Auschwitz, le 16 mars 1945 , livre ebook

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Dans le camp récemment libéré par les troupes soviétiques, les rescapés réapprennent à vivre. Pour Alex Mayer, il n'y a qu'une priorité : écrire. D'abord pour lui-même, pour tenter de comprendre, pour ne pas oublier, mais aussi pour ceux qui ne sont plus, qui ne pourront pas témoigner. Ne possédant pas de papier, c'est sur des formulaires du camp d'extermination qu'il commence à écrire son journal. Rassemblant ses forces physiques et psychiques, il raconte la bravoure et la cruauté, la folie, les petits gestes qui sauvent et ceux qui condamnent. Il consigne les faits, reconstitue la chronologie de ce voyage en enfer, de son arrestation par la Gestapo à Vichy jusqu'à la fin (toute relative) du cauchemar. Son témoignage n'a jamais été publié jusqu'à ce jour.
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Date de parution

01 janvier 2020

Nombre de lectures

0

EAN13

9782304048124

Langue

Français

Alex Mayer
auschwitz le 16 mars 1945
Collection pour la Mémoire de la Shoah
Le Manuscrit



ISBN : 9782304048124
© 2019 Le Manuscrit
Alex Mayer




La Collection « Témoignages de la Shoah de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah
En lançant sa collection « Témoignages de la Shoah » avec les éditions Le Manuscrit, et grâce aux nouvelles technologies de communication, la Fondation souhaite garder et transmettre vers un large public la mémoire des victimes et des témoins des années noires des persécutions antisémites, de 1933 à 1945.
Aux nombreux ouvrages déjà parus, la Fondation espère ainsi ajouter les récits de celles et ceux dont les voix sont restées jusqu’ici sans écho : souvenirs souvent enfouis au plus profond des mémoires individuelles ou familiales, récits parfois écrits mais jamais diffusés, témoignages publiés au sortir de l’enfer des camps, mais disparus depuis trop longtemps des rayons des bibliothèques.
Si quelqu’un seul ne peut décrire l’indicible, la multiplicité des récits peut s’en approcher.
En tout cas, c’est l’objectif que s’assigne cette collection à laquelle la Fondation, grâce à son comité de lecture composé d’historiens et de témoins, apporte sa caution morale et historique.
Face à une actualité où l’instrumentalisation des conflits divers tend à obscurcir, confondre et banaliser ce que fut la Shoah, cette collection permettra aux lecteurs, chercheurs et étudiants de mesurer la spécificité d’une persécution extrême dont les uns furent acteurs, les autres complices, et face à laquelle certains restèrent indifférents et les autres héroïques.
Puissent ces ouvrages inspirer à leurs lecteurs, à l’image des Justes du Chambon-sur-Lignon, le rejet de l’anti- sémitisme et de toute autre forme d’exclusion, et l’esprit de fraternité.
Simone VEIL,
Présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah


À mon père
Tu as écrit ce journal à Auschwitz même, en mars 1945, soit deux mois à peine après la libération du camp par l’armée soviétique. Âgé de trente-cinq ans alors, tu ne pesais que trente-deux kilos et ton état de santé était tellement désespéré que les nazis, dans leur fuite, ne s’étaient pas encombrés de ces morts vivants qui, comme toi, hantaient l’infirmerie du camp.
C’est paradoxalement la gravité de ton état qui t’a – si l’on peut dire – sauvé la vie.
Ne disposant pas de cahier et encore moins de papier à lettres, tu as commencé à écrire sur des formulaires à en-tête du camp de concentration. Ces mêmes imprimés qui avaient été conçus pour standardiser et rationaliser le processus d’aliénation et de destruction du peuple juif, allaient devenir pour toi le premier réceptacle de la mémoire.
De ta belle écriture si particulière, tu y as consigné la chronologie de l’enfer, les images et les visages, tes pensées et tes états d’âme, avec le souci de ne rien oublier d’essentiel, de ne rien trahir.
Sur le bateau qui te ramenait enfin vers la France, vers ta famille, vers la liberté, tu as mis un point final à ton projet. C’était en mai 1945.
Ce journal, tu ne le destinais alors qu’à toi-même. Tu voulais, avec le recul, tenter de comprendre. Mais, le temps passant, tu es sans doute parvenu à la conclusion que ce que tu avais vécu était au-delà de toute compréhension et que la seule attitude possible était de témoigner.
Mais, témoigner n’est pas chose facile. Il faut rouvrir ses blessures, se mettre à nu tout en risquant de s’exposer à l’incompréhension, au doute. Alors, comme tant d’autres déportés, tu as préféré te taire. À ceux qui, intrigués par le numéro tatoué sur ton avant-bras, posaient des questions, tu confiais une liasse de feuilles pelure de couleur bleue : ton journal.
Je n’ai pas bénéficié d’un traitement de faveur. Pendant toute mon adolescence et le début de ma vie d’homme, je n’ai jamais pu évoquer avec toi cette période de ta vie. Mais, comme de nombreux enfants de déportés, je portais en moi une part de ton vécu et de ton destin. En parler n’était donc pas nécessaire. Dans certaines situations, les mots pouvaient même faire obstacle à la communication.
Je n’ai d’ailleurs pas pu lire ton journal dans son intégralité avant ton décès en 1980.
Lorsque Maman m’a remis le manuscrit de ton journal, j’ai compris qu’il était désormais de ma responsabilité de ne pas laisser ton témoignage sombrer dans l’oubli. Le devoir de transmission de la Mémoire était entre mes mains.
Et cette Mémoire, c’est d’Israël où je vis aujourd’hui que je la transmets. Car ton destin de juif français – si profondément français – trahi et dénoncé par des compa-triotes, a joué un rôle essentiel dans la décision que nous avons prise en 1982, Josiane et moi, de « monter en Israël » .
Tu n’as pour ainsi dire pas connu tes petites-filles. L’aînée avait juste deux ans lorsque tu nous a quittés. Sache donc que toutes trois – Yael, Emmanuelle et Keren – se sont rendues à Auschwitz et, dans le baraquement même où tu as lutté pour survivre, elles ont lu un extrait de ton journal traduit en hébreu pour la circonstance. L’émotion de cette rencontre et sa signification resteront à jamais gravées dans leur mémoire.
Près de soixante ans après la libération des camps et plus de vingt ans après ta disparition, ton journal va enfin être édité en France grâce au soutien et à l’opiniâtreté de Claude Bauchurberg et de Serge Klarsfeld. Une fois achevée la traduction en hébreu, il sera également édité en Israël.
Au cours de cette dernière année, j’ai passé de longues soirées en ta compagnie – relisant ton journal écrit d’une traite – afin d’en réaliser la mise en forme et le découpage en chapitres tout en restant totalement fidèle à ton manuscrit. Je garde de ces moments d’intimité un fort sentiment de complicité et de plénitude.
Ton fils
Raanana, Israël
Le 17 août 2003


