Un ténébreux vertige , livre ebook

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Commence par bien préparer ton examen. Jamais, dans son proche entourage, on n’aurait eu la sottise de lui prodiguer un tel conseil. Elle était faite pour étudier, pas besoin de la pousser. Son avenir était presque tout tracé, elle finirait agrégée de droit, d’histoire ou de lettres. Malgré cela, recalée en juin, elle était en train de réviser sa philo au lieu de profiter pleinement de ses vacances d’été sur la Côte. Ce qui ne l’empêchait pas de vagabonder dans ses pensées, et d’imaginer une improbable histoire sentimentale, jusqu’à se prendre pour un personnage de roman. Avec l’air de ne se soucier de rien, elle réfléchissait à tout. Il s’en passait même de belles dans sa tête où le rêve chevauchait allègrement la réalité. Elle était ainsi, et ça lui allait bien. Elle ne se distinguait pas des autres, mais elle se savait différente, et bientôt cela éclaterait au grand jour. Jeune fille intellectuellement précoce, elle raillait les prétendus surdoués, et c’est en cela qu’elle était prodigieuse. Pour elle, « les autres », qu’elle n’avait aucune raison d’aimer ou de détester, ce n’était pas l’enfer ni le paradis. Les autres, c’était seulement des gens qui croient vous comprendre jusqu’au moment où vous ne les comprenez plus vous-même. Autant dire qu’elle était déconcertante, et qu’elle ne pouvait que nous surprendre.
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Publié par

Date de parution

23 juin 2014

Nombre de lectures

3

EAN13

9782312022864

Langue

Français

Un ténébreux vertige
Illustration de couverture :
collection privée ; droits réservés.
DU MÊME AUTEUR


LES VOLUPTÉS DE L’ENFANCE
Éditions Brancas, 2012.
(brochure éditée à compte d’auteur)
Elsa d’Horgevil











