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pages
Français
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Publié par
Date de parution
10 février 2012
Nombre de lectures
0
EAN13
9782748376630
Langue
Français
Les années 1950. L’Amérique fascine le monde entier. Le Canada ? Certes pas l’Eldorado, non, mais un pays neuf, accueillant, offrant d’innombrables possibilités : un vrai tremplin pour l’avenir. Quoi de mieux pour un jeune Français de vingt ans ? Arrivé à Montréal, cette ville prodigieuse, sur ce continent où tout est possible, il va vivre une période stimulante, mais difficile, de découvertes diverses...
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10 février 2012
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0
EAN13
9782748376630
Langue
Français
Bonne chance au Canada
Alain Bourrut Lacouture
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Bonne chance au Canada
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Avant-propos
Pour mieux resituer la nature de ce récit, rappelons brièvement trois contextes : celui des premières années 1950 en France et dans le monde, celui de la fascination exercée alors par l’Amérique et le Canada puis, finalement celui d’un garçon à la recherche de son avenir.
À la fin des années 40 et au début des années 50, les prolongements difficiles de la seconde guerre mondiale sont loin d’être effacés. Les produits alimentaires, les textiles, le charbon, l’électricité sont encore, si non rationnés, du moins contingentés. Deux exemples : les tickets de pain ne disparaîtront qu’au début de 1949 et les délais de livraison d’une Citroën 2 CV neuve sont de l’ordre de 3 à 4 ans. Les reconstructions ont démarré mais lentement par manque de ciment. Les éclairages publics sont restreints et les magasins éteignent enseignes et vitrines à partir de 6 heures du soir l’hiver. Encore un souvenir de cette période de guerre : celui du grattage, en août 1949, des derniers carreaux au-dessus des portes du garage aux Liévries, « bleuis » en 1939 pour la Défense Passive.
Les gouvernements, en France, se succèdent rapidement, les uns après les autres. L’emprise communiste reste omniprésente. Le Parti Communiste est devenu le premier parti de France, en nombre d’adhérents et le restera jusqu’en 1951. Les grèves sont continuelles. La Guerre Froide entre les Russes et les Américains atteint son point critique avec le Blocus de Berlin (24 juin 1948 – 12 mai 1949), la guerre d’Indochine (1946-1954), la Guerre de Corée (1950-1953). Les camps de D.P. (Personnes déplacées) ont pris la succession des Oflags, des Stalags, des K.Z. nazis et russes. Les séquelles de la Libération en France (Gaullistes et Pétainistes…) sont encore tenaces. Aux États-Unis, le Maccarthysme et l’affaire Rosenberg font toujours la Une des journaux. Bref, un monde inquiet, encore secoué par les événements mondiaux des quinze dernières années.
Par contraste, à cette époque, l’Amérique (et, dans une certaine mesure, le Canada) exerce une véritable fascination. Les États-Unis, miraculeusement relevés de la Grande Dépression des années 30 grâce à l’effort considérable accompli pour leur assurer la victoire en Europe et dans le Pacifique, sont alors au faîte de leur puissance. Ils inspirent une confiance totale et maîtrisent tous les moyens – politiques, moraux, économiques – pour assurer un futur meilleur à ceux qui « s’abriteront sous leurs ailes ». Ce sont les meilleurs et ils l’ont prouvé. La Pax Americana n’est pas un vain mot et constitue un rempart solide contre les menaces soviétiques. L’anglais devient un langage universel et l’ american way of life , un style vers lequel on tend.
Le Canada, lui, jouit d’une place à part et très proche, dans le cœur des Français. Maria Chapdelaine , le roman de Louis Hémon, connaît toujours un succès mérité et enchanteur, le " Je me souviens " et la Fleur de Lys sur le drapeau de la Province de Québec émeuvent toujours autant, les troupes canadiennes se sont couvertes de gloire lors du Débarquement en Normandie (et," eux, en plus, ils parlent français : ce sont nos cousins" !). Les Canadiens Français ont la cote. On les aime et on les envie. Les neiges, à perte de vue, l’or pourpre des feuilles d’érables à l’automne, la pêche au bord de lacs sereins, les grands espaces vers l’Ouest, les Prairies, les Rocheuses et, au-delà, Vancouver sur le Pacifique. Ces noms et ces évocations font rêver à une vie heureuse dans l’authenticité d’une nature conservée et retrouvée. Le succès de Ma cabane au Canada en est une des illustrations les plus emblématiques.
