Liens de sang , livre ebook

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Au cœur de la vallée de la Maurienne, les maisons de pierre et de lauze se sont blotties les unes contre les autres. Elles ont fait corps avec la pente et leurs habitants ont fait alliance avec la montagne.


Plus haut, au-delà des alpages, c’est le monde du silence que seul un aigle royal vient parfois troubler.


Plus bas passent les trains, la route et l’impétueuse rivière.


Cyprien Blanchoz est né et a grandi en ces lieux qui l’ont façonné. Cependant, un jour de l’été 1914, ses rêves d’une vie en harmonie avec la nature et les siens se brisent. La mobilisation fait force de loi pour ceux qui sont en âge de partir à la guerre. Alors qu’il quitte son village, une seule question le hante : reverra-t-il un jour les siens ?

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Publié par

Date de parution

03 novembre 2022

Nombre de lectures

1

EAN13

9782383512349

Langue

Français

Liens de sang
 
 
La SAS 2C4L — NOMBRE7, ainsi que tous les prestataires de production participant à la réalisation de cet ouvrage ne sauraient être tenus pour responsables de quelque manière que ce soit, du contenu en général, de la portée du contenu du texte, ni de la teneur de certains propos en particulier, contenus dans cet ouvrage ni dans quelque ouvrage qu’ils produisent à la demande et pour le compte d’un auteur ou d’un éditeur tiers, qui en endosse la pleine et entière responsabilité.
Daniel Légat
Liens de sang

 
 
À Zélie et les siens
 

Arbre généalogique & carte du récit


Septembre 1926
Kamerad ! Kamerad !
Les brindilles virevoltaient dans le ruisseau qui longeait le mur de l’hospice. Comme chaque jour, à la sortie de l’école, et sur le chemin de la maison, Louis et Louise devenaient pilotes de navires. En aval du petit pont de pierre qui enjambait le cours d’eau, ils jetaient l’un et l’autre de petits morceaux de bois qui devenaient instantanément de fragiles embarcations bousculées par le courant. Les deux enfants les accompagnaient joyeusement d’un côté ou de l’autre du cours d’eau et, munis de grands bâtons, venaient au secours des navires, de leurs cargaisons et de leurs passagers lorsque les flots les menaçaient ou que les tourbillons les immobilisaient. Ce temps emprunté et soustrait aux devoirs à la maison leur appartenait et une complicité était née entre les deux enfants.
— Fais-moi la courte échelle !
Louis s’était exécuté pour faire grandir la petite Louise qui allongeait son corps et ses bras vers le sommet du mur, là-haut, trop haut. Louis avait aperçu furtivement la petite culotte de Louise et avait feint de n’avoir rien vu quand elle lui en avait fait le reproche. Trop haut. L’un et l’autre avaient momentanément renoncé à percer le mystère qui se cachait derrière les murs de l’hospice.
— Faut que j’y aille.
Pour l’un et l’autre, il était l’heure de rentrer à la maison. Et de se séparer. Louis prenait le chemin de gauche et Louise partait à droite. À distance respectable de Louis, Louise s’était retournée et lui avait envoyé malicieusement un baiser puis s’en était allée en galopant, accompagnée par ses deux tresses blondes qui sautillaient joyeusement dans son dos. Louis avait saisi au vol le doux message puis l’avait rangé dans sa poche, sous son mouchoir. Il s’en était allé, de sa démarche indolente et solitaire.
— Petit garnement   ! avait lancé sa grand-mère dès que Louis avait poussé la grosse porte de la maison.
Il ne s’y était pas trompé, il avait lu dans le reproche toute la tendresse d’une grand-mère à son petit-fils et tout l’amour que sa grand-mère Zélie lui portait. Mémé était infinie d’indulgence et de patience pour son petit Louis, garçon chétif et fragile. Tout en râpant le carré de chocolat Cémoi sur la tartine, Zélie remuait son menton dont la forme laissait imaginer une bouche sans dents. Intrigué, Louis portait souvent son regard sur ce menton couvert d’un fin duvet d’où émergeaient quelques poils drus qui avaient pris la liberté de croître. La tartine de chocolat, il y avait droit à chaque sortie de l’école et de cette relation privilégiée avec sa grand-mère il avait tiré un apaisement à ses tourments. Mémé était repartie à son écheveau et Louis avait porté machinalement la main vers son mouchoir. Demain il reverrait Louise au portail de l’école ou à la récréation peut-être.
~
Derrière les murs de l’hospice, c’était le monde des ténèbres. L’épaisseur des murs et leur hauteur en étaient des signes indiscutables. Il y avait d’un côté la vie ordinaire de gens ordinaires et de l’autre un monde dont on voulait cacher les gens qui le peuplaient. Des bruits étouffés s’échappaient parfois de l’enclos mystérieux et on les entendait lorsque la nuit enveloppait les lieux.
— Kamerad ! Kamerad !
Les cris d’effroi secouaient son corps soudainement pris de convulsions. La terreur se lisait dans les yeux grands ouverts de l’homme qui se cachait le visage de ses mains et repoussait de ses pieds un agresseur invisible.
Les deux grands gaillards, le Polonais balafré et le grand Marcel de Pragondran, étaient accourus comme ils le faisaient chaque nuit ; ils tenaient maintenant fermement l’homme au pyjama rayé sur son lit pendant que la seringue vidait son contenu dans le corps de Cyprien. Le corps s’était détendu et l’homme s’était apaisé. Le calme était revenu dans le dortoir B mais Cyprien avait gardé en lui ses chimères, ses mauvaises compagnes qui l’assaillaient chaque nuit, inexorablement.
~
La nuit était redevenue plus douce maintenant, presque protectrice. On entendait au loin le grondement sourd de la canonnade, ce devait être du côté de Saint-Eloy, ou peut-être du côté de Villers.
La cisaille à la main, les trois hommes rampaient dans le noir, les formes dissimulées par l’obscurité se révélaient une à une à leur approche ; ces objets leur étaient devenus familiers, des pieux acérés, des fils de fer barbelés, des corps abandonnés et des tas de terre épars que les obus avaient formés puis bousculés. La nuit ne cache pas les bruits. Un bruissement, un murmure, le bruit lointain d’une canonnade, tout ici était identifiable par leurs sens en éveil alors qu’ils s’approchaient en silence de leur objectif.
« On a su les mettre, on saura bien les enlever », se persuadait Cyprien en préparant sa cisaille. Ils étaient trois à s’être portés volontaires quand le sergent de l’escouade avait annoncé la mission. Trois êtres dissemblables que la vie de soldat avait rapprochés. Comme des frères. Demain ce serait l’offensive, chacun l’avait compris, chez les Boches comme chez les Français. Pendant trois jours et trois nuits, les batteries d’artillerie des deux camps avaient conversé, pilonnant les tranchées et les boyaux d’accès pour affaiblir les forces offensives. Permettre l’accès à la première ligne de tranchées de l’ennemi passait par l’aménagement d’un couloir à travers les barbelés et c’est la tâche qui était assignée aux trois volontaires de la 2 e  section de la 2 e  compagnie. Sur la droite, du côté du 159 e , les fusils avaient crépité dès que les fusées éclairantes lancées par l’ennemi avaient révélé la position des volontaires chargés de la même tâche. Puis le silence était revenu.
De retour dans la tranchée, Cyprien et ses deux camarades avaient retrouvé leurs places. Un espace exigu qui était devenu le lieu de vie de l’escouade, une tanière pour ces hommes que rien ne prédestinait à une vie souterraine, une cagna, et des objets familiers. Dans sa main Cyprien serrait un Sacré-Cœur, il en éprouvait le besoin lorsqu’il se sentait seul devant la mort. L’attente ne serait plus longue maintenant. La voie était libre, et tout à l’heure, ils s’élanceraient à l’ordre du capitaine.
 
