121
pages
Français
Ebooks
2019
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2019
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Publié par
Date de parution
15 février 2019
EAN13
9782370471055
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
Gabriel Sacco. Quarante-quatre étés. Gorille dans un cercle de jeu clandestin. Son quotidien : la sécurité de la boîte et le recouvrement des créances douteuses. En dix ans de métier, Gab s’est beaucoup plus souvent servi de ses poings que de ses neurones, sans que ça ne lui pose trop de questions existentielles... Tout irait donc pour le mieux dans le plus glauque des mondes si un joueur invétéré ne se volatilisait pas après une partie. L’homme de main part aussitôt à sa recherche sans en référer à son boss. Pourquoi ? Mystère. Dieu seul – et lui – le savent...
Rafale, avec son atmosphère enfumée, ses tripots et son blues lancinant, remet au goût du jour la tradition séculaire du roman noir. Ceux de Richard Stark et James Hadley Chase. Le polar hard-boiled façon La loi du milieu (Get Carter), où un homme voit sa vie entière bouleversée par l’obsession d’une enquête. D’une quête. Et peu importe s’il doit pour cela bousculer son quotidien et les codes établis, voire frayer d’un peu trop près avec les emmerdes. Rafale est l’histoire d’un fieffé salopard, non dénué d’humour, qui enchaîne répliques assassines et torgnoles fatales tout en se découvrant sur le tard une conscience.
Un gangster, un cercle de jeu, des baffes, des belles bagnoles, une jolie môme, des truands, du blues, des passages à tabac, un joueur qui se volatilise, une enquête... le retour du roman noir, le vrai !
Publié par
Date de parution
15 février 2019
EAN13
9782370471055
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
M ARC F ALVO
RAFALE
À Natacha,
parce qu’il faut toujours avancer.
1
Blue and lonesome
Tu regardes une nouvelle fois ta montre.
Tu soupires. Grimaces. L’heure approche. Toi Gabriel, t’as pas envie d’aller bosser. Ton dos te met toujours au supplice et t’aurais dû passer cette soirée avec Laura.
Mais Laura est partie.
Hier soir.
En fait ce boulot tombe à pic. Au lieu de noyer ton amertume dans le whisky – chez Garbo ou ailleurs – tu vas avoir de quoi te défouler.
Dernier coup d’œil à l’heure. Tu tires les calmants de ta poche. Hésites à en prendre un autre. T’as peur que ça t’anesthésie, que ça flingue tes réflexes. Trop risqué. Mieux vaut souffrir et garder l’esprit clair. Tu vérifies ton matos. Coupes le moteur. L’autoradio s’éteint. Mick Jagger se tait. N’empêche Blue and lonesome , dernier album des Stones, t’a touché droit en plein cœur. Du bon blues, triste et désespéré. Pile poil ce dont t’as besoin en ce moment. Pile poil ce que tu mérites. Tu viens de l’écouter pour la troisième fois en boucle.
Tu finis par ouvrir la portière conducteur.
Tu serres les dents lorsque tes lombaires pivotent. Poses un pied sur le bitume. Tu sors enfin de ta voiture puis la verrouilles.
Personne aux alentours.
Déjà qu’en journée, le coin ne brille guère par sa fréquentation, à trois plombes passées du matin on pourrait s’y balader à poil nickel. Exposer son attirail sans risquer d’y croiser âme qui vive. Ça te fait sourire. Tu t’imagines la bite à l’air dans cette rue. Pieds nus sur les pavés. Puis tu te dis que mi-décembre, on n’y gagnerait rien d’autre qu’une pneumonie et que tu morfles déjà assez comme ça, avec ton foutu dos, que c’est plus le moment de penser à ce genre de bêtise. Juste après, tu te dis que Noël se pointera dans moins de quinze jours, et que cette année encore il aura un goût de cendres.
Tu vérifies aussi ton portable.
Rien.
Silence radio.
Hier, t’as cru que Laura se manifesterait avant le crépuscule. Qu’elle ramperait en pleurant et t’adressant ses regrets. Depuis, nada . Ou elle n’a aucun regret, ou elle a entre-temps perdu ton numéro. Ou alors elle est morte. Écrasée par un train, un bus, enlevée puis mutilée par un maniaque. Tu laisses défiler ces images devant tes yeux avant de les chasser.
