147
pages
Français
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2018
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Publié par
Date de parution
11 janvier 2018
Nombre de lectures
3
EAN13
9782312057101
Langue
Français
Publié par
Date de parution
11 janvier 2018
Nombre de lectures
3
EAN13
9782312057101
Langue
Français
Charrue stérile
Jean - Michel Houlbert
Charrue stérile
Le jour où l’Élysée brûla Roman
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
Du même auteur
L ’ Humaine , Les Editions du Net, 2013.
www.jeanmichelhoulbert.info
© Les Éditions du Net, 2018
ISBN : 978-2-312-05710-1
Introduction
Ce livre est le récit des événements du 2 avril 198x.
Les faits et les dialogues ont été reconstitués à partir des témoignages rassemblés lors de la série de procès devant la Haute Cour de justice et devant la Cour d’assises spéciale, procès qui ont conclu cette période de troubles.
Toutefois deux remarques s’imposent :
D’une part, de nombreux passages de ce récit ne reposent que sur un seul témoignage, celui d’Étienne Liparic {1} , consigné dans les minutes de son procès ;
D’autre part, certains épisodes sur lesquels les informations manquaient n’ont pu être rétablis dans leur contexte qu’à partir des hypothèses les plus vraisemblables.
Il nous a cependant semblé utile de rassembler ces divers éléments, connus ou supposés tels, en un récit chronologique et de les porter aujourd’hui à la connaissance du public.
Roscoff , 15 février 2008.
Chapitre 1
Effrayé , le lapin filait en zigzaguant, prisonnier des phares de la 2CV. Cramponné au volant avec un sourire goulu, Antoine Girard cherchait à l’écraser. Il fit une embardée plus violente que les autres et la roue avant gauche dérapa sur le bord herbeux du fossé. Antoine réussit à redresser et ralentit. Le lapin s’échappa à travers champs.
– Raté ! constata le garçon avec une pointe d’amertume.
– Tu tiens vraiment à manger du lapin ? s’étonna la jeune fille soulagée assise à son côté.
– Tu n’aimes pas le lapin ?
– Non ! J’en mange assez à la ferme. Je préfère le bifteck.
Coincée contre la portière droite, la jeune fille, qu’engourdissait le froid à travers la vitre, fixait son regard sur la route, sans la voir, une route bordée de champs où perçaient les brins tendres du blé d’hiver ; la terre grasse luisait légèrement dans la nuit humide d’avril. Parfois , un pré planté de quelques arbres découpait une tache sombre dans l’uniformité du paysage. Ici et là, les fermes endormies évoquaient le réconfort d’un bon lit. De rares lumières aux fenêtres.
Monique Pasquinier , contrairement à son ami qui tapotait son volant sur le rythme d’un air intérieur, était lasse et mécontente. Elle avait hâte de se réfugier dans la solitude de sa chambre, pelotonnée sous son édredon de plume. La soirée, passée dans une discothèque de Marigny -sur- Loire , au pied des remparts, aurait pu être agréable, mais Antoine s’était montré de plus en plus entreprenant et Monique n’était pas encore décidée. La 2CV se balançait, roulant à vive allure sur le revêtement creusé d’ornières.
– Tiens , qu’est-ce que c’est ? murmura Antoine qui ralentit instinctivement.
Les deux jeunes gens scrutèrent la nuit, une nuit de plus en plus laiteuse. Bientôt , au loin plusieurs lueurs orangées apparurent, et un peu plus tard se mirent à clignoter. La 2CV s’approchait rapidement ; les lueurs devinrent des gyrophares.
– Un accident, émit Antoine .
– Il y aurait des feux bleus, remarqua Monique , la police…
Le jeune homme rétrograda. Il se trouvait maintenant derrière une fourgonnette supportant un énorme écriteau où clignotaient trois ampoules orange : « Fin du convoi ». Antoine chercha à doubler, mais un motard de la Gendarmerie , caché par la fourgonnette, déboîta, ralentit et se retourna pour lui faire signe de rester où il était.
– Qu’est-ce que c’est que ça ?
Antoine avait eu le temps d’apercevoir un deuxième motard, et, plus en avant, l’arrière d’un gigantesque semi-remorque supportant ce qui ressemblait une énorme citerne. De nombreuses lampes tournantes, haut perchées, l’éclairaient à peine.
– Il y a au moins six roues côte à côte…
Ils patientèrent quelques instants, roulant au pas.
– Nous voilà bien, gémit Antoine .
– Le chemin des Planchart ne doit plus être très loin. En prenant le long du pré du Père Pillois , on devrait pouvoir les devancer, proposa Monique avec une moue méprisante en direction du convoi.
