Le Crépuscule des Rois (1830 -1848) , livre ebook

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Au cours du XIXe siècle, les pavés parisiens ont vu beaucoup de révolutions et de révoltes.


En 1830, des insurgés de tous âges et de toutes opinions s’unissent pour chasser Charles X, l’ultime roi de France qui rêvait encore d’absolutisme, au cours des « Trois Glorieuses ».


Et en 1848, une famille d’artisans du faubourg Saint-Antoine participe aux journées de février qui virent le départ de Louis-Philippe. Mais elle s’implique également, avec les ouvriers au chômage, dans la révolte de juin que la deuxième république réprima impitoyablement, préfigurant la Semaine sanglante de 1871.

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Date de parution

17 mars 2023

Nombre de lectures

1

EAN13

9782383514510

Langue

Français

Couverture
La SAS 2C4L — NOMBRE7, ainsi que tous les prestataires de production participant à la réalisation de cet ouvrage ne sauraient être tenus pour responsables de quelque manière que ce soit, du contenu en général, de la portée du contenu du texte, ni de la teneur de certains propos en particulier, contenus dans cet ouvrage ni dans quelque ouvrage qu’ils produisent à la demande et pour le compte d’un auteur ou d’un éditeur tiers, qui en endosse la pleine et entière responsabilité.
Première partie D’un Roi à l’Autre
Chapitre 1
Il régnait une atmosphère de folie en cet après-midi du 26 juillet 1830 au quotidien « Le National » et l’étroite rue Neuve-Saint-Marc où il siégeait était également fort agitée.
C’est que l’on venait de recevoir fort tard le numéro du Moniteur universel, l’organe du gouvernement, qui présentait les 6 ordonnances que Sa Majesté Charles X avait signées la veille en son château de Saint-Cloud à l’intention de son bon peuple.
Et dans tous les locaux de la rédaction comme aux presses, ce n’étaient que commentaires, cris, anathèmes à l’égard du roi et de son président du Conseil, le prince de Polignac, le détesté fils de la favorite de Marie-Antoinette.
Déjà, les ouvriers typographes du journal et ceux d’autres publications, nombreuses dans le quartier, se répandaient dans les rues et faisaient savoir bruyamment à la population leur mécontentement.
Au deuxième étage, dans son cabinet de travail à la fenêtre largement ouverte, car le mois de juillet était torride à Paris, le journaliste Alfred Cloet, un petit homme replet à la calvitie prononcée, un collaborateur fidèle d’Adolphe Thiers, le principal éditorialiste du quotidien, lisait pour la troisième fois, mais cette fois-ci à voix haute, le terrible texte.
Il effectuait cette déclamation à l’intention de deux personnages assis en face de lui de l’autre côté du meuble encombré de paperasses et de piles de périodiques qui lui servait de bureau, de table d’écriture et sur lequel il prenait également ses repas.
Il y avait d’un côté le sieur Hippolyte Bélurier, ci-devant chef de bataillon dans la Garde impériale de l’Empereur. Le bonhomme arborait des joues maigres de demi-solde qui creusaient un visage barré d’une large cicatrice laissée par un coup de sabre autrichien ramassé à Leipzig et assez mal recousue par un aide chirurgien de la Grande Armée. L’ancien militaire écoutait sans mot dire, les mâchoires serrées et les yeux flamboyants. Avec sa redingote noire lustrée par l’usage et ornée du ruban rouge de la croix donnée par l’Empereur, il avait tout de l’ascète et savait ouïr stoïquement sans interrompre le lecteur.
Son voisin, Gustave Soyer, était un philosophe mieux remplumé, car il enseignait sa discipline au lycée Henri IV, à côté du Panthéon. C’était un républicain convaincu. Mais rompu par métier à la dialectique et prudent, il se gardait bien d’afficher à ses élèves du collège royal ses opinions, préférant les réserver à la société secrète qu’il fréquentait la nuit sur la Montagne-Sainte-Geneviève, où il occupait un bien modeste appartement de célibataire. Si son voisin écoutait, impassible, habitué à se tenir coi sous des grêles de balles, lui au contraire s’agitait, interrompant sans cesse l’orateur par des réflexions acerbes et indignées.
Cloet commença donc la lecture de la première ordonnance, celle qui traitait de la liberté de la presse.
— C’est la fin, mes bons amis, dit-il, et sa voix s’altéra légèrement tandis que ses yeux en partie dissimulés par la visière de cuir vert qu’il portait pour se reposer de la lumière estivale, allaient de l’un à l’autre de ses compagnons. Il va falloir pour tous les journaux effectuer une déclaration préalable au gouvernement qui délivrera une autorisation de publication !
— En effet, c’est assez clair, répliqua Soyer, cela implique que tout article qui déplaira au prince de Polignac entraînera la fermeture du quotidien qui aura prétendu le faire paraître.
— Oui, commenta Bélurier en tapotant le bout de ses bottes de sa canne, il n’y a plus de Presse, en fait.
— Mais, mon cher, cela t’émeut et c’est légitime, cependant depuis l’abdication de l’Empereur en 1815, il n’y a plus aucune liberté avec ce régime.
— D’abord, dit-il en s’échauffant, la royauté a été imposée par l’étranger ayant envahi le territoire national. Les deux frères de Louis XVI sont arrivés dans les caissons de l’ennemi. La Restauration n’a fait l’objet d’aucune consultation populaire.