Le boulot.
Unique priorité maintenant.
Un job à régler puis du fric à recevoir. Rien d’extraordinaire.
Du gâteau.
Toi, Gabriel Sacco, te focalises sur ce qu’on t’a dit. Les instructions reçues. Tu remontes le col de ton cuir, ajustes tes gants et avances.
* * *
Bien sûr, tu n’as pas levé le petit doigt. Hors de question d’appeler. Écrire. Hors de question de ramper. Dans la nuit froide, tu composes les chiffres du digicode.
22014.
T’entends un bruit de buzzer. Tu pousses la haute porte en verre et fer forgé. Le coin regorge de bâtisses identiques. Anciennes maisons de maître reconverties en appartements. Privilège du calme en proche centre-ville, répercuté sur le prix du loyer.
T’arrives à la seconde porte.
Au second digicode.
Tu te plaques les deux poings sur les reins puis inspires.
Bordel.
Putain de dos.
T’aurais dû avaler ce calmant. La douleur te foudroie. Tu fouilles tes poches puis te souviens. La boîte posée sur le tableau de bord. Tu ne vas pas ressortir. Tu préfères te concentrer sur la seconde série de chiffres.
49067. Nouveau buzzer. Tu pousses la porte, pénètres au creux de la pénombre vers une cage d’escaliers. Ta cible habite au quatrième. Toi, Gabriel Sacco, tu as pour habitude de ne jamais emprunter l’ascenseur. Trop bruyant. Risque d’y être coincé. Tu as toujours opté pour la marche, pourtant dans l’immédiat l’idée de gravir quatre étages avec les lombaires en miettes t’horrifie. Tu pèses le pour et contre. T’as d’abord un éphémère sursaut de courage avant d’abdiquer. Ton index presse le bouton d’appel.
À trois heures du matin, qu’est-ce que ça change ?
Il faut savoir s’adapter.
S’adapter équivaut à survivre. Dans ton monde, comme partout ailleurs. Ceux qui ne savent s’adapter ou s’y refusent meurent les premiers. Ceux qui se braquent crèvent.
La cabine s’arrête devant toi. Un soupir. Des pas qui te font grimacer. Tu entres. Espères que ta cible ne te donnera pas trop de fil à retordre. Tu te vois mal embarqué dans une baston, ou pire obligé de transporter un corps. S’adapter oui, mais en dix ans de métier tu n’as jamais fait l’erreur de présumer de tes forces. Et ce soir, tu n’es pas en état.
* * *
Juste au sortir de la douche.
Juste ça.
Hier, après votre dispute – ultime baroud d’une longue série – et le départ de Laura, t’as eu envie de te changer les idées. Relâcher la pression. T’es parti courir. Au retour tu t’es douché. Lavé les cheveux. C’est en te séchant que t’as accusé le choc.
Le bas du dos foudroyé. Comme un coup de poignard, ou d’aiguillon. Une punition sévère et silencieuse. Aussi injuste que le reste, peut-être.
Tu remontes le couloir.
Pour ne pas enclencher la minuterie, tu t’éclaires à la lampe-torche.
Ton œil cherche l’appartement 4E. Finit par le trouver. On t’a fourni les deux codes des portes mais pas les clés. Aucun problème. En dix ans de métier, t’as fracturé plus de serrures que de mâchoires, ou au moins autant. Tu joues du crochet à la perfection. Moins de trente secondes plus tard, ta fausse silhouette fine – fausse car elle cache une musculature sèche, entretenue quotidiennement – se faufile à l’intérieur.
Rien ne bouge.
Vestibule et salon éteints.
Seul le halo d’un réverbère public, en partie coupé par un rideau, fend les ténèbres.
Flotte dans l’air une odeur métallique. Chauffage électrique et renfermé. Remugles d’alcool. De tabac. On t’a vendu un célibataire, mais en balayant la pièce une forme se découpe dans le faisceau de ta lampe. Sur un bras du canapé. Un manteau. Sans doute de fourrure. En tout cas féminin, accompagné d’une paire d’escarpins laissée au sol. Et merde… Toi, Gabriel Sacco, tu hais ce genre d’imprévu. Tout comme tes patrons détestent les jobs inachevés.
