264
pages
Français
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2008
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Français
Ebook
2008
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Publié par
Date de parution
01 mai 2008
Nombre de lectures
48
EAN13
9782296188471
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
2 Mo
Publié par
Date de parution
01 mai 2008
Nombre de lectures
48
EAN13
9782296188471
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
2 Mo
LES HAUTS CRIS
Daniel Cohen éditeur
Littératures, une collection dirigée par Daniel Cohen
Littératuresest une collection ouverte, tout entière, àl’écrire, quelle qu’en soit
laforme :roman,récit,nouvelles, autofiction,journal ;démarcheéditoriale
aussi vieillequel’éditionelle-même.S’ilestdifficile de blâmer les ténorsde
celle-cid’avoireu legoûtdes genres qui lui ont rallié un largepublic,il reste
queprescripteurs ici, concepteursdelaformeromanesquelà, comptablesde
ces prescriptionsetde cesconceptionsailleurs,ont,jusqu’àundegrécritique,
asséché levivierdes talents.L’approche deLittératures, chezOrizons, est
simple— ileût été vaindel’indiquerend’autres temps —:publierdesauteurs que
leur forcepersonnelle,leurattachementaux formes multiplesdu littéraire,ont
conduitsaudésirdefairepartager leurexpérienceintérieure.Du texte
dépouilléàl’écrit porté par lesouffle del’aventurementale et physique,nous vénérons,
entretous lescritères supposantdéterminer l’œuvrelittéraire,lestyle.
Flaubert écrivant:«J’estimepar-dessus toutd’abordlestyle,
etensuitelevrai »,il savaitavoir raisoncontretous lesdépérissements.Nousen
faisons notre credo.D.C.
Dans lamême collection:
Bertrand duChambon,Loin de V"r"nas#,2008
OdetteDavid,Le Maître-Mot,2008
JacquelineDeClercq,LeDit d’Ariane,2008
TouficEl-Khoury,Beyrouth pantomime,2008
GérardGantet,Les hauts cris,2008
HenriHeinemann,L’Éternité pliée, Journal,édition intégrale.
Gérard Laplace,La Pierre à boire,2008
Enza Palamara,Rassembler les traits épars,2008
ISBN978-2-296-04683-2
© Orizons, chezL’Harmattan, Paris,2008
Gérard Gantet
Les hauts cris
roman
2008
Du même auteur
Mort et transfiguration pour la jeune fille étrangère,Belfond,1986.
Quelques extraits de presse :
—
—
—
Gantet s’affirme d’emblée commeun
écrivain,sansconcessionsàl’égard du public,mais passionnant.
LeMagazineLittéraire
Son style,son regardsontceuxd’unauteur, difficile des’y
tromper.
L’Express
Cepremier roman pourrait parfaitement êtrele dixième
romand’unbon écrivain installé,rôdéet habile.
LeMonde
Ahakizé hiitwa inkovù.
L’endroitguéri s’appellela cicatrice.
Proverbes du Rwanda
TervurenEditeur,1957
Non seulement il faut crier, mais il faut faire
crier les criailleurs en faveur de la vérité.
Voltaire
Correspondance,29 septembre1764
PourVanessa,Lila,Manuella,Antonin,
points cardinaux de mon voyage
i tobie,Maria-Karima, moja gwiazda.
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près que maintes péripéties de l’existence les eurent
A
égarés de place en place, mes géniteurs rallièrent une
confrérie établie en rase campagne. Ils nouèrent un lacis de
branchages à la cime d’un frêne ; j’ai vu le jour sur ce fagot
de branches mortes. Venant au bord du nid, ma mère nous
mettait en garde contre le monde d’en bas où le bimane
régnait en maître.
Nous étions trois dans ma fratrie, dont deux de sexe
mâle. En vérité, un quatrième rejeton demeura si malingre
que nous nous mîmes à le houspiller, jusqu’à ce que ce jeu se
débride. Sitôt les parents éloignés, on lui volait carrément
dans les plumes. Le petit enfoiré ne cessait de criailler, au
point que je ne revois de lui que le fond rose vif de
songosier.Quandil tomba d’inanition nous groupâmes nos forces
et parvînmesàle balancer horsdu nid.
Quoi ?Quoi ?Quetefaut-ilapprendre d’autre?Mes
souvenirs les plus reculés sontdemaigres lambeaux, c’està
peines’ils portent surce coindepays où vivait notre clan.
