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Dans ce nouvel épisode des Enquêtes du Grand Dédé, « L’Héritage d’Eloïse Beaubois », les fidèles auront reconnu les habitués du Bistrot que Bernadette nous avait présentés dans la première aventure de « La Ruelle Maudite ». Ferdinand, Arthur et Mathieu, trois vieilles canailles, qui s’étaient quelque peu moqués de ce grand dadais d’André Gard.
C’est eux qui lui avaient d’ailleurs trouvé ce sobriquet du Grand Dédé. Certes, ses débuts de détective s’étaient révélés hésitants, mais efficaces. De quoi inspirer le respect au trio de pépés flingueurs.
Plus mûr et plus émancipé dans sa deuxième aventure « La Chambre de Visite », le Grand Dédé a réellement pris son envol de détective indépendant dans ce troisième acte. En effet, un des trois lascars est au cœur de l’enquête et André mène son affaire comme il l’entend. Les trois font toujours partie de l’aventure, ils ont toujours aussi soif, leur langue a toujours autant de ressort et leur discours a toujours le ton de la parlure directe et rurale au vitriol ; c’est peut être tout ce qu’il leur reste.
Dans cet épisode, il est question d’héritage. Et, dès la première page, le suspense s’installe, on entre dans le mystère : qui est cette cousine qui laisse à un héritier lointain, des biens, une maison et de l’argent... ? On ne quittera l’ouvrage qu’à la dernière page, l’intrigue est haletante. D’autant qu’elle nous emmène en terre familière : la Belgique, Beauraing, Dinant, Jambes, Namur et Profondeville.
C’est l’occasion pour Bernadette Herman de décocher quelques flèches dont elle a le secret sur nos compatriotes, leur accent et leur parler lent. On ne s’étonnera pas non plus de voir couler le Pèket, d’autant qu’on y baigne dans un milieu pas très frais. Mais Bernadette nous a habitués à voguer dans des sphères glauques et sordides ; c’est probablement pour s’en protéger et s’en démarquer qu’elle utilise ce ton décalé, cette écriture légère et pleine d’humour.
L’intrigue se déroule donc à la fois en France, à Marnier et Belvier, et en Belgique. Et là, attention, pas de méprise, même si la tentation est grande de chercher des indices de reconnaissance, comme dans la formule consacrée, "toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite."
C’est d’autant plus vrai que l’histoire nous entraine en terrain glissant et dangereux : le détournement d’argent et de biens des malades et internés dans les établissements hospitaliers... Vaste question... Et, ici, encore plus, la formule consacrée "toute ressemblance avec des personnes ou des situations..." s’impose.
La situation est choquante et cynique mais l’enquête du Grand Dédé permettra de démanteler un système de pratiques mafieuses.
Le sujet abordé dans ce volet des aventures du grand Dédé est grave, mais n’empêche pas l’auteur d’utiliser ses armes les plus efficaces pour en faire un roman drôle, léger et captivant...
Isabelle Martiat, journaliste et présentatrice Matélé.
ISBN (versions numériques) : 978-2-37692-022-9
Versions eBooks réalisées par IS Edition via son label Libres d’écrire.
Tous droits de traduction et d’adaptation réservés.
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur, de ses ayants-droits, ou de l’éditeur, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes de l’article L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Belvier s’éveillait à peine quand la sonnerie de la porte d’entrée résonna. Mathieu, encore tout vaseux des excès de la veille, se dirigea vers le couloir en maugréant.
« Bordel ! Déjà un emmerdeur ! Si c’est les deux ploucs de service, ils vont m’entendre », râlait-il, en pensant à Arthur et Ferdinand. Raté, c’était le facteur.
– T’as pissé au lit, nom de dieu…, dit Mathieu, en guise de bonjour.
– Te fâche pas. J’ai un pli recommandé de la plus grande importance à te remettre. Vu l’urgence, j’ai commencé ma tournée par toi… Ca vient d’un notaire de Marnier. T’as peut-être hérité, va savoir…, rétorqua le postier en se gaussant.
