France : état d’urgence : Une stratégie pour demain , livre ebook

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La France s’est considérablement affaiblie depuis une quinzaine d’années. La progression du chômage semble hors de contrôle. Le rapport Gallois a contribué à une prise de conscience des racines des problèmes que connaît notre pays. Centré sur les difficultés de l’industrie manufacturière, il n’a pourtant pas fait un diagnostic complet de nos maux. Et les mesures prises par le gouvernement à la suite de ce rapport sont insuffisantes. Le déficit extérieur ne se réduit pas. Christian Saint-Étienne démonte le mécanisme infernal, à l’œuvre depuis longtemps, qui explique la profondeur de la crise que nous traversons. Il indique surtout les voies pour vraiment reconstruire notre appareil de production et repenser notre système institutionnel afin de stimuler une vraie création de richesses en France et d’impulser une sortie de crise en Europe. C’est à cette condition que nous pourrons à la fois croître à nouveau, créer des emplois durables, réduire notre endettement et sauvegarder notre modèle social. Il nous reste peu de temps si nous voulons que la France se rétablisse et réaffirme son modèle, qui peut être à nouveau exemplaire. Christian Saint-Étienne, après avoir enseigné vingt ans à l’université Paris-Dauphine, est professeur titulaire de la chaire d’économie industrielle au Conservatoire national des arts et métiers depuis 2009. Il a reçu de nombreux prix universitaires et académiques, notamment le prix Grammaticakis-Neumann de l’Académie des sciences morales et politiques pour L’Incohérence française (2012). Il a publié récemment Le Joker européen. 
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Date de parution

03 janvier 2013

Nombre de lectures

4

EAN13

9782738177896

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

©  O DILE J ACOB, JANVIER 2013
15, RUE S OUFFLOT, 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN  : 978-2-7381-7789-6
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Introduction

