Écrire en temps d'insurrections : Pratiques épistolaires et usages de la presse chez les femmes patriotes (1830-1840) , livre ebook

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Jusqu'ici, les historiens et les littéraires qui se sont penchés sur les Rébellions de 1837-1838 ont généralement nié l'engagement des femmes dans cet épisode révolutionnaire. Les recherches dans les archives et les dépouillements de journaux révèlent néanmoins une diversité d'actions et de prises de parole des Bas-Canadiennes, dans l'espace privé comme dans l'espace public. Ce livre présente un ensemble de 300 lettres écrites entre 1830 et 1840 par des femmes liées au mouvement patriote qui, même exclues de la sphère publique, n'évoluaient pourtant pas en circuit fermé.
Tout en décrivant les conditions matérielles, les codes et les relations sociales qui encadraient les pratiques épistolaires de l'époque, l'auteure fait état des mutations de l'écriture féminine au contact des évènements insurrectionnels et des idéaux propres au siècle des nationalités et du romantisme. Ce faisant, elle renouvelle brillamment la perspective historique et rectifie certaines idées reçues sur l'histoire littéraire des femmes et du Québec.
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Date de parution

11 janvier 2016

Nombre de lectures

0

EAN13

9782760635395

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

ÉCRIRE EN TEMPS D’INSURRECTIONS
Pratiques épistolaires et usages de la presse chez les femmes patriotes (1830-1840)
Mylène Bédard
Les Presses de l’Université de Montréal
Mise en pages: Yolande Martel ePub: Folio infographie Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Bédard, Mylène, 1986- Écrire en temps d’insurrections: pratiques épistolaires et usages de la presse chez les femmes patriotes (1830-1840) (Espace littéraire) Comprend des références bibliographiques. ISBN 978-2-7606-3538-8 1. Lettres québécoises (Genre littéraire) – 19 e siècle – Histoire et critique. 2. Écrits de femmes québécois – 19 e siècle – Histoire et critique. 3. Québec (Province) – Vie intellectuelle – 19 e siècle. I. Titre. II. Collection: Espace littéraire. PS8207.b42 2016 CC846.3 C2015-941582-9 Dépôt légal: 1 er trimestre 2016 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2016 www.pum.umontreal.ca ISBN (papier) 978-2-7606-3538-8 ISBN (ePub) 978-2-7606-3539-5 ISBN (PDF) 978-2-7606-3540-1 Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération des sciences humaines de concert avec le Prix d’auteurs pour l’édition savante, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).


REMERCIEMENTS
Ce livre ne serait pas ce qu’il est sans l’apport précieux de personnes que je souhaite remercier ici. Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à Chantal Savoie et Marie-Andrée Beaudet pour leur enthouiasme à l’égard de ce corpus épistolaire féminin et pour les nombreux échanges qui ont nourri ma réflexion. Je remercie aussi chaleureusement Guillaume Pinson, Lucie Robert, Georges Aubin, Renée Blanchet, Julie Roy et Marie-Frédérique Desbiens; leurs travaux ont été une source d’inspiration tout au long de cette entreprise. Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération des sciences humaines, dans le cadre du Prix d’auteurs pour l’édition savante, à l’aide de fonds provenant du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Les recherches qui ont mené à sa réalisation ont, quant elles, été financées par le Fonds de recherche du Québec – Société et Culture (FRQSC) et par Bibliothèque et Archives nationales du Québec.


