Les craques de mon plafond : Carnets d'une trekkeuse bipolaire , livre ebook

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2021

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À l’aube de ses 43 ans, déterminée à retrouver l’intensité qui manque à sa vie, G. entreprend un voyage au Népal et l’ascension du tour des Annapurnas. Un rêve. Ce long périple et les angoisses qu’il génère seront les déclencheurs d’un retour sur sa vie, marquée par la bipolarité diagnostiquée tardivement.
Le récit fait alterner le journal de voyage et les carnets d’une jeune femme tourmentée, ceux-ci éclairant celui-là.
Elle atteint son but, le sommet du trek, consciente du chemin qu’elle a fait et des deuils qu’elle doit accepter.
« Je marche pour chaque jour perdu en dépression ; je marche pour me réconcilier avec mon histoire ; je marche pour la beauté du monde que mes yeux n’arrivaient pas à percevoir ; je marche pour tous ceux qui souffrent de cette maladie sournoise ; je marche avec derrière les années perdues à jamais, mais devant, des décennies de possibilités. Je marche et je marcherai sans relâche. »
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Date de parution

31 août 2021

Nombre de lectures

0

EAN13

9782897755201

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Geneviève Perron
 
 
 
 
 
LES CRAQUES DE MON PLAFOND
 
 
Carnets d’une trekkeuse bipolaire
 
 
Récit
 
Conception de la page couverture   : © Les Éditions de l’Apothéose
Montage   photographique   : Dominique Lafond
Photographie   : Geneviève Perron
Photo de l’auteure   : Claude Fradette
 
 
Sauf à des fins de citation, toute reproduction, par quelque procédé que ce soit, est interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur ou de l’éditeur .
 
Distributeur   : Distribulivre    www.distribulivre.com    Tél.   : 1-450-887-2182 Télécopieur   : 1-450-915-2224
 
© Les Éditions de l’Apothéose Lanoraie ( Québec) J 0K 1E0 Canada apotheose@bell.net www.leseditionsdelapotheose.com
 
Dépôt légal — Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2021 Dépôt légal — Bibliothèque et Archives Canada, 2021
 
ISBN papier   : 978-2-89775-520-1
ISBN epub   : 978-2-89775-427-3
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
À mes parents
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
La précise mémoire des fous ramène les faits comme des coquillages.
 
— Anne Hébert
 
 
 

 