– Tu lis le courrier des gens maintenant ?
– Mais non, c’est écrit sur l’en-tête de l’enveloppe. Suis discret, moi, môsieur ! Je suis gelé. T’aurais pas un coup de gnôle à m’offrir ? demanda l’homme, espérant en savoir un peu plus quant au contenu de la lettre notariale.
– Suis pas un alcoolo ! Pas d’eau de feu chez-moi ! Je ne bois qu’un verre à la fois. Et au Bistrot, avec mes potes ! Allez salut, dit Mathieu, en lui fermant la porte au nez.
– Vieux con ! lâcha l’autre, bien fort pour être entendu.
Peine perdue, le vieux con avait déjà regagné sa cuisine et ouvrait fébrilement la mystérieuse missive. « Bizarre. Que me veut-il celui-là ? » se demandait Mathieu.
Cher Monsieur,
Je suis navré de vous apprendre le décès de votre cousine, Mademoiselle Eloïse Beaubois, dont vous êtes le seul héritier. Je vous demanderai de bien vouloir vous rendre en mon étude le mardi seize avril courant à dix heures.
Je vous prie d’accepter, cher Monsieur…
Suivait une formule de politesse remplie de condoléances et de salutations obséquieuses.
« Eloïse Beaubois… Eloïse Beaubois… Qui c’est encore celle-là ? » se demanda le retraité en fouillant dans les strates de ce qui lui restait de mémoire. L’odeur du café en train de passer lui titilla les narines. Il se servit la première tasse, y ajouta deux morceaux de sucre et une bonne rasade de mirabelle à quarante cinq degrés.
« Toujours donner à la chair ce qu’elle demande. Puis, toujours ça que le facteur n’aura pas », se dit-il, en avalant goulûment une grande lampée à réveiller un mort.
Une dose, une deuxième… la machine était en route. Mais Mathieu ne situait toujours pas cette cousine mystère. Tout en prenant sa douche, le vieux fredonnait « Si tu veux faire mon bonheur, Eloïse, Eloïse… »
Dix heures ! L’heure du berger ! pensa-t-il, en se dirigeant vers le Bistrot.
Arthur et Ferdinand étaient déjà de planton.
– Ah ben, tout de même. On croyait que tu coinçais encore la bulle. Panne d’oreiller ? demandèrent en chœur les deux affreux.
– Ah, si vous saviez ce qui m’arrive…
– Quoi, ton poisson rouge s’est noyé ? demanda Ferdinand.
– Serait pas étonnant, depuis le temps qu’il navigue en eau trouble... N’a pas eu besoin de lui planter des algues. Il ne nettoie jamais le bocal. La bête a un centimètre de vase pour lui servir de matelas, s’esclaffa Arthur.
– Rigolez autant que vous voulez, bande de jaloux. Néron se porte comme un charme. Et fermez vos branchies. Un peu de respect, je suis en deuil, moi !...
Les deux autres se regardèrent sans rien dire. Puis Arthur s’y risqua :
– En deuil ! Et de qui ? T’es orphelin depuis longtemps et t’étais fils unique. Une maîtresse cachée, peut-être ? Vieux salaud, va !
– Pffffffff ! Hommes de peu de foi. Ma cousine Eloïse est morte. Je suis son seul héritier connu. D’ailleurs, regardez, dit-il, en sortant fièrement de sa poche la lettre à l’en-tête notariale.
Bouffi de curiosité, René, le patron du Bistrot, s’approcha à son tour.
– Tu ne nous as jamais parlé d’elle, vieux cachotier !
– Evidemment ! Je ne sais pas qui elle est, répondit l’héritier en puissance. J’en saurai un peu plus le seize avril. C’est écrit dans le texte, dit-il, en pointant la date du doigt.
La porte du Bistrot s’ouvrit sur André Gard, le nouveau détective de Belvier.
