Contes pour adultes , livre ebook

icon

112

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2012

Écrit par

Publié par

icon jeton

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
icon

112

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2012

icon jeton

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Voici un recueil de contes originaux. Deux thèmes: la vie ordinaire et le désir dominent le recueil, ils disent d'abord la vie de tous les jours et ses événements qui perturbent les individus, puis ils mettent en scène le désir et l'apprentissage du sexe sous forme de jeux ou d'épreuves. La mécanique du désir du héros est enclenchée comme celle du désir du lecteur de lire plus loin. Les personnages brisent la cloche protectrice qui les enferme pour entrer dans les " clairières du désir " tout neuf.

Voir icon arrow

Publié par

Date de parution

10 février 2012

Nombre de lectures

26

EAN13

9782748376920

Langue

Français

Contes pour adultes
Bernard Mutschler
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Publibook
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Contes pour adultes
 
 
 
 
I. La collectionneuse
 
 
 
Je n’ai pas de chance : c’est le troisième collectionneur que je me paye. Le second était un maquettiste. Des bateaux partout dans notre petit appartement : dans la cuisine, dans le salon, dans la chambre, sous le lit, au plafond, sur les murs et les meubles, des trois-mâts, des goélettes, des clippers. Le regard restait accroché, où qu’il aille, dans une forêt de vergues et de bômes, dans des buissons de cordages, de drisses. Dès qu’on bougeait, on risquait de prendre une étrave dans l’œil ou la tempe. Et il fallait épousseter tous les jours : trois heures de plumeau ! Quand je rouspétais trop, il disait : « Tu préfères que j’aille au bistrot ou courir la gueuse ? » Lui, courir les filles avec sa gueule, son ventre et ses pulls tachés ! J’en ai eu marre et je l’ai plaqué, lui et ses bateaux, lui et ses vernis et ses peintures.
 
Avant celui-là, il y avait eu un autre collectionneur, mon premier mari. Lui c’était les armes de la guerre 14-18, un fanatique des masques à gaz, des casques, des bandes molletières. Sur toutes les étagères s’entassaient des obus, des balles, des shrapnells. Une vieille grenade à manche allemande, une rareté, l’a jeté sur un talus de l’Argonne, où il fouillait. Paix à ses armes !
 
Me voilà en ménage avec un troisième petit vieux. Je continue de dégringoler. Pas franchement bellouze avec mes quarante cinq berges, je l’ai recruté par petites annonces. Une chance : il est aveugle. Il n’a pas vu mes quatre vingt cinq kilos, mes cuisses, pénéplaines blanches avec, ici et là, des cuvettes jaunes et brunes. Nous vivons à la campagne, où il possède des biens : dans une grande ferme carrée. C’est assez morne. Des champs vaguement moutonnés, du vent chantant, chuintant, hurlant souvent.
 
Mais il doux, Emile, apparemment pas collectionneur. Le haut de son crâne brille au-dessus d’une couronne de cheveux gris. Par moments, il me paraît attendrissant. Est-il riche ? Je n’en sais rien. Sa ferme est tenue par sa fille et son gendre avec l’aide de deux ouvriers agricoles. Je fais la cuisine pour toute la bande et ne manque de rien. La télé nous abrutit le soir. Sauf lui, naturellement. Mais il y a un mystère avec cet homme.
 
Tous les jours, Emile disparaît des heures durant dans une grande bâtisse sans fenêtre, une ancienne grange bien close. C’est son secret, dit-il, son cabinet de Barbe-Bleue, sale au dehors, tout noir au-dedans. D’ailleurs à quoi lui servirait la lumière ? Interdiction absolue d’y pénétrer. « Si un jour tu viens voir mon royaume, je te chasserai immédiatement » a-t-il stipulé avant les noces. Son gendre, le Christophe, se moque de lui.
« Je me demande ce que vous pouvez bien branler là dedans, toute la journée !
— Ferme la, lui répond sa femme. Mon père t’a tout donné en échange d’un petit viager et tu as promis de ne jamais chercher à savoir ce qu’il fait ».
Ils se disputent souvent ; le vieux, mon mari, laisse couler de ses yeux aux pupilles égarées de grosses larmes et, s’il parvient à saisir ma main, il la serre. Je comprends aujourd’hui pourquoi il a voulu se remarier : c’est pour mieux résister aux deux jeunes. Je veux bien l’aider et ni le travail, ni le jeune couple ne me font peur.

Mais j’aimerai bien savoir, moi aussi, ce qu’il mijote dans sa grange. Peut-être y remue-t-il son or comme le vieil avare dont le maître d’école nous a raconté l’histoire ? Il y collectionne les pièces d’or ? Dans ce cas, il serait quand même un collectionneur, mais de la pire espèce, celle des vicieux. Les premiers n’étaient que des maniaques. Oui, il faut que je sache. De toute façon, je dois devancer le Christophe, qui, lui, ne pourra s’empêcher d’aller voir et qui après, déclenchera, je ne sais trop, quelle catastrophe familiale. Cela est si facile. Pensez donc : prendre une clé dans la poche d’un aveugle, en faire un double et profiter de la première occasion pour aller visiter le coffre-fort. Pourquoi pas moi, à l’instant ? Je vais protéger Emile. Sa veste pend au crochet du couloir : il se repose après le déjeuner. Ma vaisselle est faite. Tout le monde est aux champs. Hop allons-y ! C’est maintenant ou jamais. Tant pis.
 
