Drôle d'assassin , livre ebook

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Le riche homme d’affaires Richard Welter est assassiné dans sa chambre, d’un coup de poignard dans la poitrine, la nuit suivant une grande réception donnée dans sa propriété.


L’inspecteur RALPH, surnommé « l’Anglais » pour son impassibilité légendaire et son côté taiseux, est chargé de l’enquête.


Les nombreux interrogatoires menés par le policier lui apprennent tout ce qu’il a à savoir du meurtre... sauf l’essentiel : l’identité du coupable et son mobile.


Durant ses investigations, l’inspecteur RALPH va se rendre compte que les apparences sont souvent trompeuses et que son flegme ne résiste pas à toutes les épreuves et toutes les révélations...




Derrière le romancier George MADAL se cache une éminente personnalité politique. Car l’écrivain qui signa ses récits policiers aussi bien du pseudonyme de George MADAL que de celui de Marie-Madeleine ALLEMAND n’est autre que le député René JADFARD.



René JADFARD est né le 24 janvier 1899 à Cayenne (Guyane française) d’une mère guyanaise et d’un père martiniquais.



Après une jeunesse durant laquelle René JADFARD a délaissé sa scolarité pour se forger en tant qu’Homme dans des petits boulots tel coupeur de bois ou orpailleur, il part, avec ses maigres économies, rejoindre son frère à Toulouse.



René JADFARD reprend alors ses études avant d’être mobilisé en 1917.



De retour à la vie civile, René JADFARD s’engage en politique, d’abord comme journaliste dans des médias de gauche, puis en devenant, en 1925, un collaborateur du ministre des Finances de l’époque.



René JADFARD participe à la Seconde Guerre mondiale dès 1939. Il entre dans la Résistance l’année suivante et sera arrêté par la Gestapo.



À la Libération, René JADFARD retournera en Guyane pour mener son combat politique où il remportera les élections législatives en 1946.



Sa carrière prometteuse s’achève brutalement le 9 novembre 1947 quand l’hydravion qui le ramène à Cayenne s’abîme dans le fleuve Sinnamary...