AVERTISSEMENT
Le corpus de cet ouvrage, constitué de 300 lettres, résulte d’un long travail de dépouillement de fonds d’archives privés et administratifs, conservés pour la plupart à Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Certaines de ces correspondances ont déjà fait l’objet d’une édition annotée, dont celles de Julie Bruneau-Papineau et de Rosalie Papineau-Dessaulles, mais ma perspective d’historienne de la littérature ainsi que mon intérêt pour l’analyse des stratégies discursives déployées dans la construction de l’image de soi m’obligeaient à retourner à l’état manuscrit des lettres et à reproduire les extraits cités selon leur graphie d’origine. Mes recherches m’ont permis de retrouver la grande majorité des lettres manuscrites qui seront citées selon l’orthographe originale. Les ratures présentes dans les lettres seront reproduites. Les mots rajoutés après coup et qui sont insérés entre les lignes seront transcrits de la même façon qu’ils apparaissent dans le texte, soit au-dessus des autres mots. Lorsque les mots sont illisibles pour une raison ou une autre, ce sera indiqué entre crochets. Toutefois, certaines lettres n’ont pu être retrouvées (une de Rosalie Papineau-Dessaulles et six de Julie Bruneau-Papineau) et c’est pourquoi j’ai dû, dans ces cas précis, les citer dans leur forme éditée. Le travail d’édition consiste bien souvent à moderniser l’orthographe, à occulter les ratures et toutes les traces de la fabrique épistolaire, et ne rend pas, non plus, la disposition de l’écriture sur la page.
INTRODUCTION
Libre et codifiée, intime et publique, tendue entre secret et sociabilité, la lettre, mieux qu’aucune autre expression, associe le lien social et la subjectivité.
Roger Chartier, La correspondance. Les usages de la lettre au XIX e siècle
Considéré comme «un âge d’or du privé», le XIX e siècle verrait se dessiner «des cer cles idéalement concentriques et réellement enchevêtrés» entre le civil, le collectif et l’intime (Ariès et Duby, 1999: 9). Dans un tel contexte, les lettres de femmes liées aux patriotes du Bas-Canada fournissent des cas exemplaires de cet arrimage entre le sujet, les écrits intimes et le social. Même si, au cours de la période insurrectionnelle, les femmes n’ont pas été appelées à participer au mouvement d’émancipation nationale 1 , plusieurs d’entre elles en ont pourtant subi les conséquences dans leur quotidien, que ce soit par les dommages causés à la propriété familiale, l’exil, l’emprisonnement ou la mort d’un proche. Et ces effets auront des répercussions plus importantes encore après l’échec des soulèvements. La décennie menant aux luttes armées avait vu naître, avec la formation de regroupements politiques, la politisation de la presse et la publication des débats parlementaires, une opinion publique et de nouveaux modes de sociabilité (Lamonde, 2000: 69) qui ont modulé de façon inédite les pratiques culturelles au Bas-Canada. L’une de ces pratiques est la lettre. Qu’elle soit familiale ou publique, la correspondance est imprégnée par les bouleversements de l’ordre social. Lorsque le privé devient politique, la lettre féminine, qu’elle soit adressée au mari, à la famille ou au Gouverneur, ne témoigne-t-elle pas du contexte politique, d’une rencontre du moi et de l’Histoire, susceptible d’ouvrir la voie à de nouveaux possibles en matière d’écriture?
Comme peu de correspondances féminines ont eu un retentissement littéraire au XIX e siècle au Bas-Canada, il m’apparaissait pertinent de dresser un portrait de la pratique épistolaire des femmes afin de réévaluer leur importance quantitative et qualitative. Penser les lettres de femmes de la première moitié du XIX e siècle en termes de monument, et non de simple document, selon la distinction établie par Michel Foucault 2 (1969), invite à s’intéresser aux enjeux esthétiques qui s’y déploient et à analyser les interactions avec les modèles ainsi qu’avec les productions qui leur sont contemporaines. Mon objectif est de renouveler la perspective ou de rectifier certaines idées préconçues de l’histoire littéraire des femmes, mais aussi de l’histoire littéraire du Québec du début du XIX e siècle.
Bien que, dans certaines histoires de la littérature québécoise, on tende à perpétuer l’association entre le genre épistolaire et le genre féminin, on dénombre peu de modèles d’épistolières. Dans son Court traité sur l’art épistolaire qui paraît en 1845, Jean-Baptiste Meilleur sanctionne cette association en invitant ses lecteurs à prendre pour modèles Madame de Maintenon et Madame de Sévigné. Par la suite, les histoires littéraires convoqueront aussi des femmes dans les chapitres consacrés à la littérature personnelle, mais elles n’en retiennent – pour la plupart – que deux, soit Marie de l’Incarnation et Élisabeth Bégon 3 . L’ Histoire de la littérature québécoise de Michel Biron, François Dumont et Élisabeth Nardout-Lafarge, parue en 2007, ne fait pas exception; quelques pages y sont consacrées à ces deux épistolières, mais aucune des femmes de mon corpus ne figure dans l’ouvrage. Quant à La vie littéraire au Québec , elle retient, pour la période qui nous intéresse, cinq épistoliers dans son chapitre réservé aux écrits intimes, dont une seule femme: Julie Bruneau-Papineau. Même si cette correspondance féminine est une des rares mentionnées dans les histoires de la littérature québécoise, l’étude de sa réception montre que c’est d’abord pour l’éclairage qu’elle apporte à la trajectoire biographique de son mari, en somme pour sa valeur historique, qu’elle a été retenue. À ce propos, les chercheurs de La vie littéraire au Québec soulignent qu’«[i]l ne faut donc pas chercher, dans ses lettres, des effets de littérarité, l’épistolière n’ayant pas une grande pratique de l’écriture et ne disposant que de peu de temps pour s’adonner à cette activité» (Lemire et al. , 1992: 409). Or, en considérant que «les classiques québécois se trouvent plus probablement dans des textes qui échappent aux catégories habituelles du littéraire» (Melançon, 2004: 42) et que l’événement insurrectionnel tend à redéfinir «les contours même de la “littérature”» (Deluermoz et Glinoer, 2015: 6), il faut reconnaître que l’épistolaire constitue un terreau à investiguer, et plus encore dans le cadre de recherches portant sur la première moitié du XIX e siècle. Le premier «recueil des meilleurs écrits publiés en Canada» (Huston, 1982 [1848], t. I: 19), le Répertoire national , reconnaît dès 1848 la valeur littéraire des écrits personnels. En retenant les dernières lettres de Chevalier de Lorimier, James Huston oriente la lecture de cette correspondance en l’édifiant en un objet littéraire. Cependant, la consécration de cette correspondance n’a pas entraîné de dépouillements comparables du côté des pratiques discursives des femmes de la même période. Seule la thèse de Julie Roy (2003), «Stratégies épistolaires et écritures féminines: les Canadiennes à la conquête des lettres (1639-1839)» esquisse un portrait global des trajectoires dans les pratiques épistolaires des femmes, de la lettre privée à la lettre publiée dans la presse. Or les recherches de Roy se distinguent, d’une part, par une étude sur la longue durée, soit de l’époque de la Nouvelle-France jusqu’au milieu du XIX e siècle, et de l’autre, en ce qu’elles ne prennent pas en considération les lettres adressées à Ludger Duvernay, important imprimeur et rédacteur de journaux patriotes, ni les requêtes féminines aux autorités coloniales, qui p

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