200
pages
Français
Ebooks
2018
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Publié par
Date de parution
29 mai 2018
Nombre de lectures
1
EAN13
9782312058429
Langue
Français
Publié par
Date de parution
29 mai 2018
Nombre de lectures
1
EAN13
9782312058429
Langue
Français
L’Épingle
Bernard Watier
L’Épingle
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
Ce roman raconte une histoire issue de faits réels. Cependant, les personnages et les faits de cette histoire sont issus de l’imagination de l’auteur. Toute ressemblance avec des personnages ayant existé ou existant ne pourrait être que fortuites.
© Les Éditions du Net, 2018
ISBN : 978-2-312-05842-9
La rencontre
Ce n’est pas l’horreur d’une profonde nuit mais, au contraire, un beau dimanche du printemps en ce début des années trente. René, roule à vive allure sur sa Peugeot vers le château où son ami Pierre l’a invité. Chargé de clientèle dans une agence bancaire, René a fait la connaissance de Pierre de Labardière, fils du duc de Labardière grand propriétaire terrien des environs de Limoges, lors d’un dépôt de liquidités à la banque. De suite, ils ont trouvé des centres d’intérêts communs tels que la nature, le sport et la pêche. Ils se sont, alors, revus plusieurs fois au restaurant, au cinéma ou dans des bars. Pierre, voyant la solitude de René, l’a invité à venir passer un dimanche au château, non sans en avertir ses parents.
René Crèvecœur est né à Bayonne , au début du siècle. Troisième garçon d’une famille de quatre enfants, son père Antoine , militaire de carrière, a épousé Maylis femme du Sud Ouest . Il a quitté ses racines Picardes pour s’installer dans le Sud bien qu’il ait hérité de plusieurs propriétés dans le Nord . D’ailleurs, Antoine s’y rend de temps en temps pour contrôler l’exploitation de ses domaines et rencontrer les membres de sa famille restés « au pays ». Ayant une fortune assez importante, il a pu agrandir les propriétés de son épouse et acheter plusieurs milliers d’hectares dans les Landes tout en conservant ses exploitations dans le Nord .
Sa carrière militaire, perturbée par l’Affaire Dreyfus , fut de courte durée. En effet, il prit partie contre Dreyfus . À la fin du procès de réhabilitation, il est démissionné et devient alors un fervent défenseur de la Droite Française , cléricale, opposée à toute idée progressiste. Une des raisons de son installation dans les Landes fut de faire taire les quolibets dont il était l’objet en Picardie suite à l’Affaire . En 1914, il est rappelé sous les drapeaux. Avec son étiquette d’antidreyfusard, il est éloigné des centres de décision. Il terminera la guerre au même grade et en gardera une rancœur éternelle contre tous les gouvernements de la III e République . Il transmettra ce rejet de la République à la majorité de ses enfants auxquels, il donnera une éducation très stricte presque militaire. Son côté antidreyfusard était tel qu’en 1932, il refuse de souscrire aux bons du Crédit municipal de Bayonne , car cette banque est tenue par un aventurier juif auquel il n’accorde aucune confiance.
René est joyeux de retrouver Pierre, un ami dont les idées, la manière de vivre et le niveau de vie correspondent aux valeurs que son père lui a inculqué depuis sa plus tendre enfance. Les courbes des routes limousines s’étirent sous le soleil de ce début de printemps. Le peu de trafic lui permet de pousser sa moto et de se griser de vitesse. À cette époque, Limoges est une petite ville régionale. Tout le monde ou presque se connait. La majorité des Limougeauds ont des parents dans la campagne environnante et profitent des produits fermiers. Seuls les émigrés des guerres, ceux de la Grande Guerre ou ceux de la guerre de 70, les fonctionnaires ou quelques salariés sont de réels citadins.
L’air frais du matin siffle à ses oreilles et autour de son blouson en cuir. La route défile, les virages succèdent aux virages. Cette griserie lui fait oublier les difficultés d’aborder ce terrible duc dont Pierre lui a décrit le mauvais caractère.
