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Une terrible malédiction pèse sur la famille da Sangallo depuis le XIVe siècle.
« Malheur à l’enfant aîné de chacun de notre race, si cet enfant est une fille, car elle périra au jour de sa majorité, impitoyablement brisée dans sa jeunesse, comme la coupe du doge dans toute sa beauté !... » dit la légende...
Aussi, quand Bianca da Sangallo, à l’approche de ses vingt et un ans, devient taciturne et se plonge dans les vieilles histoires et les arts divinatoires, son père, inquiet, décide de faire appel aux détectives Ned BURKE et Romain FAREL, tant pour veiller sur la précieuse relique, la dernière coupe du doge de Venise, que sur la vie de sa fille.
BURKE et FAREL, cartésiens de nature, persuadés que la jeune femme est sous la férule d’un être machiavélique, vont tout mettre en œuvre pour déjouer un crime diabolique...
BURKE & FAREL
LA NOTE FATALE
Roman policier
H.-R. WOESTYN
CHAPITRE PREMIER
UN CAS BIEN ÉTRANGE
Par l'une des portes-fenêtres du salon, les deux hommes avaient gagné la terrasse, et descendant les quelques degrés de pierre du perron, longeaient maintenant l'une des grandes allées du parc.
Le comte da Sangallo, jusque-là, s'était contraint à ne rien laisser paraître de l'anxiété qui le troublait. Il ne put se contenir davantage et, se sachant bien seul avec le professeur Gendron, s'enquit à mi-voix :
— Eh bien, docteur, dites-moi en toute sincérité ce que vous pensez de ma petite Bianca ? Ai-je lieu ou non de m'inquiéter ?
Le comte da Sangallo – le père de la jeune fille – n'avait certes pas dépassé la cinquantaine, et son teint quelque peu bronzé, ses cheveux noirs à peine grisonnants, ses traits énergiques eussent suffi à accuser, même sans son léger accent, ses origines italiennes.
Son interlocuteur, guère plus âgé que lui, le paraissait davantage pourtant, grâce à une calvitie précoce due à ses longs travaux scientifiques, où il s'était principalement attaché à l'étude des maladies nerveuses.
Il avait attendu quelques instants avant de répondre, prenant le temps nécessaire à la réflexion avant de se prononcer.
— À vous parler franchement, fit-il enfin, je ne crois pas qu'il y ait lieu de vous alarmer outre mesure.
« J'ai bien remarqué chez M lle Bianca, une nervosité quelque peu excessive, mais ce sont là des symptômes que nous rencontrons souvent chez les jeunes filles de son âge. Symptômes plus marqués chez elle peut-être, en ce que sa mère, m'avez-vous dit, je crois, avait été victime d'une peur atroce quelque temps seulement avant sa naissance...
— Oui, docteur. À Naples, elle avait été témoin d'une rixe dans la rue et un homme avait été brutalement assassiné sous ses yeux.
— Il est évident, mon cher comte, que cette scène affreuse, et la vue du sang lui ont causé un choc dangereux dans l'état de grossesse avancée où elle se trouvait à ce moment, et l'enfant qu'elle portait en a fatalement subi le contrecoup.
« Et cela a dû avoir bien certainement une influence évidente sur la nervosité de sa fille, nervosité qui n'a fait que s'accroître avec l'âge.
« Mais encore une fois, croyez-moi, il n'y a pas péril en la demeure, et en l'état actuel de M lle Bianca, je puis vous assurer que des soins diligents, un régime très fortifiant et beaucoup d'exercice auront vite raison de cette nervosité qui vous tourmente.
Visiblement embarrassé, le comte da Sangallo semblait avoir quelque confidence qu'il hésitait à faire au médecin.
Il se décida enfin et, baissant la voix, murmura assez haut pour n'être entendu que de lui :
— Avant de prescrire un traitement quelconque pour ma petite malade, je crois qu'il serait bon, docteur, que vous eussiez sur elle certains détails impossibles à vous donner ici par le menu.
Légèrement surpris, le professeur Gendron fixa du regard son interlocuteur et répondit sur le même ton :
— Si vous jugez que ces renseignements me soient utiles, cela vaudrait mieux, en effet.
« Venez donc me voir, un de ces jours, après ma consultation. Nous pourrons causer tout à l'aise.
— Le plus tôt sera le mieux, docteur.
— Eh bien, demain, par exemple.
— Je préférerais aujourd'hui, si vous n'y voyez pas d'inconvénients.
Gendron consulta un calepin qu'il venait de tirer de sa poche, se référa à quelques rendez-vous pris, des visites à ses malades, puis déclara :
— Soit. C'est entendu. Je vous attendrai chez moi après trois heures.
« Mais encore une fois, mon cher comte, ne vous mettez pas martel en tête : il n'y a aucun danger imminent, pour le moment, du moins...