 
Walden
 
 
Avril 2016, la lumière claire du matin me réveille. Étendue devant le poêle à bois éteint depuis quelques heures, je paresse sous le duvet chaud. Il fait froid, le ciel est bleu limpide, les oiseaux   piaillent timidement, peu convaincus de l’arrivée du printemps. Mon chat s’applique à chasser les mouches qui se ravivent.
Je me lève, défais mon lit de fortune, enfile combine, chemise à carreaux et bottes d’eau, je sors au vent frais, j’observe le paysage   : de doux vallons sur lesquels se dessinent des terres agricoles et de majestueuses érablières, qui, à ce temps de l’année, forment un genre de ouate d’un mauve tendre. Il y a la neige par plaques qui dégage une humidité froide, le foin qui croustille sous mes pieds. Le lac n’est pas encore calé.
Je rentre dans ma cabane, allume le feu et prépare le café. Il reste juste assez d’eau dans la gourde. La voiture est garée au chemin, 600   m plus haut. J’y ai laissé le gros bidon, et deux ou trois fois par jour, je fais des allers-retours avec mes contenants pour faire le plein. Arrivée de Montréal hier, j’ai vidé ma bagnole. Trois voyages avec des sacs à dos remplis à craquer de nourriture, de vêtements et babioles, livres, ordinateur, chandelles, batterie pour le panneau solaire (car ici le luxe c’est d’avoir deux lumières au DEL). D’une main, le chaton dans sa cage et de l’autre, la litière. En simples bottines, j’ai porté mes sacs de plomb dans la neige granuleuse qui cédait sous mes pas. Trop bête pour avoir pensé à me munir de mes bottes d’hiver et de mes raquettes. À Montréal, le thermomètre indiquait 15   degrés, et aucune trace de neige depuis deux   semaines. Ce qu’on peut avoir la mémoire courte, c’est la même chose tous les ans . Alors j’ai forcé, glissé, juré, pour finalement terminer avec un grand sourire de satisfaction. Ahhh… Que c’est beau   ! Salut ma vallée   ! Je suis de retourrr   !
Ici, c’est la vraie nature. Toute présence humaine se trouve à plus d’un kilomètre de mon camp. Je peux crier et me dévêtir. La paix totale. Un jardin d’éden. Le bonheur absolu. Je suis en année sans solde et je me la coule douce.
Il faut d’abord tout installer   : frigo, propane, panneau solaire. Rentrer du bois, partir le poêle, aller au ruisseau, casser la glace pour récolter un peu d’eau à chauffer sur le foyer pour le bain du soir et la vaisselle. Je me lave à la débarbouillette. Bout par bout. L’été, je procède de la même façon, mais avec de l’eau glacée et dehors en pleine prairie. Complètement nue, pour me laver les cheveux, je m’enfonce la tête dans le creux d’un chaudron que j’ai rempli d’eau de la pompe. Joli spectacle. Mon amoureux adore. Tout comme il apprécie mes pipis matinaux. Flambant nue, en bottes d’eau, accroupie dans le champ, j’ai du style. Ça, c’est la vie formidable. Certains me diront que j’aime la misère. C’est tout le contraire. C’est la quiétude totale, la vie à l’état pur, la symbiose avec la nature. Exactement le genre de trouble qui m’anime, qui me donne l’impression d’exister.
Seule avec ma jeune minette dans ma cabane, j’écris au son des mouches, du vent qui siffle à travers les fenêtres, du poêle à bois qui craque sous la chaleur qu’il dégage, du chant des oiseaux et du croassement des corneilles, du bruit étrange et sourd des perdrix qui s’envolent dans la forêt, du va-et-vient et du ronron de mon chaton.
J’écris, dans le silence et la solitude de la nature.
Je suis Walden ou la vie dans les bois .
 
 
Sangsue  
 
 
43   ans. Bien enlisée dans la crise de la quarantaine. Pas d’enfants, presque tous mes rêves au rancart. Constat de ne pas m’être réalisée, impression de m’être fait voler une partie de ma vie. Sentiment que quelque chose va mourir en moi si je ne fais rien.
Je n’ai pas été la plus choyée en termes de santé mentale. La dépression en toile de fond, j’ai traversé toutes les étapes de ma vie. Et ce qui est fascinant, c’est que j’y suis parvenue sans que bien des gens qui m’entourent aient conscience de cette faille. J’ai toujours eu de nombreux amis, une vie sociale et amoureuse active. J’ai excellé dans les sports. Jeune, j’ai été athlète dans un club élite d’athlétisme, je m’entraînais de quinze à vingt   heures par semaine. J’ai réussi mes études avec de très bons résultats et pratiqué comme psychologue clinicienne. Longtemps, je me suis sentie imposteur .
Lorsque je me tourne vers le passé, une tristesse m’envahit. Toutes ces réalisations ont été atteintes en partie dans la souffrance, me privant du plaisir de l’accomplissement. Heureusement, entre mes naufrages il y avait de courts et de longs répits. Je me sentais presque normale, bien, allumée, quoiqu’en permanence habitée d’une mélancolie et d’une énergie en dents de scie. Sporadiquement surgissaient des moments où j’étais remplie d’un grand sentiment de liberté, d’une force intérieure vertigineuse, d’une joie de vivre pure et enfantine allant jusqu’à l’euphorie. Je croyais chaque fois m’en être sortie pour de bon, libérée à jamais de cette maladie mangeuse de vie. Hélas… Cette sangsue s’est obstinément accrochée. Elle m’a saignée. Mille fois.
À 36   ans, à la suite d’un épisode franc d’hypomanie, j’ai été diagnostiquée bipolaire de type   II. Ce verdict, que j’ai eu besoin de faire corroborer par trois psychiatres, m’a frappée de plein fouet. Ni moi ni personne ne l’avait envisagé. J’ai été des années en psychothérapie, je suis entourée de connaissances et d’amies psychologues, et ma mère était elle-même psychologue. Un vice bien caché.
Suite au diagnostic et à la médication, ma vie a basculé graduellement vers plus de stabilité. Aucun naufrage depuis six   ans. J’ai trouvé un semblant d’équilibre mental, un mode de vie relativement sain, rebâti mon estime et ma confiance. Or après plusieurs années, je fais le constat qu’il me manque quelque chose . Libérée de la dépression, mais privée de l’exaltation, une flamme s’est éteinte. Comme si l’essence de celle que je suis n’est plus, l’accès à mon énergie vitale m’étant inaccessible. L’hypomanie c’était mon ressort, mon moteur et ma raison d’être. Bien qu’éphémère, au moins de temps en temps j’y goûtais. Cette intensité me manque.
Avec la sagesse de la quarantaine, les conseils de ma psychiatre, les supplications de mon amoureux, je n’ai pas cessé ma médication. Plutôt, j’ai pris la décision de plonger en année sans solde et de réaliser certains rêves, pour ne pas me laisser sombrer dans la quiétude d’une vie bien rangée et trop tranquille.
Une vie qui n’est pas faite pour moi.
 
