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Alors qu’elle expertise la collection de toiles de maîtres des Hessberg, vieille famille aristocratique allemande, Elsa Delunsch, jeune historienne d’art, va se trouver confrontée à une série de questions et d’événements troublants :
D’où provient exactement cette extraordinaire collection totalement inconnue ? La jeune femme n’est-elle pas devenue, à son insu, la complice d’un sordide trafic d’œuvres d’art ? Qui sont ces gens qui l’ont agressée ? Est-il imaginable que les Hessberg soient poursuivis par une vindicte vieille de plus d’un siècle ?
Entre Strasbourg et Baden-Baden, Elsa va se retrouver plongée bien malgré elle au cœur d’une enquête étrange. Elle va rapidement comprendre que les réponses à ses questions sont à rechercher très loin dans les méandres de l’Histoire européenne.
Présentation
Alors qu’elle expertise la collection de toiles de maîtres des Hessberg, vieille famille aristocratique allemande, Elsa Delunsch, jeune historienne d’art, va se trouver confrontée à une série de questions et d’événements troublants :
D’où provient exactement cette extraordinaire collection totalement inconnue ? La jeune femme n’est-elle pas devenue, à son insu, la complice d’un sordide trafic d’œuvres d’art ? Qui sont ces gens qui l’ont agressée ? Est-il imaginable que les Hessberg soient poursuivis par une vindicte vieille de plus d’un siècle ?
Entre Strasbourg et Baden-Baden, Elsa va se retrouver plongée bien malgré elle au cœur d’une enquête étrange. Elle va rapidement comprendre que les réponses à ses questions sont à rechercher très loin dans les méandres de l’Histoire européenne.
Bernard Grandjean est l’auteur d'une quinzaine de romans. Si certains se déroulent dans l'est de la Fance, et plus particulièrement en Alsace, la plupart de ses livres sont centrés sur l’Asie et l’Himalaya, tels que Crimes en Himalaya , sa nouvelle série policière, qui met en scène un duo atypique : Gopika, jeune enseignante indienne et Doc Tenzin, médecin traditionnel tibétain. Ensemble, sur les terres himalayennes et sur fond de turbulences politiques entre Tibet, Chine et Inde, et de corruptions en tous genres, ils vont mener l’enquête pour résoudre meurtres, intrigues, mystères...
LE TESTAMENT DE LA COMTESSE DES TÉNÈBRES
Bernard GRANDJEAN
38 rue du polar
1
Plombières (Vosges), juillet 1865.
— Alors, cela s’est passé comme les fois précédentes, dites-vous ?
— En tous points, Monsieur, comme hier et avant-hier, à la même heure et au même endroit !
— Vous voulez dire à ce pavillon de chasse proche du chêne de l’Impératrice ?
— En effet, Monsieur.
— La femme est-elle de nouveau venue seule ?
— Seule, et montant le même alezan !
L’homme qui posait les questions était âgé d’environ soixante ans. Sa mise stricte et élégante – redingote noire taillée dans le drap le plus fin, cravate de soie, gants de chevreau, bottines vernies – contrastait avec le lieu, un chemin isolé creusé d’ornières au cœur de la forêt vosgienne. Son visage énergique, posé sur un cou de taureau, était animé par un regard vif qui fusillait son interlocuteur, un militaire en tunique bleu ciel, pantalon blanc et bottes à l’écuyère.
— Avez-vous au moins pu voir ses traits, cette fois ?
— Pas plus que les jours précédents, Monsieur : large chapeau et voilette ! Et toujours vêtue de noir. Cependant, comme je vous le disais hier, sa souplesse à sauter de cheval indique clairement une jeune personne. Je ne lui donne en tout cas pas plus de vingt-cinq ans.
— Le contraire m’eut fort étonné, bougonna ironiquement son interlocuteur. Sa Majesté était-elle déjà là ?
— Oh oui, depuis un bon quart d’heure ! En s’effaçant pour laisser entrer la dame, l’Empereur m’a vu, ce qui l’a irrité. Il a dû juger que j’étais trop près et m’a fait signe de m’éloigner d’un geste tout ce qu’il y a de plus impérieux…
— Ainsi, pour le troisième jour consécutif, vous n’avez rien à m’apprendre sur la donzelle !
Le militaire ouvrit les mains en un geste d’impuissance. Il semblait si tassé dans son uniforme de capitaine des Cent-Gardes, unité chargée de la protection de l’Empereur, qu’il paraissait incroyable qu’il ait pu accuser sous la toise le mètre quatre-vingts exigé pour être reçu dans ce corps d’élite… Il se redressa et risqua une nouvelle excuse :
— Comme je vous l’ai dit hier, Monsieur : sur ordre de Sa Majesté je dois me tenir à au moins cent pas, en contrebas, sur le sentier qui mène au pavillon. La consigne que l’Empereur m’a donnée est de renvoyer toute personne qui souhaiterait s’approcher. En me postant si près, j’avais déjà enfreint ses instructions, et il me l’a vertement fait comprendre !
— Mais, cette femme ne peut être un fantôme, elle doit bien sortir de quelque part ! L’avez-vous fait suivre après qu’elle eut quitté l’Empereur, comme je vous l’avais ordonné ?
— J’avais disposé trois de mes hommes, choisis parmi les meilleurs cavaliers, habillés en civil, mais ils l’ont vite perdue de vue. Il est vrai que je leur avais demandé de la suivre d’assez loin, de façon à ce qu’elle ne puisse s’en rendre compte…
— Dans ces conditions !
— Monsieur, si cette femme rapportait à l’Empereur qu’elle est prise en filature dès qu’elle le quitte, on pourrait imaginer la réaction de Sa Majesté ! L’affaire pourrait prendre une tournure très déplaisante pour mon matricule !