— Peut-être ne serez-vous pas aussi affirmatif, docteur, quand nous aurons pu causer ensemble.
— C'est possible. Eh bien, alors, à cet après-midi, monsieur da Sangallo.
Et, prenant congé du père de Bianca, il s'éloigna en ajoutant :
— Je vous avoue que vous m'intriguez un peu. Enfin, nous verrons bien.
Situé à proximité de l'avenue de Neuilly, le petit hôtel particulier que le comte da Sangallo occupait avec sa fille Bianca et un personnel relativement restreint se trouvait au milieu d'un assez grand jardin, ayant fait partie du vaste parc qui, jadis, reliait le château à celui de Villiers.
Ces deux domaines ont depuis longtemps disparu et sur les terrains du premier, morcelé, mis en lotissement au début du Second Empire, s'est en partie élevée la commune de Neuilly.
Le jardin de l'hôtel des Sangallo était un des derniers vestiges de ce parc où les d'Argenson, propriétaires du château, avaient autrefois reçu d'illustres visiteurs, Montesquieu, Voltaire, Fontenelle, Duclos, d'Alembert, Grimm et Dorat.
D'autres illustres personnages tels que le chevalier de Sainte-Foy, Talleyrand, Murat et la princesse Pauline Bonaparte l'avaient ensuite possédé jusqu'au jour où Louis XVIII le donnait enfin au duc d'Orléans – plus tard Louis-Philippe – en échange de ses fameuses Écuries de Chartres.
Ce devaient être les derniers beaux jours du château de Neuilly qui était bientôt confisqué et vendu en vertu des décrets rendus par Louis-Napoléon, peu après le coup d'État, dépouillant de tous ses biens la famille d'Orléans.
Si la maison d'habitation, l'hôtel particulier des Sangallo ne possédait aucun style bien distinct, étant de construction relativement récente, son intérieur, par contre, était très luxueusement aménagé avec un goût parfait qui dénotait, chez ceux qui vivaient là, un sentiment artistique très prononcé.
Les Marini da Sangallo appartenaient à une très ancienne famille florentine qui avait joué un rôle prépondérant à la cour des Médicis.
Sans être totalement déchus de leur splendeur passée, les Sangallo n'avaient plus, des richesses d'autrefois, qu'une fortune assez grande encore et qui leur permettait de tenir un rang élevé dans le monde.
Demeuré veuf avec sa fille encore toute enfant, Paolo da Sangallo ne s'était jamais remarié, malgré que de beaux partis se fussent offerts à lui. Il avait eu pour Bianca la plus vive affection, ne négligeant rien pour lui donner l'éducation la plus raffinée. Aussi, s'était-il montré profondément affligé de la voir, à l'approche de sa vingtième année, en proie à une nervosité qui prenait de jour en jour un caractère plus aigu.
Elle qui jusqu'alors n'avait cessé de se montrer enjouée, était devenue songeuse au point de rester longtemps perdue dans d'interminables rêveries, d'où elle sortait brusquement, prise de frissons ou de tressaillements qui accusaient de singuliers soucis sur lesquels elle gardait le silence.
Le comte s'était ému de cet état de choses, cherchant en vain à deviner la nature de ces troubles qui affectaient le moral de sa fille.
Une étrange bizarrerie de son esprit l'avait surtout frappé.
Bianca, qui ne s'était jamais beaucoup occupée des fastes de sa famille au temps jadis, montrait maintenant une curiosité presque maladive à en connaître les vieilles légendes, souvent sombres et quelquefois tragiques à l'extrême, dans la suite des siècles passés.
Paolo da Sangallo, surpris de l'effet que ces récits produisaient sur elle, avait dû cesser de les faire, ou tout au moins les atténuer en affectant de les traiter comme des contes à dormir debout, bons tout au plus à effrayer les enfants.
Il avait également, à maintes reprises, surpris sa fille activement occupée à interroger un jeu de cartes étalées devant elle, et formant les figures variées de réussites devenues classiques parmi ceux qui ont en elles une foi crédule.
Il attribuait cette autre curiosité de sa fille à l'exemple que lui en avait donné Térésa, sa nourrice, toujours demeurée auprès d'elle depuis sa naissance.
La vieille Italienne croyait ferme comme roc à ce que lui prédisaient les cartes et les interrogeait en secret, pour éviter les moqueries ou les reproches de son maître.
Pourquoi Bianca, avec son intelligence supérieure, avait-elle depuis peu donné dans ce travers ?
Son père, qui ne se l'était pas expliqué tout d'abord, avait fini par voir là une corrélation avec son désir immodéré de connaître quelques vieilles histoires de famille, où la légende semblait annoncer pour l'avenir des choses quel