— Il est vrai que le gros Louis XVIII, plus rusé que son frère, a essayé d’arrondir les angles, surtout après les Cent jours. Mais sa mort et l’avènement du comte d’Artois en 24 ont marqué le retour en force des ultras et de la marche vers la monarchie absolue.
— Le contrôle de l’opinion à travers la presse en est une des composantes.
— Passons à la deuxième ordonnance, continua le journaliste. Le roi dissout la chambre des députés nouvellement élue.
— Oui, reprit Soyer, parce qu’elle ne lui convient pas. Il a voulu imposer le prince de Polignac, le rejeton de la favorite de Marie-Antoinette, contre l’avis de la majorité précédente. Comme cette majorité regimbait, notre souverain n’a rien trouvé de mieux que de prétendre être gêné par ces députés qui pourtant étaient les seuls dans ce malheureux pays à porter une parcelle de légitimité.
— Ils se sont permis de protester. Alors le monarque, je devrais dire le tyran, comme nos pères le formulaient pendant la grande révolution, dissout l’Assemblée pour ce crime de lèse-majesté et convoque des élections.
— Et oh ! sacrilège ! reprit Cloet, un sourire ironique fendant son visage bleuâtre d’une barbe que la chaleur et la fatigue faisaient pousser vite, le peuple, enfin, le corps électoral, renvoie une Chambre plus opposée que la précédente aux desseins royaux.
— Et non seulement Sa Majesté ne la réunit pas, grinça le vieil officier, mais encore, il la dissout, il la jette comme on se débarrasse d’un vulgaire chiffon de papier. Si ce n’est pas le retour à avant 1789, alors je me demande de quoi il s’agit.
— Sans compter qu’il s’entoure d’ultras, d’ennemis du peuple !
— Son ministre de la défense, le sieur Bourmont, par exemple ! Et de rage il cravacha le pied du bureau du journaliste.
— Doucement, mon meuble, j’y tiens, s’écria le journaliste et Monsieur Sautelet, notre directeur, ne m’en donnera pas un autre de sitôt !
— Oui, continua le grognard en grommelant une excuse, j’étais dans les plaines belges lorsqu’à la veille de la bataille de Ligny, en 1815, alors que Bourmont était général de brigade, il passa à l’ennemi en indiquant aux Prussiens une partie du plan de l’Empereur et les effectifs de l’armée. Si bien que c’est Blücher lui-même, qui dégoûté du procédé, le traita de Jean-Foutre.
— Son ministre de l’intérieur, La Bourdonnaye, le plus « pointu » des ultraroyalistes, s’est distingué sous le feu monarque en proposant une motion afin de maximiser la répression contre ceux qui avaient servi l’Empereur et défendu leur patrie pendant les Cent jours.
— Enfin, pour compléter l’équipe, Charles X a confié les troupes parisiennes au sinistre duc de Raguse, à Marmont qui vendit Napoléon en 1814 en livrant son corps d’armée à l’ennemi et en découvrant ainsi le front français, ruinant les espoirs de l’Empereur de reprendre le contrôle de la campagne.
— Voilà donc la belle brochette de traîtres qui nous gouvernent.
— Et de plus, le peuple souffre, surenchérit Soyer. Avec les mauvaises récoltes, depuis 1827, le prix des denrées alimentaires ne cesse de monter et le chômage s’aggrave. Dans les quartiers populaires, c’est la famine, les enfants n’ont plus de subsistances.
— Et tout ce que les ultras peuvent proposer aux nécessiteux c’est le secours de la religion sur laquelle le trône s’appuie de plus en plus ostensiblement. On revient à un système de droit divin. Non ! il faut que cela cesse.
Il avait à peine prononcé ces paroles que la porte s’ouvrit et que surgit dans la pièce un quatrième personnage bien différent des autres. C’était un homme d’une quarantaine d’années, de belle taille, aux épaules larges que soulignait encore la coupe d’une redingote dont le beige était assorti à celui d’un élégant pantalon à sous-pieds. Il posa sur le bureau son joli chapeau haut de forme en castor qui complétait sa tenue de dandy un peu voyante et s’assit à côté du philosophe en croisant ses longues jambes chaussées d’escarpins fins en cuir verni.
Son visage aux traits réguliers, qui émergeait d’une cravate blanche impeccablement nouée et ornée qu’une grosse perle, était pourtant sérieux et ses sourcils se rejoignaient en un pli sévère au-dessus de ses yeux d’un noir perçant.
— Bonjour à tous, dit-il à la cantonade. Vous avez vu les ordonnances, c’est incroyable.
— Ah ! tu tombes bien, Charles, j’attaquais la lecture de la troisième pour nos compagnons.
Le banquier Charles Frémaux approuva et fit signe à son ami de continuer sa présentation.
— Écoutez cela, poursuivit Cloet, non seulement le roi dissout la Chambre, mais il modifie complètement la loi électorale pour les prochains scrutins. D’une part, il remonte le cens, ce qui va diminuer le nombre d’électeurs qui devront payer encore plus d’impôts directs pour avoir le droit de participer au vote, mais de plus, il exclut les patentes du calcul du nouveau cens.
— C’est commode, expliqua Frémaux à l’adresse des deux autres. Cela écarte du collège électoral les commerçants, les industriels et les banquiers, enfin tout ce qui est libéral dans ce pays et qui le fait fonctionner.
— Il ne restera plus pour prendre part au scrutin que les gros propriétaires terriens, les hobereaux qui, c’est bien connu, sont les pires et les plus rétrogrades des ultras monarchistes.
— Et en plus, Messieurs, et de colère, il frappa le bras de son fauteuil, il y aura des commissions électorales locales qui pourront encore exclure les suffragants dont la tête ne leur reviendra pas.
— Ajoutons que la quatrième ordonnance reporte à septembre le nouveau

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