Simultanément, les réalités pour les Canadiens-français sont de nature un peu différente de cette image idyllique vue de l’extérieur. Tout en conservant leurs traditions et en y puisant leurs forces, les Canadiens-Français (le terme Québécois apparaîtra plus tard), dans les années 50, sont encore plongés dans ce que l’on appellera – historiquement – " La Grande Noirceur". Maurice Duplessis (1890-1959), Premier ministre du Québec, de 1944 à sa mort, a maintenu durant ses mandats successifs une politique éminemment conservatrice avec l’appui de l’Église. Les manifestations d’un certain nationalisme Québécois ont commencé à apparaître durant cette période – pensons à l’influence des journalistes du Devoir , à celle d’un polémiste et d’un poète, comme Gaston Miron ou aux nombreuses et brillantes initiatives, dont l’Accueil Franco-Canadien, d’un Jean-Marc Léger – pour se déployer dans ce mouvement puissant et novateur que représentera, à partir des années 60, « la Révolution Tranquille ». Toutes ces tendances qui font le succès indiscutable du Québec d’aujourd’hui, dans le cadre du Système fédéral canadien, sont déjà en germe durant toutes ces années
Pour un garçon de vingt ans, le Canada était vraiment le pays vers lequel diriger ses pas. Ce n’était pas l’Eldorado, non, mais c’était un pays neuf, accueillant et qui offrait d’innombrables possibilités pour se projeter dans l’avenir.
Au fil des pages suivantes, il va vivre une période stimulante, mais difficile, de découvertes de natures assez diverses. Il vient d’une structure familiale solide, a effectué son service militaire, vient de passer, comme stagiaire, un an dans le premier groupe de réflexion et d’action franco-allemand destiné à renouer les liens entre la France et l’Allemagne. Il y a acquis une certaine maturité mais souffre d’un sentiment pénible d’incertitude. Ce sentiment va finalement se révéler un moteur puissant pour mener à bien une succession d’expériences variées dont il est le premier à sourire.
C’est donc ici que l’aventure commence.
Sources : correspondances familiales et carnets personnels retrouvés fortuitement en 2009.
I.
À la claire fontaine
M’en allant promener…
Comptine canadienne
Montréal, lundi 9 octobre 1950
Je suis arrivé ! Je suis ébloui. Je n’aurais jamais imaginé l’Amérique comme cela. Luxe, luxe, luxe, confort (bis), sécurité (ter). Inouï ! Vous ne pouvez savoir : l’intensité des lumières, la couleur vive des vêtements, la forme et la mobilité toute en douceur des voitures bleues ciel, blanches, rouges, vertes pistache, les enseignes lumineuses, la profusion d’enseignes lumineuses, les immeubles de bureaux éclairés jour et nuit, les affiches, les vitrines de magasins regorgeant de produits les plus divers aux emballages plus colorés les uns que les autres, l’abondance des magazines et l’épaisseur des journaux dans les kiosques, une musique douce d’ambiance dans les ascenseurs et dans tous les lieux publics…
L’embouchure du Saint-Laurent, après Terre Neuve et l’île d’Anticosti s’étend sur près de 600 kilomètres jusqu’à la ville de Québec. Quelle émotion ! Dès le matin, à 5 heures, j’étais sur le pont pour admirer le soleil rose se lever sur les côtes du Labrador. À partir de midi, nous sommes vraiment entrés dans le golfe qui est une splendeur. Une mer calme, très calme, un paysage immense, un ciel d’un bleu très doux et l’air d’une nouvelle terre. À cinq heures, le soir, l’orchestre des jeunes de Vancouver (rentrant d’une tournée en Europe) a donné un concert sur le pont ( Rhapsody in Blue, de Gershwin et Un Américain à Paris ). Vous imaginez l’ambiance : le Nouveau Monde, un soir d’automne en mer, en vue de la terre et quelle terre !
Mais d’abord l’arrivée. Débarquement, douane, contrôles de l’immigration. Une organisation impeccable dans tous les détails. On comprend pourquoi les Américains ont gagné la guerre !
Arrivée samedi, à l’aube, dans le port de Québec sur le Saint-Laurent. J’étais levé le premier et arpentais le pont dans tous les sens ne voulant pas perdre une minute de ces moments extraordinaires. J’étais partagé entre le désir de « tout voir » et de surveiller mes bagages dans la cabine (à 20 !) car les vols se produisent en général à ces moments-là. Nous débarquons dans la matinée. Formalités multiples. Fortes émotions au contrôle administratif de l’Immigration. Finalement je suis « admis », mais uniquement pour trois mois avec obligation de rentrer en France… (Heureusement j’avais été prévenu mais cela fait quand même quelque chose de se sentir ainsi questionné avec insistance, bien qu’en français mais avec quel accent, ponctué de quelques formules anglaises francisées assez incompréhensibles du genre : « votre autorisation provisoire de séjour sera immédiatement cancellée si et si… ». On est inquiet et on se sent très « sur la corde raide »).
L’organisation est telle que l’on passe, un à un, devant quatre ou cinq fonctionnaires de l’Immigration en uniforme qui, chacun, vous pose des questions précises et différentes : nom, date de naissance, religion, appartenance politique, adresse au Canada, motif de la visite, attestation de prise en charge, argent en poche, présence ou non de graines ou d’animaux dans les bagages, examen soupçonneux de chaque page du passeport, consultation de fiches, appels téléphoniques de contrôle pour certains (avec délais de réponse qui semblent interminables), lecture – en vous fixant périodiquement dans les yeux – d’articles de lois canadiennes sur les conditions exigées d’immigration, coups de tampons sur de multiples formulaires, etc. Votre dossier se remplit au fur et à mesure et