310
pages
Français
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2018
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Ebook
2018
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Publié par
Date de parution
16 novembre 2018
Nombre de lectures
0
EAN13
9782342164169
Langue
Français
« Lorsqu'il s'agit de pêche à la ligne, je suis parfois capable d'illuminations. Après avoir copieusement maudit le fabricant de Junin, me vient l'idée de vider entièrement la bobine récalcitrante. Et de dérouler en ligne droite, le long de la rive, la centaine de mètres de nylon, plus les trente mètres de soie. Miracle ! La bobine vidée sort du carter à la première pression sur le cliquet. » Au fil des rivières, Yves Mahieu nous entraîne dans ses expéditions, nous fait retenir notre souffle et trépigner au rythme du moulinet, dès que la ligne frémit... Après trois opus, l'auteur n'a rien perdu de sa verve pour partager ses aventures halieutiques teintées d'humour, de suspense et d'émotions. Un ouvrage parsemé de péripéties aux quatre coins du monde, captivantes et instructives. Anecdotes, souvenirs, rencontres authentiques, sorties familiales et belles amitiés jalonnent ce fascinant récit au travers duquel on découvre la cohésion qui anime les passionnés, profondément liés et complices. D'ailleurs, ce quatrième tome comporte une note particulièrement émouvante et nostalgique, car Yves Mahieu l'a dédié à son meilleur ami disparu, lui aussi un grand amoureux de la pêche.
Publié par
Date de parution
16 novembre 2018
Nombre de lectures
0
EAN13
9782342164169
Langue
Français
Histoire vraie d'un pêcheur à la ligne - Tome IV
Yves Mahieu
Société des écrivains
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Histoire vraie d'un pêcheur à la ligne - Tome IV
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
À Claude, mon vieux pote, toi qui fus mon meilleur ami.
Chaque fois que je me rends sur des lieux où nous avons pêché ensemble, et ils sont nombreux à travers le monde, je pense à toi.
Ensemble, en tandem, nous avons surtout pêché au lancer ou à la mouche : brochet, truite et saumon. Des méthodes de pêche très individuelles. Lorsque je les pratique, j’ai tendance à considérer tout voisin comme un concurrent, voire… un emmerdeur.
Mais pas toi. Toi, tu me manques. Toujours autant, depuis 2003, depuis que tu es parti au pays d’où l’on ne revient pas.
Alaska (États-Unis d’Amérique)
Août 2001
Quatre fous sur un radeau
C’est chose connue, les pêcheurs aiment parler de leurs exploits, voire les enjoliver, voire carrément affabuler à leur propos. Un curieux phénomène d’inflation s’applique à la dimension des prises chaque fois que leur récit en est conté. En toute modestie, je me sens comme une exception à la règle. Pas vraiment de mérite, car la taille et le poids de mes poissons demeurent figés dans le temps, ainsi que le récit de leur capture. En effet, tout ça est consigné bleu sur blanc dans les rapports que je rédige après chaque partie de pêche.
Cependant, je le confesse, j’avais abondamment parlé, dans mon entourage, de l’expédition vécue en juillet 1996 en Alaska 1 : descente en rafting de la rivière Talachulitna et capture de quelques gros saumons king (dont celui qui constitue encore mon record personnel, aujourd’hui en 2016, lorsque j’écris ces lignes). Et mes compagnons d’aventure, Claude R et Philippe P, en avaient fait autant. Nul d’entre nous n’avait toutefois minimisé l’inconfort et les risques inhérents à l’expérience : l’isolement en forêt, dans une nature encore vierge et sauvage ; les eaux blanches, les rapides et les cascades ; les moustiques et, surtout, les ours, qui s’étaient parfois dangereusement approchés de notre campement. Il fallait voir, quand même, à ne pas réduire notre mérite ! Et par ailleurs, en dépit de ces inconvénients, nous avions décidé de remettre le couvert en cet été 2001. Même rivière, même formule, mais le poisson recherché ne serait plus le king mais le silver , un saumon plus petit mais très combatif et… excellent dans l’assiette. Parmi les cinq espèces de saumons du Pacifique, c’est le silver qui se rapproche le plus du cousin atlantique. Il monte tardivement dans les rivières : en août/septembre, alors que le géant, le king, monte de début juin à mi-juillet.
De ceux qui avaient patiemment écouté nos récits, seul Jean-Pierre R souhaita se joindre à nous. Lors de notre dernier séjour commun en Patagonie, il avait déjà lorgné avec envie du côté des radeaux pneumatiques qui entamaient la descente du río Caleufú, à l’endroit même que nous avions choisi pour une partie de pêche en piétons, depuis la berge. Jean-Pierre constituait une recrue de choix. Sportif accompli, il avait auparavant pratiqué avec talent le canoë-kayak, autre discipline de rivières éventuellement tumultueuses.
Jean-Pierre n’avait pas d’enfants, au contraire des trois "anciens" qui souhaitaient associer à l’expédition leurs rejetons motivés pour la pêche. Philippe en avait deux, Christophe et Yves. Pour une question de résultats scolaires, seul le second en serait. De mon côté j’aurais adoré emmener Marc, qui avait le même âge et les mêmes motivations qu’Yves P, mais les mêmes résultats scolaires que Christophe. Il resterait donc à la maison pour préparer la seconde session d’examens, celle de septembre. Quant à Claude, il ne put décider son fils Rudy à nous accompagner comme en 1996.