Biographie d’alex mayer
Alex Mayer est né en 1910 près de Nancy, au sein d’une vieille famille juive lorraine dont on a pu remonter la généalogie jusqu’au xvii e siècle.
Un décret officiel signé par Stanislas, roi de Pologne et duc de Lorraine, en date du 29 janvier 1753, confirme l’autorisation donnée à cent quatre-vingts familles juives de continuer à résider en Lorraine. Son ancêtre, Molling fils de Jolle (Mayer), l’un des 180 chefs de famille cité nommément dans le décret royal, se verra ainsi confirmer l’autorisation de vivre à Schalbach – petit village lorrain situé entre Sarre-Union et Phalsbourg.
La famille Mayer restera implantée à Schalbach encore un siècle avant de « migrer » vers l’Ouest de la Lorraine.
Alex Mayer a grandi à Lunéville. Sa mère – restée seule après le départ de son mari – se chargera de l’éducation de ses deux garçons.
À vingt ans, il part en Algérie faire son service militaire et restera toute sa vie attaché à ce pays. De retour à Lunéville, il deviendra marchand de biens.
Lorsque la seconde guerre mondiale éclate, il est réquisitionné et affecté comme téléphoniste au 15 e régiment du génie.
Son courage lors du bombardement d’Arcy-sur-Aube par l’aviation allemande en juin 1940 a permis l’évacuation de l’hôpital de la localité.
À ce titre, il sera cité à l’ordre de son régiment et recevra la Croix de guerre.
Démobilisé à Vichy, il obtient un poste de téléphoniste au ministère de la Guerre.
Lorsque les lois anti-juives entrent en vigueur, il perd son emploi.
Considéré comme « indésirable » à Vichy et susceptible d’être arrêté à tout instant, il décide cependant de rester en se cachant pour s’occuper de sa mère, seule et sourde dans un foyer d’accueil à Lapalisse.
Travaillant comme gardien de nuit dans un petit hôtel, il parviendra à se cacher pendant presque toute la durée de la guerre sans changer son identité.
Le 17 juin 1944, il est arrêté par la Gestapo suite à une dénonciation.
Transféré à Drancy, il sera déporté à Auschwitz en juillet 1944 dans le convoi 77, l’un des derniers convois à quitter la France.
De retour en France, il lui faudra de longues années pour se remettre de ses souffrances et ce n’est qu’en 1949, à l’âge de presque quarante ans, qu’il se marie et fonde un foyer.
Esprit indépendant, amateur d’art et de littérature, il sera, jusqu’à sa retraite, courtier pour une maison d’édition de livres d’art.
Il est décédé à Colmar en mars 1980.

Alex Mayer en compagnie de sa mère à Lapalisse quelques mois avant son arrestation (collection particulière).


L’irrépressible besoin de témoigner
Environ trois mille juifs de France ont survécu sur les soixante-seize mille qui ont été déportés. Sur ces trois mille rescapés, une bibliographie soigneuse répertorierait probablement une centaine de témoignages. Une partie de ces récits a été écrite et éventuellement publiée entre 1945 et 1948 ; le silence est retombé ensuite pour longtemps, et ce n’est qu’au milieu des années 1970 que la volonté de témoigner a repris le dessus et entraîne, même en ce début de xxi e siècle, les ultimes survivants parmi les rescapés à s’exprimer par le témoignage écrit, plus ardu pourtant à assumer que le témoignage audiovisuel.
Exceptionnel est le témoignage d’Alex Mayer qui, libéré par les Soviétiques le 27 janvier 1945 à Auschwitz et à peine convalescent, l’a commencé le 16 mars 1945 à Auschwitz même et sur le papier à en-tête du camp, en éprouvant, comme il l’a écrit dans sa première phase, « des scrupules bien compréhensibles », car il doit se fier à sa mémoire ; mais il souligne ce qui est essentiel, que « ces lignes ne sont écrites que pour moi ». Alex Mayer souhaitait en effet conserver la mémoire de l’enfer qu’il venait de traverser pour pouvoir s’y « replonger par la pensée » aux moments de dépression qu’il pressentait devoir traverser.
Alex avait trente-cinq ans, la Croix de guerre lui avait été décernée pendant l

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