 
PARTIR
 
 
 
Les rêves
 
 
Il y a exactement un an, je faisais le deuil de la maternité. Fini de me poser la question, fini de regretter mes choix et de maudire mes dépressions, fini d’envier les mères et futures mères. Je n’aurai pas d’enfant. Point final. Cette décision m’a libérée d’un fardeau qui me torturait depuis dix ans. Mais ça ne réglait pas le problème de trouver un sens à ma vie, d’apprivoiser le fait de vieillir, d’y voir des avantages, de répondre à mon grand besoin de changement et de sortir de ma routine et du cours de ma vie trop tranquille. Ça ne répondait pas au besoin criant de faire renaître ma vitalité, de faire jaillir la fougue qui m’animait lorsque j’étais en hypomanie et de savourer la liberté ultime qu’elle me procurait. Qu’est-ce que je regretterais si j’apprenais que j’étais condamnée à mourir incessamment   ? Je me suis tournée vers mes rêves.
Des rêves, j’en ai à souhait, je peux piger dans le lot. À 17   ans, je voulais marcher en solitaire le long de l’Appalachian Trail. Toute ma vie, ce rêve m’a hantée. Lors de mes désolations profondes, je me suis parfois accrochée à l’espoir de le réaliser un jour. Ce désir s’est légèrement modifié avec les années. Aujourd’hui, je préférerais de hauts sommets, quitte à randonner moins longtemps. J’ai besoin de voir loin, très loin.
Il y avait aussi le rêve de parcourir le monde en solitaire. Je ne l’ai concrétisé qu’une seule fois, c’était en 1995, à 22   ans. Pendant huit semaines en Europe, avec mon sac à dos, j’ai foulé le sol de la France, du Portugal, de l’Espagne, de la Belgique et de la Hollande. Un périple formidable qui m’a donné la piqûre du voyage et la certitude que l’aventure était nécessaire à mon bonheur. Or, à mon retour, une terrible dépression m’attendait. Agressive, elle s’est installée pour plusieurs mois. Elle m’a dévorée vivante, et a, au passage, brisé l’élan et la candeur de ma vingtaine. Un retour-choc, marquant. Clouée, je n’ai plus été capable de repartir. Les épisodes dépressifs qui se sont succédé, tout au long de ma vingtaine et de ma trentaine, m’ont volé la capacité d’explorer la planète, la peur m’empêchant de quitter le quai. Elles m’ont, du même coup, tenue à l’écart de la maternité. Parce que

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