Tu n’as pas le choix. Tu continues ta progression.
Heureusement, c’est une pute.
Tu la repères très vite à son air, mi-ennuyé mi-blasé, quand le faisceau de ta torche fond sur les deux bosses du lit. La fille, blonde platine, n’est pas étonnée.
– Je m’en fous, elle te dit. J’habite pas là.
Elle doit te prendre pour un cambrioleur.
En revanche, le mec à côté ne s’en fout pas, lui, il te dévisage de ses yeux exorbités. Le cheveu en bataille. Tu lui ordonnes de ne pas bouger.
Tu n’as même pas besoin de sortir une arme. Entre Miss Rien à Foutre et l’autre cave, ta conviction naturelle suffit. Tu te contentes de peu.
– Habille-toi.
La pute prend ça pour elle.
– Non, tu corriges. Monsieur vient seul.
Tu précises quand même qu’il ne servirait à rien d’appeler la police. La pute te rassure sur ce point. Elle a déjà été payée pour la nuit entière. Le reste n’a aucune importance. Elle demande le droit de rester ici quelques heures, histoire de profiter des draps propres et du calme. Elle claquera juste la porte en partant demain matin.
Tu n’y vois pas d’inconvénient.
Le mec s’exclame.
– Eh…
– Tu la fermes. Habille-toi en vitesse.
Il n’a pas d’autre choix que de t’écouter.
* * *
I’m blue and lonesome…
As a man can be…
L’autoradio s’est allumé en même temps que le moteur. T’as pas tellement envie de musique alors tu coupes. Le mec à côté va pour parler. Tu sors ton calibre.
Le mec ne dit rien, au final.
Il se met à trembler. La quarantaine avachie. Bourrelets mous et teint cireux. Typiquement le genre d’homme qui s’est trop laissé vivre, ou plutôt qui a trop laissé courir.
Tu poses le calibre entre vous deux.
Si dans cinq secondes il n’a pas essayé de le prendre, alors tu n’as rien à craindre de lui.
Le mec pleurniche.
– Pourquoi…
– Tu sais pourquoi.
T’en profites pour vérifier le verrouillage automatique des portes. Le calibre noir brillant, bien en évidence, n’a pas l’air d’intéresser ton passager. On dirait qu’il s’interroge. Que sa cervelle tente d’appréhender la réalité de ce qu’il est en train de vivre.
Cinq secondes passent.
Dix secondes.
Tu récupères le flingue dont il n’a pas voulu.
Normal, au fond. Si ce mec avait eu des couilles, il aurait trouvé un moyen de régler sa dette. Ou alors se serait caché. Il ne serait pas simplement resté chez lui à attendre qu’on vienne le cueillir, à trois heures du matin dans les bras d’une pute. Ça te désole quand même que tout dans son attitude soit si prévisible. Toi, t’aurais sans doute pris la tangente. Ouais. Bye bye le monde… Quand on n’a pas de fric, faut avoir des jambes…
Une nouvelle fulgurance lombaire te ramène aux choses sérieuses.
Immédiates.
Tu passes la première et démarres.
Sur le chemin, personne ne parle. Ton cave reste muet. Toi aussi. Lui attend que ça passe, toi que la mise en scène finisse de produire son petit effet. Garbo te l’a bien dit. Répété plusieurs fois. S’agit juste d’effrayer. Rien d’autre. Garbo connaît ta cible depuis environ un an. Il joue gros. Perd autant. Lui est fauché mais il a un oncle plein aux as. S’agit juste de le bousculer un peu pour qu’il aille réclamer du fric à Tonton.
Souvent, ce que Garbo te demande est pire.
Ici tu roules à l’aise. Aucun vrai danger. Aucune crasse possible, sauf devoir nettoyer ton siège si le mec se pisse dessus.
Ton portable sonne.
Tes mains se crispent sur le volant. T’as oublié de le mettre en mode silencieux – ce que tu fais toujours avant un boulot – à cause de Laura, ce coup de fil que t’attends en vain, bref ton portable soudain sonne et t’hésites à répondre. Tu vois le cave blanchir à vitesse grand V. Il doit croire