UN TÉNÉBREUX VERTIGE
roman










LES ÉDITIONS DU NET
22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2014
ISBN : 978-2-312-02286-4
à Montgomery Clift, que je n’ai jamais vu qu’au cinéma,
et
en hommage à “Elle”, que j’ai bel et bien lue.
Avant de me lancer dans cette audacieuse aventure littéraire, j’ai pris langue avec un écrivain chevronné, mais en mal de succès, qui animait un atelier d’écriture fréquenté par d’illustres inconnus.
Dieu sait s’il m’en a appris des choses ! Non content de m’enseigner l’art d’écrire et de m’insuffler le goût du romanesque, il m’a initiée à la mise en page. Il est même allé jusqu’à me faire découvrir les rudiments de la PAO, la publication assistée par ordinateur.
Quand nous nous sommes quittés, après une série de cours, il a osé cette envolée métaphorique : « Vous vouliez faire un bébé littéraire toute seule. Grâce à la “procréation assistée par ordinateur”, vous allez donner naissance à un enfant numérique, sans même faire appel à un imprimeur. »
Là, j’ai pouffé de rire. J’aurais pu l’envoyer valser, mais il avait l’air si heureux de lui, que j’ai tourné les talons sans dire un mot. J’avais hâte de revêtir les habits de la romancière et de faire œuvre d’imagination, d’autant que la fée inspiration semblait être au rendez-vous. Un rendez-vous estival, sous un soleil ombrageux.
Elsa d’H.
1
C’est quelque chose qui m’afflige et me désespère. Comme une lassitude teintée de repentir, qui charrie du vague à l’âme et dépose en moi de la mélancolie. J’avais plus ou moins succombé à l’ennui, au dégoût de soi et à l’horreur de vivre, et voilà que je manifeste une noble indifférence à l’égard des autres, parce qu’un beau matin, un certain malaise a pris racine en moi, qui fait songer à un ténébreux vertige.
C’était l’été, j’allais sur mes dix-huit ans et le bonheur me souriait. Je me sentais bien avec ces « autres » que formaient mon père et son amie Héléna. Je me dois d’éclairer le contexte d’alors, somme toute particulier. Veuf depuis douze ans, mon père, qui frisait la quarantaine, était un homme entreprenant. En quittant le pensionnat, deux années auparavant, j’avais trouvé naturel qu’il eût une liaison avec une femme. J’avais été plus réticente en le voyant en changer chaque semestre. Mais, par tempérament, je me fis à cette vie primesautière. Mon père, espiègle, avisé, touche-à-tout, séduisait. Moi-même sous le charme, j’aimais cet homme drôle et délicat, qui me témoignait sa tendresse. À mes yeux, il représentait l’ami idéal. Cet été-là, il eut le tact de me consulter au sujet d’Héléna, sa dernière conquête, qu’il envisageait d’emmener en vacances avec nous. Vu son attirance pour le sexe faible, et la gentillesse d’Héléna, j’acquiesçai à sa demande. Blonde ravissante, genre mannequin, Héléna fréquentait les studios de cinéma parisiens, ainsi que certains bars du huitième arrondissement. C’était une jeune femme de bonne composition, qui ne troublerait en aucune façon ce séjour à la mer qui faisait notre joie à mon père et à moi. Nous brûlions de découvrir cette spacieuse villa de la Côte d’Azur, qu’il avait louée pour deux mois. Construite sur un cap, elle s’ouvrait sur la Méditerranée. Un espace boisé la séparait de la corniche. On accédait à une minuscule calanque par un sentier escarpé.
La première semaine fut merveilleuse. Nous nous exposions des heures au soleil, et notre peau prit vite une couleur ambrée, sauf celle d’Elsa qui devint écarlate et douloureuse. Pour rester svelte, mon séducteur de père s’imposait chaque jour une séance de gymnastique. Dès le lever du jour, je me jetais dans l’eau froide et limpide où je m’ébattais avec fougue pour me purifier des miasmes de la capitale. Je jouais avec le sable de la plage, qui glissait entre mes doigts ; je le regardais s’écouler en songeant au temps qui passe. C’était une comparaison banale qui convenait à mon humeur frivole et à l’atmosphère estivale.
Le septième jour, je fis la connaissance de Florent. Son petit voilier, qui bordait la côte, dessala sous mes yeux. Je lui prêtai la main pour rassembler son barda. L’incident se termina par des éclats de rire, et nous conversâmes. Florent, étudiant en sociologie, passait l’été avec sa mère, dans une villa toute proche. Il avait le type méditerranéen, expansif et enjôleur, plus quelque chose de rassurant, qui me séduisit. Il se distinguait de ces élèves de prépa imbus de leur personne à peine inscrits à l’université, prompts à se rebeller au moindre mot d’ordre, sinon pour des futilités. Je détestais ces jeunes prétentieux. Mon choix se portait vers ces hommes mûrs de l’entourage de mon père, des messieurs prévenants et sensibles, qui me prodiguaient leurs bontés en feignant de me courtiser. Néanmoins, Florent me charma. Il était d’une beauté reposante. À l’égal de mon père, je fuyais les gens disgracieux, j’étais gênée à leur contact, je trouvais suspect leur manque d’attirance physique, jusqu’à leur préférer des gens moins brillants. Nous avions tous les deux besoin de séduire, par goût des défis, sinon pour apaiser notre doute intérieur.
