384
pages
Français
Ebooks
2016
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
384
pages
Français
Ebooks
2016
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Publié par
Date de parution
18 mai 2016
Nombre de lectures
4
EAN13
9782738160577
Langue
Français
Publié par
Date de parution
18 mai 2016
Nombre de lectures
4
EAN13
9782738160577
Langue
Français
DU MÊME AUTEUR CHEZ ODILE JACOB
La Nouvelle Révolution commerciale, 2011.
L’Avenir de la grande distribution, 2001.
© O DILE J ACOB , MAI 2016 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6057-7
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
À Gabrielle, Victoria et Clara, ainsi qu’à toute la jeunesse qui aura la lourde tâche de corriger la trajectoire.
Avant-propos
La graine qui devait germer jusqu’à donner naissance à ce livre a été semée en fin d’après-midi du mercredi 7 janvier 2015, le jour de l’attentat contre Charlie Hebdo . Une réunion du Cercle de l’ObSoCo, un réseau de chercheurs qui travaillent sur la consommation et ses mutations, était programmée de longue date. Le Cercle de l’ObSoCo qui s’est constitué en marge de l’Observatoire société et consommation (ObSoCo), société d’étude et de conseil spécialisée sur la consommation et le commerce, est formé d’une douzaine d’universitaires de disciplines différentes (marketing, économie, anthropologie, géographie…). Nous nous réunissons environ une fois par mois pour échanger et nous enrichir mutuellement de nos recherches respectives. Une réunion était donc programmée ce fameux 7 janvier. Comme la France entière, nous avons été bouleversés par ce qui s’était passé. La demi-douzaine d’entre nous qui avaient trouvé le courage de venir (d’autres avaient choisi de participer au rassemblement place de la République) n’avait pas vraiment le cœur à mener la réunion selon son cours ordinaire. Encore sous le coup de l’émotion, nous avons engagé une discussion passionnante sur cet événement dramatique et, plus encore, sur le malaise sociétal dont il témoignait. Ce que nous vivions là (et nous ne savions évidemment pas ce qui devait nous attendre le vendredi…) nous semblait exprimer, dans une certaine mesure évidemment, les conséquences d’une société si fortement centrée sur la consommation et les valeurs matérialistes qu’elle en avait perdu la capacité à donner du sens, à tracer des perspectives, à réunir autour de valeurs fondamentales.
Cet échange m’a donné envie d’écrire très rapidement un texte court, du format d’un article. Le passage à l’acte a été plus difficile. Avant tout parce qu’il faut se méfier de l’emprise des émotions. Ce genre d’écrit doit se faire à froid. Ensuite, parce que je ne voulais pas me contenter de délivrer des opinions ; je souhaitais autant que possible que mon propos s’appuie sur des données, des recherches académiques, les analyses d’autres observateurs. Ce type d’ambition réclame plus de temps pour effectuer des lectures complémentaires, ainsi qu’un texte plus long pour essayer d’être un minimum démonstratif. Enfin, j’ai également été retenu dans mon élan par la difficulté dans laquelle je me trouvais de dépasser le constat pessimiste afin d’être en mesure d’ouvrir des perspectives porteuses d’espoir. Je ne suis pas sûr d’y être totalement parvenu. La tonalité générale de l’ouvrage reste pessimiste. Je le revendique. Il me semble – et je ne suis pas seul à le penser – que l’état de la société française et plus généralement de la civilisation occidentale est très préoccupant. Le caractère dramatique des attentats du 13 novembre 2015 (j’étais alors en pleine rédaction du dernier chapitre) m’a bien sûr conforté dans le sentiment que, au-delà même de l’horreur de l’événement, il est le révélateur de quelque chose de plus grave encore. Nous vivons une grave crise de la modernité, ce qui signifie que les piliers sur lesquels s’est édifiée la civilisation occidentale se fissurent les uns après les autres risquant d’emporter l’édifice. J’ai choisi d’aborder ce sujet sous l’angle de la consommation. C’est certainement parce que la consommation est devenue mon premier sujet d’étude et de recherche, mais c’est aussi parce que les valeurs consuméristes sont au cœur de la culture occidentale et qu’elles ont tant étendu leur influence qu’elles ont fait le vide autour d’elles.
