185
pages
Français
Ebooks
2015
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Publié par
Date de parution
17 septembre 2015
Nombre de lectures
1
EAN13
9782760635821
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
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17 septembre 2015
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9782760635821
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Guy Taillefer
L’INDE DANS TOUS SES ÉTATS
Les Presses de l’Université de Montréal
Mise en pages: Yolande Martel Epub: Folio infographie Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Taillefer, Guy L’Inde dans tous ses états ISBN 978-2-7606-3580-7 1. Inde – Civilisation – 21 e siècle. 2. Inde – Politique et gouvernement – 21 e siècle. 3. Inde - Conditions économiques – 21 e siècle. 4. Inde – Conditions sociales – 21 e siècle. I. Titre. DS480.853.T34 2015 954.05’3 C2015-941599-3 Dépôt légal: 3 e trimestre 2015 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2015 www.pum.umontreal.ca ISBN 978-2-7606-3580-7 (papier) ISBN 978-2-7606-3581-4 (PDF) ISBN 978-2-7606-3582-1 (ePub) Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
À mon père qui m’a fait découvrir la lumière des mots.
À Sylvie avec qui je suis parti à la découverte de l’Inde.
PRÉFACE
À l’aune de l’immémoriale temporalité sacrée de l’Inde, les quelques années passées dans ce pays par le chroniqueur du Devoir pourraient paraître courtes s’il s’agissait de comprendre une vaste contrée qui a vu naître et rayonner nombre des principes culturels dont découlent les nôtres en matière de langues, de sciences et de religions. Et d’art, si l’on se fie à l’admiration que vouait André Malraux aux sculptures des grottes d’Ellora et d’Elephanta, aux apsaras des temples et au fameux Shiva de bronze du musée de Chennai dans sa roue enflammée, le pied posé sur un bambin symbolisant l’éphémère monde des apparences. Mais l’Inde n’est pas moins réelle et son actualité trépidante…
Et ô combien brève, encore que fascinante, la semaine typique du touriste québécois dans le triangle d’or de l’ Incredible India de la publicité, dont les étapes sont Delhi, Agra et Jaipur, où l’on se sera d’abord recueilli, avec photos et selfies, devant la tombe de l’empereur moghol Humayun, où, ensuite, le touriste se sera laissé éblouir par l’extraordinaire Taj Mahal, le monument d’un autre empereur à la mémoire de sa femme adorée, à l’image duquel on superposera peut-être le souvenir ou l’avenir de ses propres amours plus modestes, et où le faste de la forteresse d’Amber que notre touriste pénétrera à dos d’éléphant lui fera oublier ses petits problèmes, par exemple les pneus de la voiture à changer en novembre, un beau mois pour visiter la vallée du Gange, car en d’autres temps, la chaleur est suffocante, avec la mousson et les moustiques.
Nombre d’Occidentaux n’iront jamais en Inde, par peur d’y avoir peur de sadhus squelettiques, barbouillés aux couleurs de dieux barbares, ou de fakirs presque à poil dans leur dhoti maculé et affreusement poilus, ou de marcher sur des excréments, et peur des rats et des chiens galeux et des cafards longs comme ça, peur de la dengue et honte des miséreux dormant dans les rues aux odeurs contrastées, où les parfums des fleurs et des épices et la friture des grils se disputent un air ambiant avec les émanations fétides des bus et des ordures, dans les décibels des klaxons des auto-rickshaws et de la criée aux soldes de boutiquiers très motivés, avec les invites de rabatteurs baragouinant l’anglais appris du Raj britannique, devenu le globish de la mondialisation: where you from, Canada nice place, velly cold, please, Seuh, come with me, what you want, velly good shopping, follow me…
N’empêche, «le spectacle de la vie indienne est un road-movie dont les chemins sont un dédale où il y a du bonheur à se perdre», comme le dit si bien Guy Taillefer, qui m’a guidé dans Paharganj, un quartier de la capitale aux échoppes de bols d’inox et de gougounes pour les gagne-petit, en même temps que de bâtons d’encens pour les sacs à dos des hippies de jadis ou des hipsters actuels, de cornets à poudre de henné, de soieries vraies ou fausses, question de me préparer à la déambulation hasardeuse dans le «bazar absolu» des ruelles indiennes, fourmillant d’humains affairés, d’animaux indolents et de motos déchaînées, dont celles d’Old Delhi constituent un summum.
Les cinq années de Guy Taillefer en Inde ont été riches, n’ont pas été dilapidées en flâneries voyagistes de la chaîne Évasion, ni en pâmoisons de groupie sur le mysticisme hindou, sur la dévotion à Hanuman par exemple, le dieu singe et général de Rama, l’avatar de Vishnou, ou sur l’espiègle éphèbe Krishna, l’idole des Beats et des Beatles en d’autres temps, ou encore sur Ganesh, l’éléphantesque progéniture de Shiva et de Parvati présente partout, sur le seuil des demeures princières ou des bidonvilles, ainsi que sur les majestueux banians aux racines aériennes, pour vous souhaiter la bienvenue et vous débarrasser de vos soucis. Pas besoin de croire à cette fantasmagorie, mais l’Occidental est tout de même dépaysé et il arrive mal à croire que des gens y croient. Même l’Indien actuel, sans doute, y échappe, tout en étant redevable dans sa vision du monde d’un passé fabuleux aux inextricables résonances mythologiques plus qu’historiques.