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Nombre de lectures

4

EAN13

9791070039168

Langue

Français

DRÔLE D'ASSASSIN
Roman policier

par George MADAL
CHAPITRE PREMIER

La villa des Welter est en fête.
Les invités à la garden-party arrivent nombreux. La pelouse est rasée comme la joue d'un gentleman, comme à Wimbledon. Des massifs de fleurs délicatement ordonnés par les soins du vieux maître jardinier des Welter vallonnent l'horizon immédiat. Les monticules se succèdent pour la plus grande joie du regard qui se détache difficilement de ces tapis multicolores. De beaux arbres groupés forment des royaumes d'ombre exquise sous lesquels M me Welter a fait installer des fauteuils confortables, des petites tables autour desquelles s'assemblent les invités, au gré des sympathies.
Mais ce dont M me Welter est le plus fière, c'est de son parterre de roses. Elle veillait avec un soin méticuleux à l'entretien de ces roses que la science du jardinier avait admirablement greffés. Les teintes en étaient douces au regard et leur parfum ne cédait en rien au velouté des pétales. Elle passait des heures à suivre leur éclosion, à les protéger contre les intempéries, à sauvegarder la délicatesse et la fragilité de ces créatures irréelles et embaumées. Elle tenait essentiellement à en posséder en toute saison ; et cela exigeait un travail attentif dans la serre doucement chauffée l'hiver, travail de tous les instants que les résultats avaient jusqu'ici bien récompensé. Aussi rien ne pouvait être plus agréable à M me Welter que de lire sur le visage de ses amies la surprise de voir tant de belles roses chez elle, quelle que fût la période de l'année.
Maintenant, le printemps avancé annonçait déjà, par des bouffées de chaleur, l’été proche. Nous étions en mai et le parc des Welter semblait un paradis.
Sa passion pour l'horticulture ne détournait nullement M me Welter de ses soucis de maîtresse de maison. Elle apportait la meilleure grâce du monde à satisfaire tous ses invités. De l'un à l'autre elle allait, venait, s'inquiétant du bien-être de chacun, mettant tous à l'aise, comblant les désirs à peine exprimés.
Elle était aidée dans cette tâche difficile par la ravissante Jacqueline dont les dix-huit ans florissaient comme les rosiers maternels. M me Welter comptait à peine trente-huit ans. Mais, contrairement à ce que l'on pourrait croire, elle ne prenait nullement ombrage de la présence, à ses côtés, de la jeunesse éclatante de Jacqueline. Elle la couvait d'un regard chargé de tendresse — l'on eût dit de l'admiration. Et ce n'était pas sans motif. Jacqueline, formée à l'école moderne, était rompue aux sports. L'année d'avant, elle avait, à Juan-les-Pins, triomphé dans le 1500 mètres nage libre ; elle était d’une jolie force au tennis et pratiquait régulièrement des exercices de culture physique. Elle y apportait une conviction et une foi enthousiastes que renforçait l'examen quotidien de ses formes harmonieuses et souples. Non qu'elle aimât se contempler d'une manière féminine et dans un esprit de pure coquetterie ! Bien sûr, elle était femme ! Mais elle échappait aux faciles frivolités de son sexe. Elle avait de la beauté une conception antique, et elle ne pensait pas que la possession de muscles impeccables fût incompatible avec les chichis, les dentelles et les vêtements caressants.
Cette préoccupation de la perfection physique ne l'éloignait en aucune façon de ses études qu'elle avait poussées jusqu'au baccalauréat. Depuis, il faut avouer qu'elle n'avait pas montré un grand empressement à suivre des études supérieures. Elle était inscrite à la faculté des lettres, plutôt pour la forme, car elle suivait d'un pas nonchalant la route qui la conduirait peut-être un jour à la licence. Rien ne pressait. La certitude d'hériter d'une impressionnante fortune qui lui venait de son grand-père, et qui devait lui être remise à sa vingt et unième année, lui ôtait toute inquiétude pour l'avenir et lui assurait un luxe certain. À cette fortune allait, un jour, s'ajouter celle que lui laisserait probablement son père qui l'adorait. Jacqueline n'était d'ailleurs aucunement grisée par de telles perspectives. Elle conservait un équilibre parfait que maintenait la pratique continuelle des sports.
Ces deux femmes animaient la garden-party de leur jeunesse et de leur grâce. Elles se secondaient sans défaillance, et M. Welter se félicitait de cette concorde agissante.
— Jacqueline, apporte ceci à ton père.
On venait de remettre à M me Welter un télégramme pour M. Richard Welter. Celui-ci, au milieu d'un groupe sympathique, devisait avec bonne humeur. Ce qu'il disait devait être passionnant, car ses auditeurs avaient formé un cercle étroit autour de lui et l’écoutaient avec attention.
— Ma petite Jacqueline ! Qu’y a-t-il, ma chérie ?
Jacqueline s'empressa vers son père.
— Un télégramme pour toi, papa... Dis, papa ? Tu ne vas pas t'en aller ?
— Non, mon chéri. Aujourd'hui, au diable les affaires ! Repos complet.
Il embrassa Jacqueline avec cet amour passionné qui se devinait à sa voix, à son regard, à son moindre geste. On sentait que cette enfant était sa raison de vivre.