Le duc est en effet connu par ses proches pour ses colères et sa morgue qui lui fait rejeter tous ceux, qui ne sont pas de son rang. Il est grand, rigide, très imbu de son titre et de sa personne. Il ne croit que dans son roi et réclame à tous vents le retour de la royauté en France. Le duc de Labardière est le descendant d’une famille dont l’arbre généalogique connu remonte à Louis XII. Ce roi avait anobli les de Labardière pour services civils rendus au royaume. Par la suite, cette famille a fourni à la couronne nombre de généraux et grands serviteurs de l’état. Notamment sous Henri IV, son aïeul avait contribué à écrire l’Édit de Nantes, ce qui lui valut les faveurs de ce roi et la notoriété dont jouit sa famille parmi la noblesse française. Mais depuis la Révolution, ils vivent sur leurs terres limousines et se méfient de tout ce qui vient de Paris.
Le duc soutient ouvertement l’Action Française. Il est très fier de voir deux de ses fils participer activement à ce mouvement. Il les encourage à aller manifester contre cette République qui conduit la nation à sa perte. Comme tout noble de l’ancien régime, il ne dirige pas directement ses propriétés et laisse cela à son majordome qui ne se prive pas pour profiter de la situation. Le château vit au rythme qu’impose le duc. Le matin, il passe le plus clair de son temps à discuter avec son intendant, à écouter les informations à la radio et à visiter ses purs sangs dans les écuries du château. À midi et demi, la famille se met à table où deux employés de cuisine la servent dans des plats en porcelaine de Limoges. L’après-midi se passe en promenades à cheval ou à pied à travers ses propriétés. Le repas du soir est servi à sept heures et demie. La soirée se passe au salon où la plupart du temps le duc lit, l’Illustration, les journaux de l’Action Française ou des livres de son immense bibliothèque, tout en discutant avec Agathe son épouse. Tous les dimanches, la famille va à la messe dans l’église du village où des prie-Dieu leur sont réservés dans le chœur de l’église. Le vendredi on ne sert que du poisson et on suit strictement les consignes de l’église durant le Carême.
Le duc, en cette période de l’entre-deux-guerres, mène grand train de vie avec chasse à courre au château une fois par mois et réceptions fréquentes de toute la noblesse du centre de la France. Ses écuries sont renommées et contiennent une dizaine de purs-sangs. Il monte à cheval tous les jours et parcourt ses domaines. Le duc est un homme des temps anciens, persuadé que la noblesse détient un pouvoir divin.
Malgré ses idées, il s’est marié par amour une trentaine d’années plus tôt, avec une roturière issue d’une riche famille bourgeoise. Ce mariage lui vaut l’opprobre de sa famille et notamment de sa mère, qui n’admet pas ce mariage contre nature. Pour elle, la noblesse doit s’unir avec la noblesse comme si les années de la Révolution n’avaient pas existé. Ainsi , sa mère ne l’a plus jamais revu depuis ses noces. Elle est partie vivre en Normandie avec ses filles dans un château de sa famille. Elle ignore jusqu’à l’existence de ses petits-enfants et n’écrit jamais pour demander de nouvelles. On dit même que lorsque son fils lui écrit, elle déchire les lettres sans les lire. Cela fait que depuis quelques années, il n’y a plus aucune relation entre les deux châteaux. Malgré ces difficultés, les duc est toujours amoureux d’Agathe .
La nouvelle duchesse est issue d’une famille bourgeoise de la région parisienne que le duc a connue lors d’un bal mondain. Le titre de duchesse a exacerbé son ego. Elle regarde de haut tout le personnel du château et ne touche jamais balais, couture, fourneaux ou autres instruments de la vie familiale. Malgré cela, elle est toujours présente quand on fait appel à son bon cœur. Elle devient maternelle avec le personnel dès que celui-ci a un problème. Dans ces moments, pour le duc, elle est l’alliée des socialistes qui creusent la tombe de la France. Les discussions deviennent alors orageuses mais elle tient bon. Aidée par son fils Jacques, elle obtient souvent gain de cause. La duchesse est très à cheval sur l’étiquette et la politesse. Pour les repas, une tenue correcte est exigée, pas question de venir avec des manches courtes ou un débardeur. À table, on se tient bien, principale raison pour laquelle les enfants n’y sont généralement pas admis. Quand ils y viennent, ils ne peuvent parler qu’après en avoir demandé l’autorisation et il en est de même quand ils veulent sortir de table.
Les quatre enfants du duc ont été, dès leur premier âge,