Si j’ai acquis la conviction que la société est malade de sa consommation, deux mises au point s’imposent. Je ne condamne pas la consommation en soi, en nom de je ne sais quelle morale qui prônerait les vertus de l’ascèse ou de la sobriété. Je crois pouvoir dire que je suis moi-même un hyperconsommateur. Si la consommation ne suffit pas à assurer le bonheur, elle y contribue et on lui doit de vivre aujourd’hui longtemps, sans trop souffrir, dans le confort, disposant d’une large palette de moyens de nous divertir, de nous cultiver, d’entrer en relation les uns avec les autres… De même, le malaise sociétal et plus encore ses formes les plus radicales, telles que la propagation du fondamentalisme religieux, le réveil des nationalismes, la crise du « vivre-ensemble » et bien sûr le terrorisme de l’intérieur, ont des racines complexes, plurielles, qu’on ne peut évidemment pas réduire au poids des préoccupations consuméristes dans la société. Pour autant, je vais tenter de montrer les limites d’un modèle de société dans lequel la consommation occupe une telle place qu’elle contribue à la perte de sens et au délitement du lien social, sans oublier bien sûr son impact environnemental.
Si les propos qui suivent n’engagent que moi, ils doivent beaucoup à nos échanges au sein du Cercle, mais aussi aux multiples études que toute l’équipe de l’ObSoCo a conduites sous la direction de Nathalie Damery.
Introduction
Après les attentats de janvier et de novembre 2015, une question lancinante se pose. Comment avons-nous pu en arriver là ? Comment concevoir qu’une fraction – aussi infime soit-elle – de notre jeunesse se radicalise au point de souhaiter partir faire le djihad ou de commettre ou être disposée à commettre des attentats sur le sol de la patrie où elle a grandi ? Que d’autres, sensiblement plus nombreux, aient refusé de respecter la minute de silence en hommage aux victimes ou n’aient pas jugé bon de se joindre aux rassemblements du 11 janvier ? Que l’on dénombre en France quelque 11 000 individus qualifiés d’« islamistes radicaux *1 » (chiffre à rapprocher des 4 millions de musulmans de France) ? La question peut s’étendre aux raisons qui poussent les membres de minorités à revendiquer et à afficher leurs différences comme un refus d’intégration, ou d’autres (parfois les mêmes) à renouer avec une pratique religieuse qui s’insinue dans la formation de leur identité jusqu’à la régulation des moindres gestes de la vie quotidienne, à rebours des acquis de plus d’un siècle de modernité, notamment sur le plan de l’égalité entre les sexes… Et ce pendant que certains, nostalgiques d’un paradis perdu, plaident pour la réaffirmation d’une identité nationale le plus souvent comprise comme un repli identitaire nationaliste s’accompagnant du refus de l’autre et portant le Front national au rang de premier parti politique de France… Malheureusement pour la cohésion sociale nationale, chaque tendance encourage en réaction la tendance antagoniste.
Les réflexions qui se sont engagées, l’émotion passée, ont été riches et fécondes. On a redécouvert à cette occasion des facteurs explicatifs bien connus mais que l’on avait eu tendance à recouvrir du voile pudique du politiquement correct ou, tout simplement, que nous avions fini par accepter tant en venir à bout paraissait une tâche impossible : la crise de l’école, l’intensification de la ségrégation spatiale, l’influence des réseaux sociaux qui favorise la diffusion des sous- ou des contre-cultures avec, bien sûr, en toile de fond, la persistance du chômage qui frappe en particulier les catégories déjà les plus fragiles et les plonge dans l’abîme de la précarité et de la pauvreté, ou dans la crainte du déclassement.
Comment nier l’évidence ? Tout cela est parfaitement juste. Mais est-ce suffisant pour rendre compte d’un malaise qui frappe, à des degrés divers et avec des modalités spécifiques, l’ensemble des pays occidentaux, pourtant inégalement touchés par le chômage et qui présentent des modèles d’organisation urbaine, des systèmes scolaires, des modalités de traitement de l’immigration différents ? Et si le problème était plus grave encore, de nature plus systémique ? Mon hypothèse est qu’il plonge ses racines plus profondément, au cœur même de la modernité, dans les fondements des sociétés occidentales. Nous vivons une crise de la modernité qui se manifeste par un sentiment de déliaison et de vacuité favorisant l’instauration d’un climat de pessimisme et d’inquiétude sur l’avenir et appelant parfois un désir de transcendance. Les racines de cette crise de la modernité sont plurielles et leur analyse exhaustive est hors du propos de ce livre. Je m’attacherai ici essentiellement au rôle joué par l’économie et, plus précisément, à la place occupée par la consommation à la fois à l’échelle des existences individuelles et comme élément structurant de l’organisation sociale.
Les sociétés modernes se sont érigées sur trois piliers formant système : l’individualisation, le rationalisme et la foi dans le progrès, et l’« économisation » de la société, c’est-à-dire l’emprise croissante de l’économie et des valeurs qui lui sont associées (les vertus de la concurrence, l’importance donnée à la croissance économique, la valorisation de la réussite financière…). Cette alchimie a été capable du meilleur comme du pire. S’il est souvent de bon ton aujourd’hui de dé