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Paul DUMVILLER, alias Doum, le célèbre journaliste du Paris-Monde, a tout juste le temps, en revenant d’un reportage, de se rendre à l’hôtel particulier des Marsanges où une réception est donnée pour l’anniversaire de mariage de son ami François et de Fabienne.
Mais, quand il se présente, il apprend que les festivités sont annulées du fait d’une subite dégradation de l’état de santé de l’épouse.
Cependant, François Marsanges insiste pour que Doum dîne avec lui, sous le prétexte d’avoir besoin de son avis sur d’étranges événements qui se déroulent ces derniers jours dans le parc Monceau bordant sa demeure.
Sa jeune sœur, Odette, est persuadée d’avoir vu, la nuit précédente, le docteur Henry Noir, ancien prétendant de Fabienne, se promener dans les allées devant la bâtisse. Seulement, le docteur Henry Noir s’est suicidé voilà un an...
DOUM REPORTER
LE FANTÔME
DU
PARC MONCEAU
Par
NEVERS-SÉVERIN
CHAPITRE PREMIER
LA SOIRÉE DES CONTRETEMPS
L'express Le Havre-Paris se trouvait bloqué sur un remblai par un signal obstinément fermé. La locomotive soufflait tranquillement. Aux fenêtres des longs wagons verdâtres, des visages impatients se penchaient sans cesse.
— Si nous continuons à nous arrêter ainsi, à chaque aiguillage, dit un voyageur grincheux, nous n'arriverons pas à Saint-Lazare avant la nuit.
— Il y a eu, paraît-il, un déraillement près d'Asnières. Pas de victimes, mais les voies sont embouteillées ! expliqua un autre.
Soudain, dans le couloir d'une voiture de première, un jeune homme qui se frayait un passage à travers les groupes poussa une exclamation de joyeuse surprise :
— Tiens, Doum ! Quel hasard !
— Mornay ! Comment vas-tu, mon cher ? répliqua l'interpellé.
Les deux interlocuteurs, qui ne s'étaient pas rencontrés depuis longtemps, éprouvèrent le besoin d'échanger les propos d'usage en pareil cas. Mornay, gros garçon réjoui, après avoir complaisamment vanté la bonne marche de ses propres affaires, félicita son compagnon :
— Je constate quotidiennement, mon bon Doum, que ton étoile ne cesse de monter au firmament du journalisme ; tes enquêtes te sacrent champion de l'actualité. Inutile de faire le modeste ! Un reportage signé Paul Dumviller, c'est de l'émotion dans l'air ! ajouta-t-il avec un gros rire, heureux d'avoir trouvé cette parodie du style des rédacteurs de publicité.
Dumviller — plus familièrement Doum — s'efforçait de détourner ce flot d'amabilités, car il était la modestie même : sa silhouette, ses allures, tout en lui témoignait d'une discrétion élégante et de bon goût. Mais l'autre insistait :
— D'où viens-tu, cachottier ? Tu mijotes certainement quelque affaire sensationnelle.
— Point du tout ! Je viens tout bonnement d'assister, en qualité d'envoyé de Paris-Monde, au banquet d'inauguration du La Pérouse, le nouveau transatlantique.
Le reporter, tout en parlant, consultait son bracelet-montre. Entre-temps, le convoi s'était ébranlé et avait repris sa course vers Paris, mais à une allure modeste.
— Nous rampons, ma parole !
— Tu es pressé, mon vieux Doum ?
— Ma foi, oui ! Un dîner ! Ce retard devient ennuyeux.
— Bah ! S'il s'agit de ta petite amie, elle prendra patience.
— Non, il s'agit de... mais, au fait, tu le connais : François de Marsanges ! Il m'a adressé une invitation pour ce soir...
— Ce bon Marsanges ! Fais-lui mes amitiés ! Ne s'est-il pas marié, voici quelque temps ?
— Il y a un an, tout juste. Ce dîner est une fête-anniversaire.
Mornay, d'un naturel bavard et curieux, interrogea :
— Je ne me rappelle plus très bien qui il a épousé.
— Fabienne Hélier ! C'est moi qui les ai présentés l'un à l'autre. Fabienne appartient à la bonne bourgeoisie parisienne ; son père, qui vient de mourir, faisait partie comme moi de l' Oméga, le cercle du boulevard Haussmann.
— Mais n'y a-t-il pas eu certaines « histoires » autour de ce mariage ? reprit Mornay. Des complications... sentimentales ?... Je me souviens... d'un nom : celui du professeur Noir.
— Ah ! Bien ! s'exclama Dumviller d'un ton réservé.
