Le Frère-de-la-Côte , livre ebook

icon

153

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2011

Écrit par

Publié par

icon jeton

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
icon

153

pages

icon

Français

icon

Ebook

2011

icon jeton

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Ce roman d'aventures est la dernière oeuvre que Joseph Conrad conduisit à son terme. Peyrol, ancien forban, se retire sur le rivage méditerranéen, non loin de la rade de Toulon, dans une période troublée - l'action se déroule sous la Convention et le Consulat - où la paix à laquelle il aspire va lui être ravie par la force des circonstances. Sur la toile de fond mi-terrestre mi-maritime, se meuvent des personnages fortement individualisés, marqués par les événements de l'époque - rivalités politiques nationales, massacres de la Terreur, etc.
Voir icon arrow

Publié par

Date de parution

30 août 2011

Nombre de lectures

124

EAN13

9782820603999

Langue

Français

Le Fr re-de-la-C te
Joseph Conrad
1923
Collection « Les classiques YouScribe »
Faitescomme Joseph Conrad, publiez vos textes sur YouScribe
YouScribevous permet de publier vos écrits pour les partager et les vendre. C’est simple et gratuit.
Suivez-noussur :

ISBN 978-2-8206-0399-9
Le somme après le labeur, le port après les flotstempétueux,
L’aisance après la guerre, la mort après la vie, voilà qui plaîtfort.
SPENSER [1] À G. Jean-Aubry, en toute amitié ce récit des derniers jours d’unFrère-de-la-Côte français [2] .
Chapitre 1

