Les terrains du siècle - Laurent Nkunda et la rébellion du Kivu Au coeur de la guerre congolaise , livre ebook

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Date de parution

01 janvier 2008

Nombre de lectures

0

EAN13

9782811100872

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

3 Mo

Les terrains dusiècle
Laurent Nkunda et la rébellion du Kivu Au cœur de la guerre congolaise
Stewart Andrew Scott
LAURENT NKUNDA ET LA RÉBELLION DU KIVU Au cœur de la guerre congolaise
KARTHALA sur internet : http://www.karthala.com
© Éditions KARTHALA, 2008 ISBN : 978-2-8111-0087-2
Stewart Andrew Scott
Laurent Nkunda et la rébellion du Kivu
Au cœur de la guerre congolaise
Deuxièmeédition
Éditions KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 PARIS
Introduction
La situation conflictuelle à l’est de la République démocratique du Congo (RDC) et d’une manière générale dans la zone géographique des Grands Lacs africains regroupant le sud de l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi, demeure très confuse pour la plupart des observateurs non aguerris. Il est fréquent d’avoir entendu parler du génocide rwandais et éventuellement des deux guerres qui ont ensuite ravagé la RDC, mais peu de gens peuvent expliquer pourquoi, en 2008, le conflit demeure alors qu’un accord de paix a été signé en décembre 2002. Les médias en attribuent le plus souvent la responsabilité à Laurent Nkunda, un général dissident de l’armée congolaise qui a pris le maquis en 2004, condamnant ainsi l’avancée du processus de paix et de démocratisation en RDC. Ils le dépeignent comme un rebelle se posant en défenseur de son ethnie tutsi qu’il dit menacée à la fois par les Congolais de l’est de la RDC, mais également par les anciens auteurs du génocide rwandais réfu-giés dans les forêts de la province congolaise du Kivu. Pourtant, la situation est plus complexe, mêlant des problèmes d’un lointain passé de la zone à des oppositions plus actuelles. Le combat mené par Laurent Nkunda révèle à quel point les antagonismes locaux ont été ignorés lors du processus de paix, au profit du partage du pouvoir entre belligérants et de la mise en place d’un processus électoral. Il montre également la faiblesse du gouvernement Kabila démocratiquement élu, qui voit son autorité de plus en plus remise en cause, ce qui pour-rait conduire prochainement à une troisième guerre congolaise.
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LAURENT NKUNDA ET LA RÉBELLION DU KIVU
À travers ce livre, nous allons tenter d’expliquer ce contexte conflictuel en nous replongeant dans le passé pour mieux en identifier les causes, avant d’analyser une situation qui, en 2008, est en pleine mutation. Pour ce faire, il nous est apparu nécessaire de suivre le parcours de Laurent Nkunda, puisque c’est lui qui est actuellement au cœur du conflit. L’approche biographique choisie nous permet un plongeon dans l’histoire de la zone des Grands Lacs africains qui se jouait tandis que Laurent Nkunda n’était encore qu’un enfant. Au fur et à mesure que ce dernier grandit, nous observons les situations de crise qui affectent les populations jusqu’à leurs combinaisons débouchant sur le génocide rwandais et les deux guerres congolaises. Laurent Nkunda est happé par la guerre, d’abord suiveur sans culture politique avant de se forger progressivement sa vision du futur de la RDC. Il devient ainsi le président de son mouve-ment rebelle, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), principal belligérant de l’actuel conflit congolais. L’exercice biographique permet ainsi d’appréhender à travers le parcours de vie d’un homme la complexité des conflits qui ont ravagé l’est du Congo depuis le début des années 1990 et qui nous conduisent aujourd’hui à une situation de guerre qui semble inextricable. Nous comprendrons alors pourquoi Laurent Nkunda est entré en guerre, ce qui nous permettra d’affiner ou de ne pas retenir certaines hypothèses émises ces dernières années sur les motivations de l’engagement dans la violence des mouvements rebelles. Le CNDP est-il animé par la 1 seule motivation d’accumulation des richesses de l’État ? Cette nouvelle guerre poursuivie par ce groupe armé est-elle justifiée par une politique identitaire et les combattants sont-ils activés 2 grâce aux seules mobilisations ethniques ? D’une manière plus générale, quels sont les déterminants de l’engagement indivi-duel de Laurent Nkunda dans la violence ? La biographie de Laurent Nkunda nous éclaire également sur son parcours récent au travers du CNDP et permet de dépasser
1. Voir Collier P. & Hoeffler A., « Greed and grievance in civil war », Oxford University Press, paper 56, 2004. 2. Voir Kaldor M.,New and Old Wars. Organized Violence in a Global Era,Londres, Polity Press, 1999.
INTRODUCTION
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les stéréotypes et lesa prioridont est affublé son mouvement. En nous concentrant sur la vie interne du CNDP, nous observe-rons les séquences cruciales d’interaction au sein du mouve-ment rebelle de Laurent Nkunda qui poussent celui-ci à remo-deler continuellement son action pour tenir compte des attentes de la population. D’une part, le mouvement diversifie l’origine identitaire de ses membres pour attirer à lui un plus grand nombre de Congolais alors qu’il est encore perçu, avec retard, comme un groupe mono-ethnique. D’autre part, ses ambitions se développent pour aujourd’hui aspirer à la prise du pouvoir national alors que la plupart des observateurs le voient encore comme un mouvement à vocation régionale. Pour mener à bien cette biographie, il a donc fallu aussi bien puiser dans la littérature documentant l’histoire des pays des Grands Lacs africains et obtenir des documents de l’époque coloniale encore présents dans certaines administrations congo-laises que collecter de nombreuses informations au contact des belligérants. Les jeunes archives du CNDP m’ont été partielle-ment ouvertes, ce qui m’a permis d’y puiser de nombreux docu-ments exclusifs dont certains sont joints en annexe de ce livre. 