Avant de partir, Florent se proposa de m’initier au maniement d’un voilier. Je ne pensai qu’à lui et à cette offre durant le dîner, tandis que mon père m’apparut fébrile. Après le repas, comme d’habitude, nous allâmes nous étendre sur les transats de la terrasse. Le ciel de juillet fourmillait d’étoiles vives et immobiles. Les cigales chahutaient autour de nous. Leur chant entêtant éraillait la nuit. Drôles d’égosillements que ces stridulations qui résultent du frottement de leurs ailes ! À la fraîche, nous tolérions cette symphonie pathétique, qui aurait fini par m’endormir, quand mon père se racla la gorge et dit :
– Nous allons avoir de la visite.
Fâchée d’avoir à partager notre bonheur, je soupirai. Héléna, en manque d’effervescence, s’écria :
– Chouette ! Qui ?
– Nicole Desbois, répondit mon père, en lorgnant vers moi.
Ébahie, je le fixai. Il détourna son regard et précisa :
– Éreintée par les défilés de mode, elle nous rejoindra dès dimanche.
Je m’attendais à tout sauf à cette intrusion dans notre intimité. Quand je quittai le lycée, il y a deux ans, mon père trouva opportun de me confier à cette amie de ma mère. En moins d’une semaine, Nicole Desbois avait fait de moi une jeune fille élégante et présentable, à qui l’on faisait la cour. Je ne pouvais qu’admirer une personne qui était à l’origine de mes premiers flirts. Du même âge que mon père, Nicole Desbois avait une classe inouïe. Beauté souveraine, elle dégageait une espèce de morgue qui jetait le trouble autour d’elle. Quoique distante, elle était très entourée. Une exquise gentillesse tempérait sa froideur. Cela lui conférait une noblesse qui la rendait inaccessible. Divorcée, elle aurait pu multiplier les conquêtes. Avait-elle seulement un compagnon ? Nicole Desbois ne côtoyait pas les mêmes gens que nous : elle avait un faible pour les personnes réservées, raffinées, subtiles, quand nous nous accordions avec des individus pétulants, exaltés, chez qui l’on appréciait d’abord la beauté ou la jovialité. Elle ne prisait pas notre manière de voir, de même qu’elle réprouvait tout écart de conduite. Au moins était-elle sensible aux progrès que j’accomplissais à ses côtés. Les repas d’affaires – elle travaillait dans le prêt-à-porter et mon père dans les relations publiques – et la mémoire de ma pauvre mère, voilà tout ce que nous partagions. En plus, elle allait tomber sur Héléna, ce qui ne manquerait pas de froisser ses convictions.
Après toute une série de questions sur Nicole, Héléna regagna sa chambre. Je me déplaçai devant le transat de mon père qui, posant une main sur ma nuque, m’interrogea :
– Je te trouve bien maigre, mon petit chat ? J’aimerais que tu prennes des rondeurs, et que ton regard s’illumine…
– Je t’en prie… Quelle idée d’avoir invité Nicole ? Et pourquoi vient-elle ?
– Elle semblait avoir envie de me voir.
– Vous n’êtes pas assortis l’un à l’autre. Nicole est très soucieuse de son image. Sans parler d’Héléna… Quels sujets de discussion vont-elles avoir ?
– J’avoue que cela risque d’être calamiteux. Nous ferions peut-être mieux de rentrer à Paris ?
Il souriait en me serrant le cou. Je fis volte-face. Ses yeux plissés pétillaient, sa bouche grimaçait, il faisait penser à un satyre. Il éclata de rire, et moi avec lui, complice de l’imbroglio qui se préparait.
– Qui d’autre que toi pourrait jouer cette scène, me dit-il.
Il était si attendrissant que je m’en serais voulu de ne pas me prêter à son manège. Nous avons entamé une conversation sur l’amour et la complexité des sentiments. Selon mon père, il était inutile et vain d’enfermer les choses de l’amour dans de grands principes. L’amour devait être facile à vivre, et non pas synonyme d’attachement, de sérieux, de promesses. Tenu par quelqu’un d’autre, ce discours m’aurait heurtée. Mais mon père était un homme entier, qui débordait d’affection autant qu’il en réclamait. Il se complaisait dans les liaisons éphémères, fussent-elles exacerbées. Cette vision ludique s’accordait avec le peu que je savais de l’amour : baisers volés, sentiments furtifs et passades trompeuses.
2
Il nous restait cinq jours avant que Nicole ne rapplique. Notre lune de miel s’éteindrait avec son arrivée. Nicole nous imposerait sa « bienséance », elle fixerait des limites à notre relâchement et à notre langage. Il lui suffirait de se soustraire à la conversation ou d’exprimer son indignation pour rétablir une espèce d’ordre. C’était une comédie éprouvante et palpitante, qui tournait souvent à son avantage, parce qu’elle avait rarement tort.
Mon père et Héléna décidèrent d’aller l’accueillir à la gare de Saint-Raphaël. Je choisis de rester à la v

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