12 h 25, le 25 septembre 1915
— Pressez, pressez !
Dans l’étroit boyau qui conduit à la tranchée de première ligne, le capitaine Huberdeau pousse ses soldats d’une voix feutrée et bienveillante. Le capitaine Huberdeau aime ses hommes et, comme chacun ici, fait son devoir. Pour être plus mobiles lors de l’assaut, les soldats ont reçu l’ordre de réduire leur paquetage et la charge est moins lourde aux épaules. Les deux bataillons du 97 e , désignés pour la première vague d’assaut, viennent de l’arrière, et prennent position. Cyprien sera de réserve cette fois et sa place n’est plus ici, il en est soulagé. À contre-courant, avec ses deux camarades de la 2 e  compagnie, il repart maintenant vers l’arrière pour prendre place dans les boyaux du Cabaret Rouge.


Novembre 1901
La cabane rouge
LA-CA-BA-NE-ROU-GE
— Cyprien, à toi !
La voix de Mademoiselle Gilbert avait traversé toute la classe et fait sursauter le petit Cyprien. Ses camarades s’en étaient amusés.
— Allez, Cyprien, c’est à toi !
— LA-CA-BA-NE-ROU-GE
— C’est bien, Cyprien !
Au hasard d’une mutation, mademoiselle Gilbert était arrivée au Thyl, petit village de Maurienne accroché aux pentes, au-dessus de Saint-Michel de Maurienne. Jeune, grande, blonde et maquillée à souhait, la nouvelle institutrice avait tout d’abord fait l’étonnement des Thyllerains, gens de la terre, râblés, costauds en diable et besogneux. Pour Mademoiselle Gilbert comme pour ses prédécesseurs, les habitants du village avaient le plus grand respect et une relation de confiance s’était établie entre la « Dame au rouge à lèvres » et les parents d’élèves. L’instruction des petits était une priorité et seule la montée à l’alpage pouvait venir perturber la scolarité des enfants. Dans la classe unique, Cyprien avait ses deux frères cadets, Anthelme et Antonin, ainsi que deux de ses sœurs, les jumelles Césarine et Augustine. La leçon de lecture s’achevait. Presque à regret pour Cyprien qui aimait la découverte de mots et de leurs sonorités qui l’entraînaient dans son monde imaginaire dès que son tour était passé.
 

Mai 1908
...

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