Marcel Proust à 20 ans , livre ebook

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Mais comment diable a fait le jeune Marcel Proust pour s’introduire dès ses vingt ans dans les salons les plus mondains de Paris ? Il part pourtant avec de sérieux handicaps pour mener une vie mondaine. Son père est le fils d’un épicier de village. Sa mère appartient à une famille juive. A une époque et dans un milieu qui entretiennent le culte de la naissance, et à quelques années à peine de l’affaire Dreyfus, il s’agit là de deux péchés originels qui semblent irréparables. Et puis Marcel est victime d’une santé fragile. Comment ne pas passer pour un fâcheux quand on porte en permanence même en été une écharpe et un épais manteau ? Mais il y a pire : un goût si prononcé pour les garçons qu’il ne cherche pas dans sa jeunesse à le cacher et qu’il en parle souvent avec ses parents. L’heure n’est pas encore à l’acception amusée de l’homosexualité. On croit que le jeune Proust manque de volonté, qu’il se laisse vivre. Erreur. Il en fallait au contraire beaucoup pour vaincre ses handicaps, et plus encore pour s’opposer à son père qui veut lui imposer un travail. Pour lui échapper, la technique de Marcel est le repli stratégique : le premier d’entre eux est son engagement inattendu dans l’armée. Une manière de gagner une année, une décision difficile à prendre pour cet asthmatique qui n’a jamais quitté sa mère plus d’une semaine ; il sera avant-dernier au classement de son régiment. A son retour, il se lance à corps perdu dans les études : les Folies Bergères, l’Alcazar, l’Odéon… Il est nommé bibliothécaire dans une bibliothèque où il ne mets jamais les pieds : il a gagné, ses parents le laissent tranquille, il peut enfin se consacrer uniquement à sa vocation littéraire. Des salons à l’écriture On a parfois l’impression que Marcel Proust a passé une jeunesse dorée de dilettante et que soudainement, une fois la trentaine passée, il fut comme touché par la grâce littéraire qu’il lui permit d’écrire son chef d’œuvre : La Recherche du Temps perdu. Ce portrait de Marcel Proust à 20 ans permet de mesurer au contraire la continuité qui existe entre le jeune Marcel fasciné par les salons et le Proust de la maturité qui les dissèque avec ironie. Les femmes et les hommes du monde qu’il a rencontrés durant sa jeunesse Belle Epoque étaient déjà des personnalités, il en fera ses personnages.
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Date de parution

23 janvier 2014

Nombre de lectures

314

EAN13

9782846263276

Langue

Français

Pour qu’ils deviennent des classiques, il fallait d’abord qu’ils soient des originaux.Ou comment Marcel est devenu Proust.
 
À 20 ans, Marcel part pour l’armée alors qu’il n’a jamais quitté sa mère. De retour àParis, il se lance à la conquête des salons huppés sur lesquels règnent des personnalités.Il en fera un jour des personnages. Il ne veut vivre que pour la littérature. Il faudrad’abord qu’il échappe à la carrière que veut lui imposer son père.
 
 
Né en 1959, Jean-Pascal Mahieu est avocat.
 
Collection « à 20 ans » : l’aventure de leur jeunesse.
Dirigée par Louis-Paul Astraud
Jean-Pascal Mahieu

Marcel Proustà 20 ans

Le temps de la recherche
Table des matières
Début du texte
Postface
Chronologie
Bibliographie
De Marcel Proust
Sur Marcel Proust
Biographies
Études et essais
Correspondance
Témoignages et souvenirs
Autres
 
 

Il y a des jours montueux et malaisés
qu’on met un temps infini à gravir
et des jours en pente qui se laissent descendre
à fond de train en chantant.
 
Marcel Proust, Du côté de chez Swann
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
« Cheveux, châtains ; sourcils, châtain foncé ; yeux,châtains ; front, bas ; nez, moyen ; bouche, moyenne ;menton, rond ; visage, ovale ; taille, 1 mètre 68. » Ceportrait d’une précision d’artilleur est dressé par unmédecin militaire en novembre 1889. C’est celui deValentin Louis Georges Eugène Marcel Proust, né le10 juillet 1871 à Auteuil, soldat de deuxième classeau 76 e régiment d’infanterie d’Orléans. Il s’est portévolontaire pour un an mais son allure n’en laisse rienparaître et, lorsqu’on lui demandera un jour quel faitd’armes il admire le plus, il répondra malicieusement : « Mon volontariat ! »
Au garde-à-vous parmi les autres, Marcel passe àpeu près inaperçu. Les choses se gâtent dès qu’ilbouge. Il manque d’adresse et de vigueur. Lorsqu’iltire au fusil, il craint tellement le choc du recul sur l’omoplate qu’il en oublie sa cible. Grâce aux relations de son père, il échappe aux exercices les plusdifficiles. Adieu la natation, les parades matinales etle saut à cheval sur les fossés ! Ce service militaireà la carte lui convient mieux mais ses résultats s’enressentent. L’expérience s’achèvera sur une mentionen forme d’épitaphe portée dans son dossier : « Nesait pas nager. » Il terminera soixante-troisième auclassement de sortie. Sur soixante-quatre.
 