– Salut, les poilus. Ca boume ? demanda le jeune homme, en s’installant à la table des vieux.
– Nous, oui !... Mais Mathieu est écrasé par la peine : sa cousine Eloïse est morte et enterrée. N’a même pas pu assister aux funérailles. Et faut pas croire qu’il reste insensible. Regarde ses yeux bouffis. C’est pas les ballons de rouge qu’il a englouti hier soir. C’est toutes les larmes déversées depuis qu’il a appris la pénible nouvelle… Sincères condoléances, Mathieu, susurra Ferdinand.
Dédé mordit à l’hameçon et se laissa avoir comme un bleu. Ne sachant trop que dire, il tapa sur l’épaule de Mathieu en signe de compassion. Les autres éclatèrent de rire et l’habituel cri de guerre fusa des trois bouches à la fois.
– Allez René, une rafale. Fait sec ! Puis s’adressant au jeune homme :
– Et les affaires, tu as de nouvelles enquêtes ? Si tu as besoin de moi pour encoder tes dossiers dans ton ordinateur ou faire des recherches sur le Net, je suis ton homme, dit Arthur.
– Oh, la routine des cocus jaloux et autres peccadilles, répondit André. Cela ne nécessite pas une grande attention. Si j’ai besoin de toi, je te fais signe.
Arthur n’insista pas, il savait qu’André Gard avait confiance en lui. Quand il aurait trop de boulot, il l’appellerait.
Mathieu, le visage fermé, réfléchissait à cette histoire de cousine décédée. Pas moyen de la situer. D’aussi loin qu’il se souvienne, il ne se connaissait que deux cousins avec lesquels il avait fait les quatre cents coups dans sa jeunesse. Sa famille proche se résumait à deux oncles, un du côté de sa mère, l’autre du côté de son père. En plus, le nom de Beaubois ne lui disait rien. Mystère…Il s’ébroua comme pour se vider la tête et commanda une nouvelle tournée.
– Enfin une bonne parole ! On allait se déshydrater, clama Ferdinand, goguenard.
– Je me demande quand même qui c’est ? souffla Mathieu.
– Qui c’est qui ? demanda Dédé.
– Ben, sa fameuse cousine déjà attaquée par les vers, rétorqua René.
Ferdinand vint à la rescousse :
– Demande à l’intello de faire ton arbre généalogique. Il va peut-être te trouver une cousine millionnaire. Il a bien trouvé des aïeux, princes et princesses à tous les gobeurs de mouches de Belvier l’année dernière. Mais attention, ça te coûtera cinquante euros, fesse-mathieu !
– Arrête ton char, Ben Phallus. Vais quand même pas faire payer un ami. Une tournée suffira, répondit Arthur, alias l’intello.
– Bonne idée, fais des recherches. J’aurai l’air moins con chez le notaire, acquiesça Mathieu, tout ragaillardi.
– Je pars en filature, déclara Dédé, en sortant du Bistrot.
Cinq minutes plus tard, il partait à la chasse aux infidèles, chevauchant Gertrude, sa vieille moto généreusement offerte par Mathieu.
Tout content d’avoir récupéré pour un temps son ordinateur, toujours branché dans le bureau du détective, Arthur se leva à son tour. Il empoigna au goulot la bouteille de vin laissée au milieu de la table et affirma qu’il serait de retour dans deux heures, avec tous les renseignements concernant Demoiselle Eloïse Beaubois. Mais ce qui le motivait surtout, c’était d’enfin pouvoir zieuter les sites pornos qu’il avait l’habitude de visiter.
– Ouais, va te rincer l’œil, vieux cochon ! Ca te mettra le ‘Popaul’ de bonne humeur.
Garrrde-à-vous ! rigola Ferdinand, l’œil égrillard.
Chez René, la conversation roula sur les sites de rencontres et autres, très fréquentés par Arthur et ses deux compères quand ils faisaient une soirée ‘ordinateur’.