Jerevois une bande de campagnelugubrequenousaimions
précisément pour sa désolation.Ellesetrouvaitbornéepar
lalisière d’unbois mesquin,unde cesbosquets qui
réchappentdudéfrichementauquel selivrent lescultivateurs
hantés par l’agrandissementdes labours.Ilsavaientépargné
ces taillisafin qu’ils serventderefuge au gibier,qu’ils
traqueraientdès l’ouverture dela chasse et sur lequel ils pourraient
tirailleràl’envi.Il mesembleque cesont les premiersbruits
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GÉRARDGANTET
fabriqués par lesbimanes qu’il m’aitété donné d’entendre,
desdétonationsdefusils.Leuréclat furieuxdéchirait les
brumesd’automne,tandis qu’unegrenaille
deplombmitraillait lesbranchages, écharpant leurécorce.Bien queje
m’aplatisse au seul miaulementde ces salves,ma curiosité
l’emportaitet mevalutd’assisterà de drôlesdescènes:une
faisanestoppant neten pleinciel,toute étonnée de
constater qu’ellesemait ses plumes.Oubien un lapindébusqué
quiboulait, cul par-dessus tête, au fond d’un sillon.Voyant
venir sur lui unegueule aux mâchoiresbardéesde crocs,il
semettaitàgigoterconvulsivement, commesi lavélocité
pouvaitdistancer lamort…
Quantànous,lescorbeaux,nousétions reléguésau
boutd’uneprairiepentuesur laquelle àlongueurd’année
vaguait un troupeaudevaches.Jefilaisàlarencontre de ces
placidesbroutardes.Ellesétiraient un mufle auréolé en
permanence d’unessaimassidu (Peut-être ces taons
leurétaientilsattitrés ?)et leur languegoulue,œuvrantcommeunemain,
serpentaitdans l’épaisseurdel’herbage.Leurs flancs,que
nul oragene décrottait,regorgeaientdeparasites fameux.
Ces somnambulesdelapâture avaient,nondes transports,
maisdes sursauts.Elles lançaient leurs pattes sabotéesen
une coursemalhabilequ’emballait lapente du pré et qui les
menaitcontrela clôture électrifiéeoùelles stoppaient net,
l’aireffaré de cettefoliequi lesavait fouettées.Les viandes
secouées retrouvaient lalaxité des muscles relâchés,les
carnes redevenaient flasques,les poitrailsballottaient leurs
plis graisseux ; lenaturel revenaitau galop.
Àl’opposése déroulait lerubanbitumeuxd’uneroute
quiconduisait jusqu’àunbourg.Plaqués les unscontreles
autres,reluisantsd’un gris uniforme,ses toitsd’ardoises
LESHAUTS CRIS
13
formaientcommeuneflaquegeléeque crevaiten son
centreundardnoir,laflècheferrée d’unclocher.
Ce clochereut pour moi son importance.Mehissant
dans l’enchevêtrementdes madriers quienconstituaient la
charpente,j’allais mejucher sur
unepoutremaléquarrie,fichée au mur prèsd’uneouverture en pleincintre.Installélà
aubord du vide,j’observais lesbimanesdepuiscettevoûte,
scrutant leuraffairement,m’efforçantde comprendre.
L’espace de ce beffroi n’est point inhabité.Ysiège
une clocheinamoviblequi,jadis, àintervalles réguliers,
emplissait lavallée devibrationsd’airain.Pétrifiéparmi tout
un réseaud’araignées,sonbattant nesonneplusdepuis
bellelurette.Brave bourdon,tu n’es pas insignifiantàmes
yeux,jen’oubliepas que cesont tes pansde bronzequi me
renvoyèrent mapremièreimage.
Un maigre coursd’eau se dévouaitàl’irrigationdes
terres.Tenu sousbonnegardepar
undoublerangdepeupliers sanglésdans leur uniformegris plombé,il
nes’autorisait pas lemoindre clapotis.Sinueuxàforce denerien
connaître deson sort,ilallaitàun train si lent qu’il
nesemblait pasaller.En son litétriquéqui n’était parendroits pas
plus largequ’une douve,iladmettait un grouillementde
tanchesetde chevesnes qui,vouant leur vie àlafouille dela
vase,nes’enévadaient quepour moucheronneren surface,
émettant un obscène claquementdelanguequidonnaità
voir l’intérieurdeleur gorge
articulée,pareilàunemécanique archaïque.Le coupderein qui les renvoyaitau fond
exposait unepanse blanchâtre,si renfléequ’elleparaissait
œuvée.
Mes vacheschéries fréquentaientaussicette berge.
Elles s’yengageaient toujoursau même endroit,unegrève
millefois piétinéepar lapince deleurs sabots.Après
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GÉRARDGANTET
l’exécutiond’unegymnastiquegrotesquequi requérait
beaucoupdetemps, elles finissaient paratteindre
cetteflaque.L’encolure étirée et l’œil révulsé, elles mâchonnaientce
liquideverdâtre et gluant qu