L’histoire de France, depuis plus de trente ans, est celle d’une longue chute collective, à peine amortie par la valeur de nos belles individualités : chercheurs, entrepreneurs, artisans et soldats qui combinent excellence individuelle et « amour du travail bien fait » pour que quelques feux brillent encore en cette pointe ouest de l’Eurasie.
La France, vaincue et humiliée de 1940, était redevenue en 1980 la quatrième puissance industrielle et exportatrice du monde. Les Trente Glorieuses, nées du diagnostic partagé de nos faiblesses et de la volonté commune de rebondir exprimée par la plateforme du Conseil national de la Résistance de 1944, avaient refait de la France une nation majeure. C’est la France qui a voulu l’union de l’Europe depuis le discours de Robert Schuman du 9 mai 1950 qui proposa un projet de marché commun du charbon et de l’acier (CECA) pour mettre fin aux guerres qui avaient ensanglanté l’Europe depuis trois siècles en communautarisant les instruments de la guerre à cette époque. Cette proposition avait été précédée par la puissante vision exprimée par Charles de Gaulle en mars 1950 : « Si on ne se contraignait pas à voir les choses froidement, on serait presque ébloui par la perspective de ce que pourraient donner ensemble la valeur allemande et la valeur française, celle-ci prolongée par l’Afrique. En somme, ce serait reprendre sur des bases modernes économiques, sociales, stratégiques, culturelles, l’entreprise de Charlemagne. » Le traité de la CECA fut signé à Paris le 18 avril 1951.
L’échec de la Communauté européenne de défense (CED), suite au rejet du traité par le Parlement français en août 1954, provoqua une déception temporaire. Les élections législatives de janvier 1956 amenèrent Guy Mollet à la présidence du Conseil et Christian Pineau au ministère des Affaires étrangères. Ces deux Européens convaincus se fixèrent pour priorité de politique étrangère la relance de la construction européenne. Les Six (France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg) s’entendaient à Venise, en mai 1956, pour lancer les négociations des traités du Marché commun et de l’Euratom qui furent signés à Rome le 25 mars 1957.
Grâce à la refondation politique et économique de la V e  République, la France bénéficia du marché commun par la consolidation de ses finances publiques et de son économie. En 1980, la dette publique nette (dette brute moins les créances publiques) de la France était nulle, la France étant le seul pays du G7 dans ce cas, et nos entreprises s’affirmaient sur tous les marchés européens et mondiaux.
Un double basculement intervint en 1981, l’un visible et l’autre moins. C’est le second qui fut essentiel.
Le premier basculement conduisit le nouveau pouvoir à négliger l’importance de l’équilibre des finances publiques. Depuis 1981, tous les gouvernements qui ont suivi ont partagé cette négligence, même si des efforts temporaires furent parfois faits pour limiter les dérives. La dette publique nette dépasse aujourd’hui 70 % du PIB tandis que la dette brute dépasse 90 % du PIB. Après trois décennies de lâcheté intellectuelle et politique, conduisant à laisser continuellement filer la dépense publique qui est aujourd’hui supérieure de plus de 9 points de PIB à la moyenne de la zone euro alors qu’elle lui était encore inférieure en 1991, le nouveau pouvoir élu au printemps 2012 affirme vouloir rétablir l’équilibre des finances publiques d’ici à 2017, après une première étape qui verrait le déficit public tomber à 3 % du PIB en 2013. Le gouvernement joue sa crédibilité sur cette promesse, d’autant plus qu’il ne semble pas en mesure de réduire la dépense et mise tout sur les hausses d’impôts, ce qui est catastrophique pour la compétitivité de l’économie. Mais ce n’est pas le pire.
Le second basculement intervenu au début des années 1980, jamais avoué, a conduit au renoncement à la recherche de l’excellence créatrice et de la compétitivité économique comme principe d’action publique. Le bien-être ne devait plus venir de l’effort dans la compétition ouverte avec les meilleurs (marque du régime sous De Gaulle, Pompidou et Giscard), mais d’une médiocrité consentie qui faisait du « tout se vaut » intellectuel et artistique, du partage du travail et du primat du court terme, les grands ordonnateurs de la politique suivie de 1981 à 2007. De ce point de vue, Mitterrand et Chirac ont été une seule tête à deux faces. Pendant plus d’un quart de siècle, la France a été dirigée par deux tacticiens hors pair, capables de tuer tous les adversaires qui pouvaient poindre dans leurs camps respectifs, tout en satisfaisant toutes les demandes de confort d’un peuple qui n’était plus appelé à de grandes ambitions. Avec Jack Lang, le tag valait Titien. Avec Mitterrand, la retraite était fixée à 60 ans, ce qui envoyait dans le fossé des centaines de milliers d’hommes et de femmes capables de créer et de produire, cassant les équilibres de long terme de la Sécurité sociale et affaiblissant le monde productif. Il s’agissait alors de donner le travail des vieux aux jeunes, au mépris de l’expérience acquise par les vieux et en ignorant que, partout dans le monde, le taux d’emploi des jeunes est élevé dans les seuls pays où le taux d’emploi des seniors est resté élevé ! Sous Chirac, le court terme fut roi, le septennat devint quinquennat, le principe de précaution finissant de gélifier une république devenue court-termiste et peureuse. Sous Mitterrand et Chirac, on a voulu partager le travail dans la précaution plutôt que de créer des richesses par l’innovation, et on n’a partagé que la médiocrité.
C’est dans ce contexte que fut élu Nicolas Sarkozy. Sarkozy est une phénoménale boule d’énergie qui n’a jamais su faire partager son intuition qu’il fallait rompre avec cette médiocrité consentie . Il n’a jamais pu dire pourquoi il fallait « travailler plus pour gagner plus », n’explicitant jamais de vision de l’avenir « inclusive », c’est-à-dire donnant à chacun le sentiment qu’il appartenait à un futur commun. Il s’est trop souvent comporté en chef de clan, ce qui lui interdisait de prendre suffisamment de hauteur pour appeler au rebond. Son énergie a permis à la France et à l’Europe de dominer le pire de la crise de 2008-2009, mais il ne sut pas expliquer pourquoi il fallait rompre avec le passé et quel nouveau monde il fallait construire. Il voulait rompre avec la médiocrité ambiante sans expliciter la nature de ce poison mortel. Il a perdu pour avoir forcé une France peureuse sur le chemin d’un effort déséquilibré et sans expliquer ce qu’il y avait au bout du chemin. Sa défaite en mai 2012 fut une défaite du discours politique et de l’absence de vision partagée alors que sa pratique politique remettait la France sur les rails (la part des exportations françaises dans les exportations de la zone euro, qui chutait de 3,2 % par an de 1999 à 2007, ne baissait plus que de 0,2 % par an de 2007 à 2011 avant de se stabiliser au premier semestre 2012). Le peuple, sonné par la violence des attaques des médias contre sa personne et le rappel incessant de ses erreurs, ne l’a pourtant congédié que de peu.
Dans l’immédiat, tout porte à penser que son quinquennat fut une parenthèse. L’adoration de François Hollande pour Mitterrand et Chirac n’est pas le fruit du hasard. Le nouveau président se reconnaît pleinement dans la médiocrité consentie de ses deux prédécesseurs, Sarkozy disparaissant de la ligne de succession dans le discours « hollandais ». On revient immédiatement à la retraite à 60 ans. On annule dans une urgence fébrile la mesure de TVA sociale visant à redonner de la compétitivité à notre économie. On évoque un remplacement de la TVA sociale par la CSG sociale pour brouiller les pistes avant d’y renoncer dès la fin de la session parlementaire de juillet 2012. On en reparle à nouveau en octobre pour effacer le mauvais effet produit en septembre par la loi de finances pour 2013. Le discours du Président et du gouvernement sur la compétitivité en novembre 2012, suite au rapport Gallois, vise essentiellement à gagner du temps. Dans les faits, on efface la baisse des charges sociales et impôts sur les heures supplémentaires afin de remettre au goût du jour le partage du travail. On taxe massivement le patrimoine en sorte de punir l’accumulation de capital productif à long terme, les « riches » montrés du doigt étant souvent des entrepreneurs 1 . Le redressement, censé être accompli en deux ans 2 , commence par un matraquage fiscal de tout ce qui bouge, crée, invente et produit.
Le nouveau quinquennat a déjà semé les graines de son échec en voulant réduire le déficit par une hausse punitive des impôts plutôt que par la baisse d’une dépense incontrôlée, tandis que les entrepreneurs sont émasculés du peu d’ambition qui leur reste par un climat haineux envers les créateurs de richesses 3 .
Le goût apparent de François Hollande pour la médiocrité consentie mise en place par ses deux illustres prédécesseurs, Sarkozy ayant été rayé de l’histoire officielle, peut paraître étrange. L’homme est lui-même apparemment brillant et sympathique. Fait-il alors le constat, avec un cynisme égal à celui de Mitter

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