– Faut voir les juments qu’il y a là-dessus. Des nichons à couper le souffle. Des gros, des petits, mais toujours haut levés. Et des fesses. Ha ! Quelles fesses ! Puis il y a des scènes très hard. Avec le zoom, tu vois tout jusqu’au moindre détail. Si on n’était pas si cons…
Pas d’accord, René lança :
– C’est du voyeurisme malsain, ces trucs-là. Rien ne peut remplacer la présence d’une femme douce et adroite dans son lit. Moi, avec Josette…
– On ne t’a pas demandé de nous raconter tes secrets d’alcôve. On sait bien que Josette est une chaude garce. D’ailleurs, quand tu l’as épousée, avec le métier qu’elle faisait, elle était déjà bien rodée. Ou plutôt, érodée… avança Ferdinand.
– Fermez-la, vieux jaloux ! Ne la ramenez pas avec cette vieille histoire. J’aime ma femme. Tout souteneur que j’étais, c’est quand même moi qui l’ai arrachée au trottoir. Puis, vous étiez bien heureux d’aller tremper le biscuit chez les putes, une fois par an pour votre anniversaire. En ce temps-là, l’engin qui ne vous sert plus qu’à pisser avait encore du ressort, asséna René.
– Bon, ça va… Les plus courtes sont les meilleures. Si on ne peut plus rigoler, on est foutus. Allez, prends un verre avec nous, dit Mathieu pour détendre l’atmosphère.
Un peu plus tard, Arthur revint et claironna victorieusement.
– Ben mon vieux, si cette Eloïse est vraiment ta cousine, tu vas être gâté.
– Allez, accouche ! Ne nous fais pas languir. Crache ta valda ! dirent les trois compères avec impatience.
– Du calme dans les places à cinq francs… Ils parlent d’une femme répondant au prénom d’Eloïse. Elle aurait gagné une grosse somme au Lotto belge, il y a une dizaine d’années. Ils ne citent pas le montant exact, mais ça laisse rêveur. Seule ombre au tableau, d’après Internet, elle vivait en Belgique au moment des faits. Depuis, on ne sait pas ce qu’elle a fait de son pognon ni ce qu’elle est devenue.
– Ben si, on le sait, puisqu’elle est morte. Sacré Mathieu ! Tu vas être riche comme Crésus. Ce n’est plus des rafales qu’on va avaler, c’est des tonneaux entiers. T’en feras profiter les copains, j’espère ? demanda Ferdinand.
– Pour sûr, les gars. Le roi ne sera pas notre cousin. On ira voir les îles, les vahinés et tout ce que vous voudrez. C’est moi qui régale, dit le pseudo nouveau riche.
– Basta ! Vous n’êtes sûrs de rien. Il y a plus d’un chien qui s’appelle Picard. Avant de tirer des plans sur la comète, commencez toujours par payer vos dettes. Votre ardoise est en train de monter méchamment, les informa René.
– Voilà comment on vous brise un rêve. De toute façon, on en saura plus dans deux jours. Et toi, au lieu de parler ardoise, amène une bouteille. Et du bon ! Qui sait, peut-être qu’au lieu de régler ma note, je pourrai me l’offrir en entier, ton ‘boui-boui’, dit Mathieu.
Le seize avril à dix heures tapantes, vêtu de son plus beau costume, Mathieu franchissait la porte du bureau de Maître Guissard, notaire à Marnier. Afin de ne pas l’obliger à prendre le bus pour une si grande occasion, René lui avait gentiment proposé ses services.
Après les présentations d’usage, l’homme de loi invita son nouveau client à s’asseoir. Il lui expliqua qu’il avait reçu une lettre émanant d’un collègue belge où on l’informait de la mort de mademoiselle Eloïse Beaubois.