3 Parallèlement, des notes de l’administration coloniale et de l’administration du régime de Mobutu m’ont aidé à affiner mes recherches concernant la transformation territoriale des cheffe-ries et les mouvements migratoires au Kivu, principales sources des conflits actuels. Un sondage à l’aide de questions ouvertes réalisé auprès de 237 résidants de Goma (capitale de la province du Nord-Kivu) m’a également permis de mesurer la profondeur des antagonismes suscités par les guerres successives au sein de la population. Si une littérature importante sur les mouvements rebelles et sur les conflits des Grands Lacs africains est disponible, en revanche, celle sur le CNDP, le sujet de cette étude, est inexis-tante. Il nous a donc fallu, pour mener à bien ce travail, puiser les informations directement à la source. L’étude a alors néces-sité un travail de terrain au sein même du mouvement politico-militaire du CNDP. Laurent Nkunda a été directement approché
3. Documents sur les migrations au Kivu et ceux fixant l’organisation administrative de la chefferie hunde par l’administration coloniale.
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LAURENT NKUNDA ET LA RÉBELLION DU KIVU
et un accord a été trouvé afin d’obtenir la permission d’enquêter sur son mouvement rebelle en réalisant des entretiens indivi-duels avec ses combattants et en accédant à la documentation interne du CNDP. Les seules contreparties consenties ont été d’une part l’engagement pris par l’auteur de publier ce travail sous forme de livre et d’autre part le respect de la confidentia-lité des interlocuteurs rencontrés. La technique d’entretien avec les acteurs du conflit, croisée avec les témoignages des victimes et des populations résidantes sur les zones de front, a contribué à fournir une grande part des informations exploitées dans ce livre. Les entrevues avec Laurent Nkunda, ses proches, mais égale-ment ses ennemis, ont été multipliées afin de croiser les informa-tions recueillies. Ainsi, de nombreux membres de la première heure du CNDP ont pu être interrogés tout comme une partie de la famille de Laurent Nkunda, des hommes politiques, des combattants de groupes armés encore actifs, des trafiquants de minerais ou des chefs coutumiers. Ont ainsi été enregistrés 35 entretiens avec 31 interlocuteurs différents. Nombre d’entre eux ne savaient pas que j’avais rencontré auparavant plusieurs fois Laurent Nkunda, de même que le chef du CNDP était rare-ment au courant des personnes que j’allais interroger. Par exemple, si ce dernier savait que j’allais rencontrer sa mère et 4 « Monsieur Net » , en revanche il n’était pas informé de ma rencontre avec sa petite sœur et avec la plupart des membres de son mouvement. J’ai, à chaque fois, tenté d’user de l’effet de surprise afin d’éviter la concertation préalable entre les protago-nistes avant que je les interroge. J’ai poussé cette démarche jusqu’à recommencer un entretien d’une demi-heure avec Laurent Nkunda, un mois après sa première réalisation, en prétextant une panne technique de mon appareil enregistreur, afin de vérifier si les réponses à mes questions seraient les mêmes qu’auparavant. Lors de mes nombreuses rencontres avec mes interlocuteurs, j’ai volontairement alterné les entretiens formels enregistrés et les conversations informelles sans liste de questions préparées,
4. Monsieur Net est un pseudonyme attribué au chargé de la communica-tion du CNDP.
INTRODUCTION9 essayant d’éviter autant que faire se peut les biais inhérents à la mise en scène du face à face. Les rencontres se sont faites, la plupart du temps, dans l’environnement de mes interlocuteurs, dans leur maquis, au milieu de collines ou de la forêt, ou dans leur planque lorsqu’ils étaient par exemple en fuite. Le travail d’enquête et de recherche d’informations a été compliqué par la clandestinité dans laquelle je devais évoluer. Il m’a fallu, au quotidien, contourner les obstacles des conflits sporadiques et des embuscades, gagner la confiance de mes interlocuteurs, faire preuve de patience, braver quelques règles de sécurité que je m’étais fixées et m’adapter à un réseau de communication très aléatoire dans les zones de combat. En revanche, les personnes non recherchées par le gouverne-ment ont été vues chez elles ou sur leur lieu de travail. Un nombre moins important d’entretiens a été réalisé dans des lieux anonymes comme des hôtels ou des restaurants. Les entrevues dans le lieu de vie de mes interlocuteurs ont volontairement été privilégiées afin que ces derniers soient le plus naturels possible. Concernant les entretiens réalisés par téléphone, à l’exception de deux personnes, j’ai préalablement rencontré mes interlocuteurs dans leur environnement avant de leur poser mes questions à distance. Les résultats de ces entretiens ont été croisés avec les nombreuses conversations que j’ai régulièrement eues avec les belligérants lors de mes précédentes missions humanitaires en RDC. Car, avant d’être un chercheur en science politique, je suis un acteur humanitaire qui travaille dans les régions expo-sées à la guerre. Mes nombreux séjours en RDC, de 2001 à 2008, qui m’ont permis de passer presque deux ans dans ce pays, dont dix-sept mois dans les zones de conflits, m’ont amené à récolter une multitude d’informations. À ce titre, les témoignages directement recueillis auprès des villageois vivant près des lignes de front m’ont été d’un grand secours. À force de vivre au contact des populations en danger, une proximité s’est créée avec elles, ce qui m’a permis de développer des réseaux informels de collecte d’informations. J’ai pu ainsi nuancer les jugements de la situation faits par les observateurs résidant dans les villes de Goma ou de Bukavu, qui s’appuient sur des informations parfois déformées par ceux qui les véhicu-
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