Les cinq aventuriers se rencontrèrent une première fois au printemps à Anseremme, fief de Jean-Pierre. Ce fut l’occasion de répondre aux interrogations des deux nouveaux. Notre hôte d’un jour, décidément providentiel, nous montra dans sa cave quatre grands tonneaux en matière plastique, munis d’un couvercle hermétique, qui seraient destinés à contenir les provisions, la batterie de cuisine, un jeu de vêtements pour chacun…
— Vous comprenez, si jamais le raft se retourne… il faut survivre en attendant d’être dépannés !
Je m’abstins de répondre que même le dépannage n’était pas garanti. Pas de village, pas de cabine téléphonique en forêt. En cas de pépin, il faudrait compter sur la bonne volonté d’autres pêcheurs en raft , éventuellement mieux équipés que nous en moyens de télécommunication.
Comme d’habitude je me chargeai des contacts préparatoires. Mauvaise surprise : Jack B, mon habituel fournisseur de services à partir d’Anchorage, ne s’occupait plus que du transport par hydravion. Dans sa réponse à ma requête, il me recommandait une autre adresse pour me procurer un radeau pneumatique et ses accessoires (filets, pagaies, gilets de sauvetages, sangles, cordages, pompe, nécessaire de réparation) ainsi que de quoi cuisiner (réchaud à alcool, combustible, poêle et casserole). Sollicitée à son tour, cette compagnie me proposa l’équipement à un prix tellement prohibitif que je ne pris pas la peine de répondre. Il fallait poursuivre les recherches. Une semaine seulement avant le départ, Philippe dénicha sur la toile (bien avant Google) une petite société familiale, non loin d’Anchorage, qui pouvait nous fournir le matériel à un prix raisonnable. En outre la personne de contact, l’épouse du patron, était française, ce qui facilitait la communication. Elle adopta un ton presque "maternaliste" pour nous mettre en garde contre les dangers de la rivière : un client y avait péri d’hypothermie quelques semaines auparavant, après être tombé du raft sans gilet de sauvetage. Brrr…
Le 5 août nous étions à pied d’œuvre, c’est-à-dire devant les bureaux d’Alaska Air Taxi, la petite entreprise de Jack. Nous chargions notre fourbi dans les deux hydravions qui devaient nous emmener sur le lac Judd, à la naissance de la Talachulitna. Le trajet de cette année, par rapport à 1996, serait allongé aux deux bouts. Nous partirions de la source (c’est-à-dire le lac) et nous prolongerions l’expérience bien au-delà du confluent avec la Skwentna, quatre heures environ, jusqu’à un petit aérodrome où l’on viendrait nous récupérer avec deux avions à roues. Beaucoup de nature à découvrir donc et, comme en 1996, pas de carte, pas de boussole, pas d’armes… juste de l’enthousiasme.
Malheureusement un membre de l’équipe manquait à l’appel. Claude avait dû renoncer, la mort dans l’âme. Le cancer avait commencé à lui ronger le foie, et les médecins avaient décliné toute responsabilité s’il s’embarquait dans pareille aventure. Sa voix chevrotait au téléphone lorsqu’il me fit part de son désistement. Il savait qu’il ne partirait plus jamais pêcher la truite et le saumon aux confins du monde, qu’il devrait désormais se contenter de ses souvenirs de voyage avec moi : en Argentine, au Chili, et… en Alaska.
La défection de mon meilleur ami et, surtout, les perspectives auxquelles il devait désormais faire face, m’attristèrent profondément. L’année avait déjà mal commencé pour moi avec un accident de ski de Mireille dans les Alpes italiennes. Elle s’était gravement abîmé le genou, et ne pourrait plus jamais skier (moi non plus, par conséquent : skier seul, c’est sans grand intérêt). Par ailleurs le harcèlement moral dont j’étais victime au bureau se poursuivait de plus belle. 2001 resterait gravé dans la mémoire familiale comme une année noire. En survolant les marécages, les forêts et les montagnes qui séparent Anchorage du lac Judd, je me demandais d’ailleurs avec anxiété si je pourrais résister, sans mes médicaments, à la dépression nerveuse qui me guettait depuis plusieurs mois. Mon médecin traitant m’avait en effet conseillé de suspendre mon traitement par anxiolytiques. Un séjour aussi dépaysant en pleine nature, l’occasion de pratiquer intensément mon hobby, avec des compagnons qui m’étaient chers… Son conseil me donnait quand même à penser que les médicaments qu’il m’avait prescrits n’étaient pas dénués de sérieux effets secondaires.
Les deux hydravions se posèrent sur le lac et repartirent sitôt déchargés. L’aventure commençait. Nous gonflâmes le raft . Cette fois il n’y en avait qu’un seul, rectangulaire avec les angles arrondis, pour quatre mecs et leur fourbi : vêtements, tentes, matériel de pêche, batterie de cuisine et provisions. Lorsque j’y posai un premier tonneau, Jean-Pierre m’arrêta net.
— Il faut tendre un filet sous le chargement, pour protéger le fond quand il raclera contre les cailloux. Vous avez vu qu’ils nous ont livré deux filets ? Il faut en tendre un sous les bagages et l’autre par-dessus.
200 kg de matériel au centre, un homme de 80 à 100 kg à chaque angle, nous commençâmes à pagayer en direction du déversoir, en fait la source de la Tal. Pagayer dur, car un raft n’a vraiment rien d’hydrodynamique. Il est conçu pour descendre les courants, non pour naviguer dans une eau inerte et profonde. L’entrée dans la rivière nous ménageait quelques surprises. Déjà nous nous réjouissions de ne plus devoir ramer comme des galériens. Déjà nous apercevions les saumons. Des troupes de pinkies 2 qui s’écartaient à notre passage, l