait-elle succombé aux mains d'un héritier déchu ou un
voyou l'avait kidnappée moyennant une juteuse rançon. Une chose était sûre, Mme
Rougemont avait sous-estimé l'hiver, un monde de fragilités, où nul n'est à l'abri, pas même
le plus redoutable des prédateurs.
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Chapitre 2 - Taiscaron
Daniel reposait étendu sur son lit, les yeux grands ouverts en cette nuit hivernale. Il savait
que la disparition de sa mère il y a quelques heures à peine ne présageait rien de bon et qu'il
devrait en appeler aux médias dans la matinée, ne serait-ce que pour s'afficher en fils aimant
et dévasté par la nouvelle. Pourtant ce n'étaient ni l'inquiétude ni l'angoisse qui le rongeaient
de l'intérieur, mais plutôt leur manque. Quand il imaginait le corps inerte de sa mère enfoui
sous la glace, ni tristesse ni colère ne s'emparaient de lui. Seule une profonde indifférence
pour celle qui l'avait élevé l'envahissait. Indifférence qu'il se devait d'occulter aux villageois
sous des couches d'émotions feintes et de paroles mâchées à l'avance qu'il régurgiterait le
moment venu. Daniel maugréait à l'idée d’apparaître publiquement sur les ondes locales en
cette journée dominicale, mais mieux valait ne pas éveiller les soupçons. Le souvenir de la
disparition de Théodore, son frère jumeau, il y a pratiquement trente ans le hantait encore, sa
détention provisoire d'abord et le regard des autres ensuite. Sa malaisance notoire était telle
qu'il s'était terré avec le mobile du présumé fratricide dans une vieille bâtisse au milieu de la
forêt pour le restant des années qui s'ensuivirent. Et comme il l'a vait déjà prévu, il perdit
rapidement tout intérêt pour celle dont la beauté désormais fanée avait précipité son défunt
frère dans les affres de la douleur. Pour Daniel, seules les chose s qu'il convoitait étaient
attrayantes à ses yeux et une fois celles-ci obtenues, elles en devenaient anodines. Il en advint
de même pour Suzanne, cette fille de campagne au physique flatteur dont son frère s'enticha
au point de la fiancer. L'officialisation de la relation déclenc ha chez Daniel le désir
irrépressible de conquérir Suzanne, simple pièce dans ce jeu d'échecs familial où il jouait le 10 |
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