Entré à la pointe du jour dans l’avant-port de Toulon, aprèsavoir échangé de bruyants saluts avec un des canots de ronde de laflotte qui lui montra où prendre son mouillage, le maître canonnierPeyrol jeta l’ancre du bâtiment, usé par la mer et délabré, dont ilavait la charge, entre l’arsenal et la ville, en vue du quaiprincipal. Au cours d’une vie que toute personne ordinaire eûttrouvée remplie de merveilleux incidents, mais dont il était bienle seul à ne s’être jamais émerveillé, il était devenu si peudémonstratif qu’il ne poussa pas même un soupir de soulagement enentendant vrombir son câble [3] . Celamarquait pourtant le terme de six mois passés dans l’angoisse àcourir la mer avec une cargaison de prix sur une coque endommagée,à ne vivre la plupart du temps que de rations réduites, toujours àguetter l’apparition de croiseurs anglais, à une ou deux reprisesau bord du naufrage et plus d’une fois au bord de la capture. Mais,à vrai dire, le vieux Peyrol s’était résolu, dès le premier jour, àfaire sauter son précieux bâtiment, et cela sans la moindreémotion, car tel était son caractère formé sous le soleil des mersde l’Inde au cours de combats irréguliers pour la possession d’unmaigre butin dissipé aussitôt qu’obtenu, et surtout pour la simplesauvegarde d’une vie presque aussi précaire à conserver entre seshauts et ses bas, et qui avait déjà duré cinquante-huitans [4] . Tandis que son équipage d’épouvantailsaffamés, durs comme des clous et avides comme des loups d’allergoûter les délices du rivage, s’empressait dans la mâture àferler [5] des voiles presque aussi minces etrapiécées que les chemises sales qu’ils avaient sur le dos, Peyrolparcourut le quai du regard. Des groupes s’y formaient d’un bout àl’autre pour contempler le nouvel arrivant, et Peyrol, remarquantparmi eux bon nombre d’hommes à bonnets rouges (Ce bonnet rouge estla coiffure adoptée par les sans-culottes en 1793.), se dit : « Lesvoici donc ! » Parmi les équipages qui avaient porté ledrapeau tricolore dans les mers de l’Orient, il y en avait descentaines qui professaient les principes des sans-culottes : « Desvauriens vantards et grandiloquents ! » avait-il pensé. Maismaintenant, il avait sous les yeux la variété terrienne. Ceux quiavaient assuré le salut de la Révolution, les vrais de vrais.Peyrol, après un long regard, descendit dans sa cabine pours’apprêter à aller à terre. Il rasa ses fortes joues avec unvéritable rasoir anglais, pris jadis comme butin dans une cabined’officier sur un bâtiment de la Compagnie des Indes capturé par unnavire à bord duquel il servait alors. Il mit une chemise blanche,une courte veste bleue à boutons de métal et à col haut retroussé,et passa un pantalon blanc qu’il assujettit avec un foulard rougeen guise de ceinture. Coiffé d’un chapeau noir luisant à calottebasse, il faisait un très digne chef de prise. De la dunette, ilhéla un batelier et se fit conduire au quai. La foule s’était déjàconsidérablement accrue. Peyrol la parcourut des yeux sans paraîtrelui porter grand intérêt, quoique en réalité il n’eût jamais de savie vu autant de Blancs réunis pour regarder un marin. Après avoirété un écumeur de mers [6] dans delointains parages, il était devenu étranger à son pays natal.Pendant les quelques minutes que mit le batelier à le conduirejusqu’aux marches, il se fit l’effet d’un navigateur débarquant surun rivage nouvellement découvert. À peine eut-il mis pied à terre,la populace l’entoura. L’arrivée d’une prise faite dans des merslointaines par une escadre des forces républicaines n’était pas àToulon un événement quotidien. De singulières rumeurs avaient déjàété lancées. Peyrol joua des coudes parmi la foule tant bien quemal ; elle continua d’avancer derrière lui. Une voix cria : «D’où viens-tu, citoyen ? – De l’autre bout du monde ! »tonna Peyrol. Ce n’est qu’à la porte du bureau de la Marine qu’ilput se débarrasser de ceux qui le suivaient. Il fit à qui de droitson rapport, en qualité de chef de prise d’un bâtiment capturé aularge du Cap [7] par le citoyen Renaud, commandant en chefde l’escadre de la République dans les mers de l’Inde. On lui avaitdonné l’ordre de faire route sur Dunkerque, mais il déclaraqu’après que ces sacrés Anglais lui eurent donné la chasse à troisreprises en deux semaines entre le cap Vert et le capSpartel [8] , il avait décidé de filer en Méditerranéeoù, d’après ce qu’il avait appris d’un brick danois rencontré enmer, ne se trouvait alors aucun navire de guerre anglais. Il étaitdonc arrivé : avec les papiers du bord, les siens également, touten ordre. Il déclara aussi qu’il en avait assez de rouler sa bossesur les mers, et qu’il aspirait à se reposer quelque temps à terre.Jusqu’à ce que les formalités fussent terminées, il resta toutefoisà Toulon, à se promener par les rues, d’une allure tranquille,jouissant de la considération générale sous la dénomination de «citoyen Peyrol ! » et regardant tout le monde froidement dansles yeux. La réserve qu’il gardait touchant son passé était denature à faire naître mainte histoire mystérieuse au sujet d’unhomme. Les autorités maritimes de Toulon avaient sans doute sur lepassé de Peyrol des idées moins vagues, encore qu’elles ne fussentpas nécessairement plus exactes. Dans les divers bureaux maritimesoù l’amenèrent ses obligations, les pauvres diables de scribes etmême quelques-uns des chefs de service le regardaient très fixementaller et venir, fort proprement vêtu, et tenant toujours songourdin qu’il laissait en général à la porte avant d’entrer dans lebureau personnel d’un officier, quand il était convoqué pour uneentrevue avec l’un ou l’autre de ces « galonnés ». Ayant cependantcoupé sa cadenette et s’étant abouché avec quelques patriotesnotoires du genre jacobin, Peyrol n’avait cure des regards ni deschuchotements des gens. Celui qui le fit presque se départir de soncalme, ce fut un certain capitaine de vaisseau, avec un bandeau surl’œil et une tunique d’uniforme très râpée, qui faisait on ne saitquel travail d’administration au bureau de la Marine. Cet officier,levant les yeux de certains papiers, déclara brutalement : « Ensomme, vous avez passé le plus clair de votre vie à écumer lesmers, même si cela ne se sait pas. Vous avez dû être autrefoisdéserteur de la Marine, quelque nom que vous vous donniez àprésent. » Les larges joues du canonnier Peyrol ne tressaillirentmême pas. « En admettant qu’il y ait eu quelque chose de ce genre», répondit-il avec assurance, « ça s’est passé du temps des roiset des aristocrates. Et maintenant je vous ai remis une prise etune lettre de service du citoyen Renaud, commandant dans les mersde l’Inde. Je puis aussi vous donner les noms de bons républicainsqui, dans cette ville, connaissent mes sentiments. Personne ne peutdire que j’aie jamais de ma vie été antirévolutionnaire. J’aibourlingué dans les mers d’Orient pendant quarante-cinq ans… c’estvrai. Mais, permettez-moi de vous faire observer que ce sont lesmarins restés en France qui ont laissé l’Anglais entrer dans leport de Toulon. » Il fit une pause et ajouta : « Quand on y pense,citoyen commandant, les petits écarts que moi et mes pareils, nousavons peut-être commis à cinq mille lieues d’ici et il y a vingtans de cela, ne peuvent pas avoir beaucoup d’importance par cestemps d’égalité et de fraternité. – En fait de fraternité »,remarqua le capitaine de vaisseau à l’uniforme râpé, « je croisbien qu’il n’y a guère que celle des Frères-de-la-Côte qui voussoit familière. – Elle l’est à tous ceux qui ont navigué dansl’océan Indien, en exceptant les poules m

Voir icon more
Alternate Text