Contrairement à son frère Robert, le sportif de lafamille, Marcel est fragile. L’asthme lui prend toutson souffle. À neuf ans, il a failli s’asphyxier devantses parents après une promenade au bois de Boulogne.Depuis, la maladie ne le quitte plus et lui fait croirechaque fois que c’est la fin. La prochaine crise pourraitêtre fatale.
On dit que l’asthme frappe surtout les gens aisés.C’est vrai, les Proust ont de l’argent. En réalité,on ne sait pas grand-chose sur cette maladie. Auprintemps, les médecins déconseillent à Marcel lejardin de l’oncle Louis à Auteuil ; les pollens en fontun véritable enfer. Et les vacances à la campagne chezles grands-parents Proust sont déjà un souvenird’enfance. Si sa santé se dégrade, on lui prescrira unlavement au mercure. Marcel n’en est pas là, dumoins pas encore mais, angoissé, émotif et d’humeurfacilement changeante, il souffre aussi de nervosisme, une autre maladie bizarre qui divise les spécialistes :les uns sont pour les bains d’eau froide, les autrespour les bains d’eau chaude. Le père de Marcela beau être un médecin hygiéniste réputé, quelsconseils pourrait-il bien donner à son fils, lui quiécrit dans son Traité d’hygiène publique et privée  :« Si on habite la campagne en grand seigneur, enjoignant à la pureté de l’air, aux exercices virils, àl’absence de fatigue intellectuelle, tous les avantagesd’un grand confort, d’une maison bien construite etd’une nourriture excellente, il est incontestable quela vie rustique est très favorable à la santé. » Certes.Le Dr Proust protège l’Europe des épidémies maisne peut rien contre l’asthme de son fils.
Pour être franc, il trouve que Marcel se complaîtdans la maladie et que sa vie désordonnée n’arrangerien. Des repas réguliers, des marches au grand air,voilà ce qu’il lui faut plutôt que de rester enfermé àlire. Il pensera moins à sa santé quand il travaillera.Qu’il jette ses médicaments aux orties ! Les cheveuxgrisonnants d’Adrien Proust, taillés en épi et ramenés en arrière, laissent son front bien dégagé. Labarbe fournie, à moitié blanchie, le regard clair, ilpourrait être légionnaire. Cet ami de l’ordre et desinstitutions a pourtant gagné en rondeur auprès deshommes politiques. La réussite professionnelle et leshonneurs lui ont même apporté une sorte de plénitude. Mais il est surtout fier de son bon sens dont il ferait volontiers la devise de la famille si seulementelle avait un blason. Fier à en dédaigner ceux qu’unesensibilité immodérée empêche de voir les chosestelles qu’elles sont.
Il saurait sûrement quoi faire, lui, s’il était asthmatique. La maladie ne ferait pas long feu. Marceln’a ni sa volonté, ni ses certitudes. Alors il s’accrocheà ses précieux cachets et à sa poudre Legras quidégage une fumée apaisante en se consumant, autantde remèdes qui soulagent sans soigner. Quand iln’en pourra plus, il dormira le jour et travaillera lanuit dans une chambre tapissée de liège, à l’abri desduretés du monde. En attendant, son asthme faitdes victimes collatérales. Sa respiration réveille sescamarades de chambrée. Le gêneur est somméd’aller suffoquer ailleurs.
 
Son supérieur a décidé pour lui mais Marcel auraitpu réclamer une chambre en ville. L’armée donneplus que l’ordinaire aux jeunes gens de bonnesfamilles. Un soldat est parfois affecté à leur servicepersonnel, la hiérarchie se montre compréhensive.C’est ainsi qu’au mois de février Marcel est autoriséà dîner chez le préfet du Loiret qui l’a invité surrecommandation de son père. Il y rencontre Robertde Billy, volontaire lui aussi, qu’il saoule de métaphysique et d’éloges sur un dénommé Darlu, sonancien professeur de philosophie. Selon Robert, « Sa démarche et sa parole ne se conformaient pas à l’idéalmilitaire. Il avait de grands yeux interrogateurs et sesphrases étaient aimables et souples. »
Une complicité s’installe entre ces privilégiés etleurs officiers, comme en témoigne la photographie dédicacée que lui offre un élégant lieutenant,membre du Jockey-Club, du Cercle de la rue Royaleet de la Société hippique. Après tout, ces soldatséduqués sortiront du rang. Un jour, ils seront officiers eux aussi. Sauf peut-être Marcel, décidémentréfractaire à l’idéal militaire, qui pose en train de fairedes entrechats, ou un bréviaire à la main avec sacapote en guise de robe de bure.

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