— Non seulement je ne te quitte pas aujourd'hui, mais je vais faire pour toi une chose que je n'ai jamais faite... regarde ! Je ne lis même pas le télégramme.
— Oh ! papa.
Richard Welter fit disparaître, dans sa poche, le petit rectangle de papier bleu, sans l'ouvrir.
— Comme ça, chérie, pas de tentation.
Jacqueline regarda son père d'une manière qui en disait long sur le gré quelle lui savait d'un tel geste. Mieux que personne, elle savait combien son père était ordonné, combien rigides étaient ses méthodes de travail. Un principe dominait son activité : ne jamais rien renvoyer à demain. Cette dérogation à de si strictes habitudes touchait Jacqueline plus que tout. Elle en perdit la parole et dut se contenter d’offrir à son père le bouquet d'émotion qui se peignit sur son visage. Puis elle s'envola, légère, heureuse.
M. Welter la regarda partir et reprit sa conversation. Les gens qui formaient le cercle n'entendaient pas laisser s'échapper le grand financier invisible en temps ordinaire. Pour une fois qu'on le tenait, on allait le soumettre à l’épreuve de toutes sortes de questions raisonnables ou baroques. Après quoi, on irait répéter aux amis les propos de Welter en soulignant des affirmations sentencieuses de : « Mon ami Welter m'a dit... », « Mon ami Welter m'a assuré que... », en se gonflant le jabot comme un pigeon.
— Quelle vie d'angoisse perpétuelle, d'esclavage, qu'est la vôtre, monsieur Welter !
— Oh ! madame, ma vie n'est pas plus angoissante qu'une autre. Elle est simplement ce que je veux qu'elle soit. Chacun apporte à son action quotidienne toute la passion dont il est capable, n'est-il pas vrai ? Sans cette condition, ma vie serait aussi calme que n'importe quelle autre. Je crois, qu'au fond, on a la vie qu'on mérite.
— C'est vite dit !
Un autre, un peu plus flatteur, intervint :
— Quoique je n'entende rien aux histoires de finances, je dis : Ne devient pas grand financier qui veut.
Une dame, qui écoutait depuis un instant la conversation et qui se sentait des fourmis sur la langue, se décida :
— Voyons, cher ami, en somme, qu'est-ce que c'est, la Bourse ?
Richard Welter la regarda, sourit, sembla prendre son souffle comme un athlète. Il cligna des yeux, dans un geste qui lui était familier, une sorte de tic qui agitait curieusement ses paupières, aussitôt qu'il avait à exprimer sa pensée soudaine.
— Imaginez, chère Madame, un champ. Atmosphère de sérénité ; horizon lointain. Un paysan tire de sa poche un bas de laine. Le bas est troué. Les pièces d'or tombent et flottent par je ne sais quelle force mystérieuse autour du paysan. Elles se transforment en billets de banque. Les billets dansent une ronde autour de l'homme qui devient de plus en plus étourdi, affolé. Il veut saisir les billets. Les billets fuient devant lui. La course devient éperdue. Pendant la course, le paysan se transforme en ouvrier, l'ouvrier en bourgeois, le bourgeois en financier. Il court toujours, à toute allure. Le champ devient la route, la route devient la rue, la rue devient les colonnes de la Bourse. Les billets, au fur et à mesure de leur transformation, deviennent des billets plus gros, plus variés : marks, livres, dollars, francs, roubles, etc., puis des valeurs : pétroles, nickel, plomb, riz, or... le volume de ces papiers devient considérable. Il emplirait une maison, envahirait une ville, un pays, un continent, le monde... Parvenus aux colonnes, ces papiers se précipitent vertigineusement dans un gouffre en flammes où brûlent déjà d'autres papiers. Les flammes augmentent à mesure que le feu est alimenté, deviennent gigantesques, et l'homme, à son tour, plonge dans les flammes qui s'éteignent.
« À mesure que les flammes s'éteignent, le trou devient plus étroit, jusqu'à être un panier de papiers, lequel, si vous voulez, se trouve dans le bureau du conseil d'administration d'une banque. Imaginez encore que ce ridicule petit incendie, vite maîtrisé par un huissier qui enlève le panier, est causé par un cigare mal éteint jeté par un des administrateurs...
— Mais c'est de la poésie, mon cher !
— Et qu'est-ce donc que la finance ?
L'esprit de ceux qui avaient écouté cette tirade flottait un peu comme les billets de M. Welter. Un temps s'écoula sans qu'ils eussent le courage de prendre un parti. Finalement, l'un d'eux se mit à rire, un autre suivit, et l'éclat de rire devint général. Welter riait plus que personne ; ce que voyant, certains esprits susceptibles se demandèrent s'ils n'avaient pas été mystifiés. On s'amusa tout de même, l'atmosphère s'y prêtant. Il faisait beau, les fleurs étaient belles, l'heure chatoyante. Cependant, chacun garda en un coin caché de soi-même ce qu'il avait retenu ou compris pour réfléchir à loisir.
Pendant que Richard Welter s'exprimait ainsi avec éloquence, un domestique s’était approché de M me Welter et lui avait rapidement confié quelque chose. Madame avait immédiatement fui vers la maison. On l'appelait au téléphon

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