– Il y a de cela deux mois, le corps de votre cousine a été retrouvé dans un terrain vague à plusieurs kilomètres de chez elle. D’après l’autopsie réalisée en Belgique, mademoiselle Beaubois aurait succombé à une trop forte dose de barbituriques et d’alcool. Après enquête, les policiers chargés de l’affaire ont conclu au suicide.
– Mais comment êtes-vous arrivé jusqu’à moi ? demanda Mathieu.
– Grâce à un testament olographe trouvé chez elle lors de la perquisition qui a suivi la découverte du corps. Comme elle citait juste votre nom et votre village, mon clerc s’est rendu à la mairie. Il vous a retrouvé facilement dans les registres de la population. On ne sait pas grand-chose de son passé.
– Elle habitait où, en Belgique ? Elle est née où ? demanda Mathieu.
– Elle habitait à Namur et elle est native de Marnier. Je n’en sais pas davantage. Il faudrait mettre l’inspecteur Martin sur l’affaire. Toutefois, je doute qu’il se déplace pour une histoire de suicide.
« Pfffff !, Martin », pensa Mathieu.
– Nous allons procéder à la lecture du testament, ajouta le notaire.
« Je, soussignée Eloïse Beaubois, déclare par le présent testament faire de mon cousin et seul parent, Monsieur Mathieu Martineau, mon unique héritier. Je lui lègue une maison en Belgique et d’autres biens et argent dont le relevé se trouve bien au chaud dans un coffre à la maison de … »
– Le reste de la page a été rongé par les souris. Seule la signature est encore lisible. Ce document date de dix ans. Il nous faudrait beaucoup d’autres renseignements pour entériner la chose. Si vous souhaitez entrer en possession de ces biens, vous devez vous rendre sur place. Il faut un maximum de renseignements sur l’existence du fameux coffre, afin de régulariser cette situation. Mais, à moins d’être certain que cela vaille vraiment la peine d’entreprendre de telles recherches, je vous conseille tout simplement de renoncer à cet héritage. Selon mon collègue belge, la maison de mademoiselle Beaubois, restée de longues années à l’abandon, est en très mauvais état. En plus, comme vous n’êtes pas héritier en ligne directe, les frais de succession vont être très élevés. Etiez-vous très lié avec votre cousine ? demanda l’homme de loi.
– Non, j’ignorais tout de son existence avant de recevoir votre convocation, répondit Mathieu, désorienté par la tournure prise par les événements. Je vais réfléchir, puis j’aviserai. Au revoir, monsieur Guissard.
Déjà plongé dans un autre dossier, le notaire répondit à peine à son salut.
– Bordel ! Quelle tronche ! Les nouvelles ne sont pas bonnes ? demanda René Finaud à son vieil ami.
– Tu parles ! Paraît qu’elle s’est suicidée aux médocs. On a retrouvé son corps dans un terrain vague. En plus, la fin de son testament a été rongé par les souris. Il dit qu’il y a un coffre avec la liste d’autres biens dans une maison ‘de’ …Mais d’où ou de quoi, il n’en sait rien. Les bestioles qui lui tenaient compagnie ont bouffé le bon morceau du testament. Ah, les sales bêtes !
– C’est du boulot pour Dédé, ça ! dit René.
– Oui, mais en Belgique, t’imagines ?
– Bof ! Il a bien fait l’Albanie. Alors, la Belgique, hein ! dit René, en souriant.
De retour au Bistrot, après avoir fait le compte rendu de sa visite chez le notaire, Mathieu décida qu’il fallait en parler à André.
Une heure plus tard, c’était chose faite. Le jeune homme réfléchit deux minutes et annonça :
– Avant d’aller là-bas, il faut d’abord se renseigner sur place. Puisque le notaire dit qu’elle est née à Marnier, je finirai bien par retrouver sa trace.
La journée se poursuivit en suppositions plus folles les unes que les autres, ponctuées à chaque fois du « une fois » typiquement bruxellois à la fin des phrases où il était question de la Belgique. Puis Ferdinand avança :
– Et si tu demandais à l’inspecteur Martin de t’aider ?