– Oh , mais tu as de l’idée, dis-moi.
Quelques centaines de mètres plus loin Antoine tourna à droite dans un chemin de terre parsemé de pierre et d’ornières remplies d’eau. Il roulait aussi vite que le lui permettait l’état du sol, projetant d’immenses gerbes de boue, et ne put éviter de racler plusieurs fois le fond de caisse sur le monticule central, délaissé par les roues des tracteurs.
De loin, les jeunes gens purent apprécier l’importance du convoi. Devant le semi-remorque, il y avait encore deux motards et une camionnette, également illuminée. La camionnette paraissait minuscule à côté du monstre aux innombrables roues.
– Qu’est-ce qu’ils peuvent transporter là-dessus ?
– Fais attention à ta route, cria presque Monique qui ne cessait de se cogner la tête contre la vitre de la portière.
Antoine se concentra sur sa conduite. Il prenait de l’avance sur le convoi exceptionnel qui s’enfonçait lentement dans les champs, caché par quelque haie ou talus.
– On va les devancer aux Deux - Fourches .
Ils rattrapèrent bientôt la départementale asphaltée et Antoine accéléra l’allure sans se préoccuper davantage du convoi. Dix minutes plus tard, ils arrivaient à la ferme.
– Non , pas là. Arrête -toi après la mare, dit Monique .
Antoine haussa les épaules, mais obéit. Ils restèrent dans l’ombre.
– Ce n’est pas la peine que mes parents entendent la voiture, expliqua Monique .
Après avoir réfléchi, le garçon s’inquiéta :
– Pourquoi ? Ils n’étaient pas contents que je t’emmène ce soir ?
– Non , ce n’est pas ça, ce n’est pas la peine de les réveiller, c’est tout…
– Tes parents ne m’aiment pas ?
– Mais si, tu sais bien que si…
– Alors pourquoi ?
– Pour rien, pour ne pas réveiller mes grands-parents, tu comprends ? De leur temps, une jeune fille ne sortait pas seule le soir…
– Oui , bien sûr, je comprends…
Ils restèrent silencieux un instant. Antoine s’agita puis risqua enfin sa demande :
– Monique , tu sais à quel point je t’aime. Sans toi… Veux -tu m’épouser ?
Monique ne s’attendait pas à une telle question. Du moins, pas si tôt. Elle rougit, chercha ses mots, bafouilla…
– C’est que… Antoine … Moi aussi je t’aime… bien. Mais … je ne sais pas, je ne suis pas encore décidée, je suis encore trop jeune, tu sais.
– Oui bien sûr, je comprends, mais tu es en âge de te marier et, moi aussi. Il serait temps d’ailleurs, ajouta-t-il avec un sourire figé. Tu ne me trouves pas assez bien pour toi ?
– Mais si bien sûr…
– Alors qu’est-ce qu’il y a ? Tes parents ne veulent pas de moi ? C’est parce que je suis trop pauvre, que je n’ai pas de terre ?
– Mais non, tu sais bien que non. Papa t’aime beaucoup, il trouve que tu ferais un très bon agriculteur, que tu as le sens de la culture… Je crois qu’il t’accepterait volontiers. Sûrement . Parce qu’il n’a pas de fils pour prendre sa suite.
– Alors ?
– Alors justement…
– Quoi justement ?
– Rien , je ne sais pas…
– Si tu sais. Et tu ne veux pas me le dire. Toi , tu ne veux pas épouser un agriculteur, tu veux aller à la ville, comme ta sœur, c’est ça ?
– Mais non…
– Tu sais, quand je serai ingénieur agronome, nous pourrions habiter la ville, si tu le désires.
– Écoute Antoine , il est tard, je suis fatiguée, il faut que je rentre. On reparlera de ça une autre fois.
– Quand ? Demain ?
– Non pas demain.
– Alors quand ?
– Bientôt .
Monique ouvrit la portière. Antoine , désespérément, cherchait à la retenir.
– Tu n’as pas passé une bonne soirée ?
– Si , très bonne. Elle eut un sourire las et reprit : Bon , je rentre. Au revoir Antoine . Elle referma doucement la portière et contourna la voiture. Antoine souleva sa vitre.
– Il fait noir, veux-tu que je t’accompagne ?
– Chut ! Non , d’ailleurs il y a un lampadaire, souffla-t-elle, montrant le poteau et constatant : Tiens , il ne marche pas. Ça ne fait rien, je connais le chemin, au revoir.
– Au revoir, murmura Antoine un pincement au cœur.
Il suivit des yeux la jeune fille. Monique franchit la barrière, pénétra dans la cour, contourna la maison et disparut aux yeux du garçon qui attendit un moment afi