229
pages
Français
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2018
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Publié par
Date de parution
13 décembre 2018
Nombre de lectures
148
EAN13
9782370116369
Langue
Français
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Date de parution
13 décembre 2018
Nombre de lectures
148
EAN13
9782370116369
Langue
Français
Que Dieu me pardonne
Chroniques célestes – Livre IV
Marie-Sophie Kesteman
© Éditions Hélène Jacob, 2018. Collection Fantastique . Tous droits réservés.
ISBN : 978-2-37011-636-9
Nous sommes des anges déchus qui nous acharnons à remonter vers notre céleste origine.
Christian Charrière
1 – Notre meilleure option
Allongé par terre depuis une éternité, les yeux clos, Gabriel semblait mort. Eleanor, les poings plantés sur les hanches, échangea un regard avec Oonel.
— Quand tu accepteras de revenir à la vie, on cherchera une solution, d’accord ? finit-elle par lâcher.
L’archange ouvrit les paupières et contempla un moment le plafond du poste de commandement. Les bourrasques soulevaient la toile graissée de l’édifice de fortune et le faisaient vibrer tout entier.
— J’avais besoin de réfléchir.
Le général se redressa sur son séant et jeta un regard fatigué aux deux jeunes gens qui se tenaient face à lui. Il faisait déjà nuit lorsque Eleanor et Oonel avaient rejoint l’armée. Les nouvelles qu’ils apportaient des Enfers étaient mauvaises et, avant même de penser à dormir, les deux amis avaient éveillé le prince. À présent, l’aube pointait à l’horizon.
— La question que je vais vous poser n’a aucun intérêt, prévint Gabriel en se frottant nonchalamment les yeux, mais j’ai besoin que vous y répondiez… Vous êtes certains de ce que vous avancez ? Réfléchissez bien.
Il se mit debout et s’épousseta. Les épais tapis, qui isolaient tant bien que mal la tente du sol, commençaient à s’imbiber de boue et produisaient d’ignobles bruits de succion à chacun des pas de l’archange.
Oonel baissa le regard, comme s’il se tenait pour responsable des derniers événements. Il acquiesça d’un air sombre. Le prince soupira et leva le visage vers le ciel nocturne qu’il ne pouvait pas voir, les mains sur la taille. Il ferma les yeux.
— C’est à se demander où notre malheur s’arrêtera. (Il marqua une pause) S’il s’arrête.
Au-dehors, le campement était silencieux, mais, compte tenu de la gravité des nouvelles qu’elle apportait, Eleanor avait insonorisé la tente avant d’adresser le moindre mot à son tuteur, ne serait-ce que de banales salutations.
Gabriel croisa les mains dans le creux de ses reins et commença à faire les cent pas. L’Ombre le suivait du regard, irritée par les bruits visqueux qu’émettaient les tapis. Lorsqu’elle interpella à nouveau l’archange, son ton était plus tranchant qu’elle ne l’aurait voulu. Il ne releva pas l’agressivité de sa protégée, trop absorbé par ses pensées.
— Bon, Gabriel, on fait quoi ?
L’intéressé s’immobilisa le temps d’un battement de cœur, avant de reprendre ses allers-retours fébriles, comme s’il n’avait pas entendu la question.
— Qu’est-ce qu’on fait ? répéta-t-il, sans même la regarder. Je n’en sais fichtrement rien. On ne dit rien à personne en tout cas. Si jamais la rumeur… Non, non, non (il semblait au bord de la crise d’hystérie), ça ne doit surtout pas s’ébruiter ! Toute cette histoire doit rester entre nous.
Quelqu’un passa près du poste de commandement et les trois compagnons se turent, attendant que l’importun s’éloigne. Dès que le silence revint, le prince se tourna vers le sylve et Eleanor. Sous ses yeux commençaient à apparaître des poches teintées de violet. Les archanges aussi ont leurs limites. Même Dieu.
— Après votre départ, la nouvelle de la désertion et de la mort de Métatron s’est répandue comme une traînée de poudre dans les rangs, expliqua Gabriel. L’humeur des troupes est maussade. (Il leur adressa un regard empli de reproches) Votre défection n’a pas aidé… Les légionnaires commencent à se méfier de moi et du conseil. Ils se mettent à douter de notre capacité à gérer cette guerre. (Il grogna de mécontentement) nous devons absolument garder la trahison d’Abrahel secrète, surtout à l’aube de notre entrée en Plaines sauvages.
Ils restèrent un moment silencieux.