– Je le nique, Martin ! répondit Dédé, catégorique.
Les autres faisaient silence. Mais si leurs yeux avaient été des revolvers, Ferdinand serait tombé raide, illico.
– T’es pas bien ? Si tu continues à dégoiser des conneries pareilles, c’est la maison de retraite qui t’attend, cracha Mathieu.
– Oui ! Et fini le pinard, là-bas. Comme si ce flic à la con allait aider le gamin. Il est bien trop en rogne contre lui. T’as déjà oublié comment André lui a coupé l’herbe sous le pied ? Lui, c’est sûr qu’il ne l’oubliera pas de sitôt, l’imbécile ! Alors nada ! éructa Arthur, sans prendre le temps de respirer pour terminer sa tirade.
– Oh ! Mollo ! T’es tout rouge. Tu vas exploser. L’héritier, c’est moi ! Le gamin est plus fort que tous les Martin du monde. Et si on ne retrouve pas ce satané coffre, tant pis. Mais on ne mêlera pas les flics à tout ça. Voilà ! dit Mathieu.
– C’est quand même bizarre, cette cousine sortie de nulle part en allongeant la monnaie, dit René.
– Ouais, c’est bizarre. Je rentre chez moi. Je dois réfléchir.
– Je viens avec toi, dit André Gard.
A peine arrivé chez Mathieu, il lui demanda s’il n’aurait pas de vieilles photos en sa possession. Si elles représentaient des jeunes filles ou même des fillettes, peut-être trouveraient-ils un semblant de piste.
– Ca fait si longtemps. Comment pourrais-je reconnaître quelqu’un là-dessus ? dit Mathieu, en sortant une grosse boîte en carton remplie de portraits jaunis de l’armoire de la salle à manger.
– Il ne faut rien laisser au hasard. La vérité vient parfois d’où on l’attend le moins, dit le détective.
Ils en furent pour leurs frais. Mathieu étant fils unique, ses parents l’avaient fait photographier sur toutes les coutures. En costume marin, en clown, en cow-boy, en indien, etc. Mais pas de petite fille ! Il était la vedette incontestée de la famille Martineau de Belvier.
– Voilà, je te l’avais bien dit, y a rien !
– Ah, si. Y a Mathieu. On ne voit que lui, sourit Dédé.
– C’est pas une raison pour le mettre dans le journal !
– Mais non ! Allez, à demain, dit Dédé en sortant.
Le Bistrot avait fermé ses lampions. Les terribles étaient rentrés chez eux. André Gard navigua un temps sur le Net, puis il alla se coucher. Il ne dormit guère. Il échafaudait des plans, mais aucun ne lui semblait vraisemblable. Et cette phrase : ‘la maison de…’ De quelqu’un, d’une ville, d’une association ? Va savoir. « Pas facile ! »
Le lendemain matin, il repensa au journaliste du Quotidien de Marnier. « Peut-être se souvient-il de cette gagnante du Lotto ? Depuis les affaires, il m’a à la bonne. On verra bien », se dit Dédé. Il téléphona au journal, se présenta et demanda à parler à Pol Legrand.
– Je vous le passe, dit une standardiste, à la voix d’hôtesse de l’air.
– Allo ! André Gard ?
– Oui. Bonjour Pol. J’ai besoin de tes lumières. Peut-on se voir quelque part ?
– Je n’ai pas beaucoup de temps. Viens à la cafétéria du Quotidien vers midi. On parlera en cassant la croûte.
– D’accord ! Merci !
A midi tapantes, Dédé franchissait l’entrée du gros bâtiment hébergeant Le Quotidien de Marnier.
L’hôtesse d’accueil quittait son poste.
– C’est fermé, monsieur. Revenez à quatorze heures.
– J’ai rendez-vous à la cafétéria avec Pol Legrand. Pourriez-vous m’indiquer le chemin ? demanda le détective.