Les articles de Taillefer ici rassemblés sont attentifs aux signes de la vie indienne actuelle, concrète, sociale, économique, culturelle et politique. Et ils sont critiques: ses observations ne tiennent rien pour acquis, elles analysent les faits, elles jaugent les opinions, elles notent les contradictions. Rien de dogmatique: Taillefer interroge les gens, des spécialistes, des collègues journalistes, mais aussi ses voisins, sur des thèmes très variés, soulève les problèmes de la société indienne, compose des billets non pas seulement circonstanciels mais symptomatiques, par exemple sur l’absence de toilettes dans la moitié des foyers du sous-continent, sur le système de santé délabré, sur la corruption, sur les écoles pour les riches, sur l’obésité, cadeau des sauces au ghee autant que des pizzas de Domino et des poulets de Kentucky, sur l’eau rare ou polluée ou volée aux habitants, siphonnée par Coke au Kerala, sur les cancers causés par les pesticides comme l’endosulfan et des cultivateurs fauchés qui se suicident par l’ingestion de ces mêmes pesticides, sur les centaines de milliers de waste pickers et de junk dealers , en général des musulmans et des dalits , qui sont les humains bas de gamme dans le système des castes et des classes toujours en vigueur en Inde, malgré les lois contre la discrimination…
Tous les voyageurs vous le diront: le peuple indien est doux, résilient, affable, conciliant, et c’est ce trait de caractère, devenu une force, qu’a su exploiter Gandhi en prônant la non-violence, quitte à subir des pluies de matraques dans les manifestations, jusqu’à l’épuisement du soutien de Londres au joyau de son empire en 1947 et à l’indépendance. Après quoi, ce serait la Partition, avec Allah à gauche et à droite sur la carte et Brahma entre les deux, et la violence d’une guerre religieuse qui n’a pas fini de refermer ses cicatrices: la population hindoue largement majoritaire n’est pas toujours tolérante envers les musulmans, et c’est sa fibre nationaliste qui a favorisé l’élection du premier ministre indien actuel, Narendra Modi, que le néolibéralisme a bien servi dans ses années au Gujarat. Mais les défis de l’Inde restent entiers, ceux de la modernisation et de l’urbanisation, qui n’apporteront pas nécessairement des solutions aux maux d’une population de plus d’un milliard de personnes. C’est surtout le capitalisme triomphant et «sans cœur» de l’Inde que Taillefer a dans sa ligne de mire quand il compare l’Inde aux États-Unis, qui ne sauraient être un bon modèle pour elle, non plus que la Chine, sa puissante voisine, économiquement forte, mais dont la fibre démocratique n’est certainement pas le point fort, même si l’Inde ne saurait se targuer, pour sa part, d’une démocratie libre dépourvue de défauts.
Jamais le regard de Taillefer n’est complaisant. Pas de vaches sacrées ici. Une belle curiosité et des interrogations posées en toute simplicité et franchise. L’écrivain possède le sens de la formule qui donne à réfléchir et sa prose est nerveuse, autant qu’est vive sa sympathie pour le peuple indien, le petit peuple surtout. L’humour ne manque pas et on s’amusera, par exemple, à l’entrée chez l’auteur à Delhi de macaques malcommodes. Il se fait plus caustique à l’occasion, par exemple en rappelant les amours illégitimes de Krishna et de Radha, pour convaincre les traditionnalistes hindous que les mœurs sexuelles modernes, libres, ne sont pas un déshonneur punissable. Il saura nous rappeler en outre que la façon méprisante ou violente dont on traite souvent les femmes n’est pas à l’honneur d’un pays pourtant digne, sous tant de rapports, de respect et d’amitié.
En fait, on n’apprendra pas que des choses sur l’Inde dans ce livre, mais aussi sur nous-mêmes, tant les problématiques, toutes proportions gardées, se ressemblent: les accommodements à trouver pour le sikh enturbanné ou la musulmane voilée, les relations avec les autochtones, qui sont les adivasis en Inde, un passé britannique commun avec ses institutions et son bipartisme politique, le balancement entre la bonne vieille tradition et la contemporanéité avec ses risques et avantages. Et les Indiens rêvent en deux langues, comme cela nous arrive, voire en trois: leur anglais rassemble les ethnies, le hindi est la langue officielle et chacun possède sa langue natale…
François Hébert
AVANT-PROPOS
Entre Yangon et Delhi, il y a quelques années, j’ai dû faire escale à Bangkok. Attablé à un café, je tombe dans le Bangkok Post sur le texte d’un chroniqueur nommé Kong Rithdee, lequel cite l’écrivain chilien Roberto Bolaño: être exilé, écrit ce dernier, «ne consiste pas à disparaître mais à rapetisser, à devenir tranquillement ou rapidement plus petit, jusqu’à ce qu’on atteigne sa hauteur réelle, la hauteur véritable de soi-même».
Bien vu.
Appliquer à mon cas la notion d’«