— Que s'est-il passé, au juste ? Ce professeur Noir était, paraît-il, un homme étrange.
— Un savant très authentique ! Il avait publié des ouvrages d'une grande valeur, à en croire les chimistes les plus autorisés.
— Mais il se mêlait aussi d'occultisme, n'est-ce pas ?
— Heu... c'est exact ! Des fables couraient sur son compte.
— Ah ! Je me souviens ! s'écria Mornay. Le professeur Noir était amoureux de la fiancée de François ; il a essayé de l'envoûter, et...
— Allons donc ! interrompit Doum, d'un air agacé. Voilà bien les fables que je dénonçais. La vérité me paraît infiniment plus simple. Ce professeur Henry Noir, homme de cinquante ans, était effectivement épris de Fabienne Hélier, qui n'en comptait pas la moitié. Entre lui et François de Marsanges, la lutte s'avérait terriblement inégale. La famille Hélier fit discrètement comprendre au savant qu'en dépit de sa personnalité éminente il devait renoncer à tout espoir. Henry Noir, égaré par la passion, s'emporta et eut avec le père de la jeune fille une altercation, au cours de laquelle il se montra presque menaçant...
« Mais cette rancœur d'homme âgé ne pouvait mener à rien. Henry Noir se renferma chez lui. Ce fut alors que des ragots fantaisistes commencèrent à circuler. Parce que le professeur avait écrit un Traité encyclopédique des Sciences mortes, dans lequel il passait en revue l'alchimie, les pratiques des anciens magiciens, on l'accusa d'être lui-même une sorte de sorcier. Il mourut au cours d'une expérience, en manipulant des produits toxiques extrêmement dangereux. Certains firent de cette mort un drame fantastique, au cours duquel Noir aurait tenté, par vengeance, un envoûtement à distance et, manquant son but, se serait vu frappé lui-même par les forces occultes qu'il avait déchaînées.
« Tu penseras ce qu'il te plaira de cette version digne des contes d'Hoffmann ! acheva Doum, mais, pour ma part, je me refuse à lui accorder le moindre crédit.
— Ma foi ! convint Mornay, cette entreprise de sorcellerie, au XX e siècle, me semble bouffonne.
— Ce que, par contre, je crois possible, reprit Doum d'une voix plus grave, c'est un suicide du malheureux. Je t'ai dit qu'il avait beaucoup souffert de son échec sentimental ; quelques intimes, hors ceux qui croyaient au surnaturel, murmurèrent que son trépas n'avait pas été accidentel, mais volontaire. De bonnes langues ont répété ce bruit aux Marsanges et aux Hélier ; Fabienne fut à son tour vivement affectée ; c'est une fille sensible et nerveuse ; elle déplora d'être la cause de cette mort, bien que, de toute manière, elle n'en fût nullement responsable ; elle n'avait rien fait pour attiser la passion du professeur. Bref, il est certain que le destin d'Henry Noir rendit mélancolique la lune de miel des jeunes époux ; mais, depuis, le temps a effacé ces nuages.
Cependant, le train avait fini par atteindre Paris et s'engageait le long des quais de la gare Saint-Lazare.
— Bon sang ! Dix-neuf heures quarante ! constata Doum. Le dîner est à vingt heures précises. Jamais je ne pourrai y être à temps.
— Où donc habitent les Marsanges ?
— Rue Murillo, dans un bel hôtel particulier dont une façade donne sur le parc Monceau.
— Avec un taxi, c'est à cinq minutes !
— Je ne puis y aller dans cette tenue de voyage ! Il s'agit d'une réception à grand tralala. Il faudrait que je puisse passer chez moi, et ma modeste résidence est située fort loin, sur la rive gauche.
« Ah ! mais, pardon... reprit le journaliste, en se parlant à lui-même.
Il avait, tout en bavardant, regagné son compartiment et empoigné une valise. Une idée simple et lumineuse lui venait.
— Dans cette valise se trouvent un smoking et un nécessaire de soirée, car, hier soir déjà, sur le La Pérouse, la fameuse et funèbre « tenue » était de rigueur. En louant une chambre d'hôtel, à un pas de la gare, je puis me préparer en dix minutes. Et je serai ponctuel au rendez-vous...
Enchanté de son inspiration, Doum prit congé de son ami Mornay et se précipita vers la rue d'Amsterdam, où les hôtels à voyageurs se succèdent, porte à porte.
À vingt heures moins cinq, impeccablement vêtu de noir, le reporter descendait d'auto devant un grand et somptueux hôtel de la rue Murillo. Il fut légèrement surpris de...