— Vous avez peu de confiance en ma protection, capitaine Blanchot, mais vous avez raison : quel que soit l’État considéré, son ministre de l’Intérieur est le moins fiable de ses citoyens… Donc, en conclusion, on ne sait toujours ni qui elle est, ni où elle loge, ni comment l’Empereur et elle correspondent ?
— Tout ce que je puis dire, c’est qu’une heure environ après son arrivée, j’ai entendu le trot du cheval qui s’éloignait du pavillon. J’ai eu le temps d’apercevoir la dame sur un chemin de bois conduisant vers le Val d’Ajol, une petite ville qui se trouve dans une vallée proche d’ici. Ce qui ne veut pas dire qu’elle s’y soit rendue ! La montagne est si touffue et les pentes si raides que mes hommes ne peuvent être formels. Elle a pu tout aussi bien faire une boucle et repartir dans une direction différente, par exemple tout simplement redescendre sur Plombières… Il suffit de regarder autour de soi pour comprendre la difficulté !
Le marquis Charles de La Valette, depuis quatre mois ministre de l’Intérieur de Sa Majesté l’Empereur Napoléon III, s’abîma quelques secondes dans la contemplation du paysage sauvage et verdoyant qui s’offrait à lui. Sur sa gauche, en contrebas, on apercevait les toits de la petite ville de Plombières où, en ce mois de juillet 1865, l’Empereur des Français était une nouvelle fois venu prendre les eaux. Curieuse manie que cette passion pour ce trou perdu, songea La Valette. Mais soit ! Après tout, l’Impératrice Joséphine y venait déjà, et Louis Napoléon lui-même y avait séjourné enfant, en 1809, tandis que son petit caporal d’oncle taillait en pièces l’armée de l’archiduc Charles à Wagram. Si l’on ajoutait à cela que le chemin de fer ne mettait Saint-Cloud qu’à une journée, le choix aurait pu être pire.
— Blanchot, une fois pour toutes, il faut que je sache ! Demain, vous placerez des sentinelles en nombre, déguisés en bûcherons, en bourgeois, ou en curés, en tout ce que vous voudrez, aux croisements des chemins et à la sortie de chaque village. Je veux savoir où loge la donzelle ! Et ne me dites pas que la chose est impossible !
— Certes, elle ne l’est pas, mais ce serait mettre bien des gens dans la confidence… On parlerait…
La Valette dut admettre la pertinence de l’argument et du bout des lèvres renonça à l’idée.
— Blanchot, vous me décevez. Je vous ai mis à cette place pour que vous me donniez des informations utiles au bien de l’État, non pour vous procurer des villégiatures champêtres !
— Croyez que j’en suis bien conscient, Monsieur. Mais puisque nous sommes entre hommes, laissons un instant de côté faux-semblants et morale… D’autant que, si je puis me permettre, il ne nous appartient pas de juger de la vie privée de l’Empereur.
— C’est vrai que j’ai déjà assez à faire avec sa vie publique sans me préoccuper de sa vie privée, sauf que mon devoir est d’y veiller lorsque les deux viennent à interférer… Mais continuez, mon petit Blanchot, le préambule est prometteur.
— Je voulais dire, reprit Blanchot mal à l’aise, que Sa Majesté est d’abord un militaire, auquel Dieu a donné la Grâce de conserver à 57 ans, en matière de galanterie, un esprit, dirais-je, très sous-lieutenant…
— À la bonne heure ! s’exclama La Valette, dont le double menton fut secoué d’un léger tremblement, quelques secondes avant qu’un petit rire ne s’échappe de sa bouche charnue.
Un instant, le capitaine Georges Blanchot se demanda s’il n’était pas allé trop loin. Il avait beau être le rejeton de trois générations de fidèles serviteurs des La Valette, filiation qui avait fait sa carrière, il connaissait les limites à ne pas dépasser avec le ministre. Lui donner du « Monsieur » tout court là où d’autres auraient dit « Votre Excellence », était déjà une liberté insigne. Cette familiarité, que peu pouvaient se permettre, avait toujours été la règle au fil des conversations qu’il avait régulièrement, et généralement en secret, avec le ministre. Il savait que c’était même cette franchise qui plaisait au vieux La Valette, ami personnel de l’Empereur Louis Napoléon…
— … En clair, Monsieur, je me permets de le dire entre nous, car la chose est connue, cette jeune personne, qui doit être n’en doutons pas une beauté sous sa voilette, n’est ni la première ni la dernière biche que notre Empereur passe galamment par les armes ; alors, pourquoi tant d’alarme ?
— Tout simplement parce que j’ignore qui elle est ! s’exclama le ministre. Réfléchissez trente secondes, Blanchot : une femme dont je ne sais rien entretient une liaison intime avec Sa Majesté ! Elle peut n’être qu’une dame légère de l’entourage de l’Impératrice, ou encore l’épouse volage d’un bourgeois de Plombières, ou même une vulgaire catin, mais elle peut être aussi une dangereuse intrigante… et même pire !
Après un court silence, il ajouta, en baissant encore la voix :
— Vous n’ignorez pas que le comte de Bismarck sera secrètement à Plombières dans quelques jours. Aussi, je ne puis prendre aucun risque. Le moindre incident pourrait marquer un grave tournant dans les relations entre la France et la Prusse. Profitant d’une indisposition passagère de l’Impératrice, à laquelle les médecins ont déconseillé la promenade, l’Empereur a encore prévu demain une excursion solitaire. Le même manège va donc se reproduire. Il serait incroyable que cette amazone vous échappe une fois de plus ! Blanchot, il faut vous secouer ! Il y va de l’honneur de l’Armée française de ne pas se laisser berner par une femme, ajouta-t-il en so