— D’ailleurs, reprit-il d’un ton las, comme s’il savait que ce qu’il allait dire n’avait pas la moindre importance, votre « mission » aux Enfers…
Eleanor sourit d’un air serein, mais, à l’intérieur, elle frissonnait. Sa main se serra par réflexe sur la bandoulière de sa sacoche.
— Un vrai fiasco, comme tout le reste. Je voulais (elle hésita) profiter de l’éloignement de l’armée infernale pour essayer d’atteindre Lucifer, mais… il y a encore trop de guerriers qui gardent la grande crypte.
L’archange ne semblait pas avoir écouté un seul mot de son mensonge. Il avait l’esprit ailleurs. Il leva le regard vers eux sans redresser complètement la tête. Ces yeux-là ne présagent rien de bon, se dit Eleanor.
— Oonel et toi, reprit son tuteur d’une voix adoucie, presque caressante, vous aviez une excellente relation avec lui, n’est-ce pas ? Avec Abrahel, je veux dire… Vous vous entendiez bien.
La jeune fille grimaça, sentant venir le pire plan qui soit à cinq cents coudées.
Le maître d’harmonie répondit par l’affirmative.
— Il vous serait possible d’entrer en contact avec lui ?
— On n’a aucune idée d’où il se trouve à présent, répliqua Eleanor d’un ton catégorique.
Il me suffirait d’envoyer un murmurant, mais je refuse d’encourager cette folie… L’archange frotta un instant la barbe naissante qui recouvrait le haut de ses joues. Alentour, les bruits de la nuit s’apaisaient peu à peu. Les hiboux et les chouettes paraissaient accablés de fatigue.
— Faites votre possible pour le retrouver : essayez de lui faire entendre raison et ramenez-le dans nos rangs.
La jeune fille darda sur son tuteur un regard scandalisé. Son sang bouillonnait.
— Tu veux vraiment d’un traître comme lui dans ton armée ? Utilisons un démon pour vaincre l’autre démon ? (La colère lui donnait envie de rire) C’est ça, ta solution ?
Gabriel se laissa tomber sur sa couche de paille et appuya lourdement les bras sur ses cuisses. Chaque jour, il semblait à Eleanor qu’il vieillissait de dix ans. Il leva sur elle un regard qu’elle eut beaucoup de mal à soutenir tant ses yeux débordaient de crainte. Au travers du lien d’âme qui les unissait, la princesse la ressentait aussi vive que si elle avait été la sienne. Pourtant, elle n’avait pas peur. Pas cette fois.
— Ça l’est, tant que tu ne me proposes pas de meilleur plan, dit-il en faisant un geste vague de la main, comme s’il attendait d’elle une idée de génie qui réglerait d’un coup tous leurs problèmes.
Il soutint son regard. Eleanor pensa au vieux glaive émoussé qu’elle tenait caché dans sa sacoche et ses épaules s’affaissèrent. Elle n’avait pas d’autre option à présenter. Aucune susceptible de les aider, tout du moins.
— On fera au mieux, mais je crains que cette bataille ne soit perdue d’avance. Il ne reviendra pas.
Un sourire dépourvu de joie étira les lèvres de l’archange qui fixait le sol sans vraiment le voir.
— Perdue d’avance, répéta-t-il pour lui-même. Comme cette guerre.
Eleanor posa brièvement la main sur la tête de son tuteur avant de prendre congé.
— Et pourtant, on est toujours là à se battre.
— Prince ! appela quelqu’un depuis l’extérieur.
D’un geste, Eleanor leva l’insonorisation. Sur les ordres de Gabriel, un légionnaire entra, une Ombre sur les talons.
— Les éclaireurs, Prince.
L’archange fronça les sourcils alors que l’Andoïe s’inclinait.
— Pourquoi es-tu revenue seule ? demanda-t-il. Où est ton camarade ?
La trentenaire secoua la tête, l’air sombre.
— Severin a été fait prisonnier à Merrats, déplora-t-elle. Je n’ai aucune idée du sort que les démons lui ont réservé. Je ne dois ma survie qu’à une chance insolente.
Le visage de l’archange se durcit. À nouveau, il n’écoutait plus.
— Les Enfers contrôlent donc bien la cité… (Il redressa la tête) Si Severin est encore en vie, nous le sauverons.
L’Ombre, qui appartenait à la troisième génération, demanda la permission de prendre congé pour se reposer. Lorsqu’elle quitta la tente, Eleanor se tourna vers