Je vole à travers la cour. Mon coeur bat, mes jambes me portent avec peine. Idiote, n’oublie pas de prendre une lampe dans l’étable avec des allumettes. La clé farfouille dans l’énorme serrure. Ca y est : les gonds grincent épouvantablement. Oh, quel bazar ! Je ne vois que des morceaux de bois, un enchevêtrement de planches, de tables, d’établis. Partout traînent des outils au milieu des copeaux. Tiens un drôle de jouet en bois ! Un bateau à vapeur avec des marins ! Et là, un camion avec des soldats ! Tout est fait avec des pièces de récupération. La poisse me reprend : encore un collectionneur, mais débile cette fois ! Des amusements de gamin bricoleur ! Même si c’est le travail d’un aveugle, c’est vraiment une occupation pas très sérieuse ! Voici une locomotive avec mécanicien et chauffeur et ici, sous ces morceaux de bois, à moitié enfoui dans la sciure, un chevalet de mine avec des mineurs dans leur benne, plus loin un cirque avec trapézistes, clowns ! Tout un monde.
 
Mais comme c’est étrange, ce crocodile sous le camion, sous le bateau, sous la locomotive ! Gueule ouverte, queue tordue comme celui des tee-shirts. Les personnages semblent regarder droit devant eux, au loin. Ils foncent les yeux vides, eux aussi, étonnés, on ne sait vers quel destin. On dirait même qu’ils sourient, énigmatiques sous leur képi ou casquette, je ne saurais décider. Oui c’est un drôle de collectionneur, Emile, si c’est un collectionneur. Je m’y connais. Les autres, c’était des fous de la perfection, le maquettiste qui mettait si méticuleusement ses filets de peinture, le spécialiste des armes qui poursuivait si obstinément la moindre trace de rouille. Là, tout est gauche, assemblé grossièrement, en bois brut, au milieu d’un fouillis invraisemblable. Pourtant ça fait quelque chose, ces machines mystérieuses, ces bonshommes touchants. La lumière incertaine de la lampe tempête les fait bouger. Vers quels horizons sont-ils tendus, ces marins, ces soldats, ces clowns ? On se prend d’inquiétude pour eux. Mais si c’était nous, les personnes d’aujourd’hui, moi, les autres, qui étions là en train d’aller au diable, guidés, poussés par le crocodile, véritable moteur, là, par en dessous ?
 
— Qui est là ?
Je me retourne. Emile se tient sur le seuil. « C’est toi Augustine ? Alors, tu n’as pas pu résister ! Tu connais la sanction. Tu fais tes affaires et tu quittes la ferme, tout de suite.
— Attends, Emile, pardonne-moi. Je me jette à tes pieds, mes bras autour de tes genoux. Je voulais devancer Christophe. Je savais qu’il allait venir par curiosité, aussi par méchanceté, pour prendre, s’il y avait de quoi, pour t’humilier, s’il ne trouvait rien d’intéressant. »
Me voilà entourant ses jambes, pleurant, hoquetant.
— Alors, il y a quelque chose d’intéressant ?
Son visage prit un air d’enfant inquiet, suspendu aux lèvres de sa mère. Puis il se ferma et déclara, brutal :
— Tu connais nos accords, tu connais la sentence. Va-t-en. Prends tes affaires et va-t-en !
Je me colle à lui, prise d’un accès de tendresse un peu folle. Je l’embrasse, écrase mon visage dans ses vêtements. Il ne reste pas indifférent.
— Bien, je vais partir, mais tu sais, Emile, ce que tu as sculpté là est, c’est merveilleux et je garderai une image inoubliable de toi et de tes bonshommes. Toi, tu ne peux pas voir comme c’est beau !
Ces mots, je ne les calcule pas et parle selon mon coeur
— C’est vrai, ce que tu dis ? Tu le sens vraiment… ?
 
Il prend mes mains qui tremblent dans les siennes ; il les pose sur chacune des machines. Nous les explorons ensemble, son corps près du mien, doigts noués sur les mêmes morceaux de bois. C’est lui, l’aveugle, mon guide. Il se déplace, saisit les objets, groupe sculpté à palper, ou planches, outils qu’il faut écarter, avec une sûreté étonnante. On dirait qu’il me fait entrer dans un monde enchanté. Le sien. A la fin de notre voyage dans tous les recoins de la grange où je sens toujours naître d’autres machines, d’autres bonshommes sous mes doigts, ses mains sont remontées vers mes joues. Il touche mes larmes.
— Merci. Reste ! »
 
Tout à coup, les yeux des crocodiles se mirent à briller, leur queue à frétiller, puis toutes les mécaniques de bois s’illuminèrent ; les manèges du cirque se mirent à tourner ; des musiques s’élevèrent de tous les coins. La vaste obscurité fut trouée de taches lumineuses, les groupes sculptés, comme des icônes ou des santons furent entourés d’une gloire irisée et tremblante. Emile prit Augustine dans ses bras, la serra contre lui. Ils échangèrent un baiser et soudain, il cria : « Je te vois, je les vois ! ».
 
Ai-je rêvé cela ? Non, Emile est à côté de moi, dans notre grand lit à baldaquins et falbalas et me regarde en souriant.
 
 
 
II. La petite pute
 
 
 
— Alors, cher ami, où en êtes-vous ? Montrez-moi les chambres de vos nouveaux pensionnaires !
Le Directeur du Bureau de Bienfaisance de la Ville, rougeaud, en costume trois pièces, la chemise débordant de la ceinture, avait mis son bras sur les épaules de Philippe qui était le Responsable de ce centre d’accueil. Résigné le petit homme roux, aux yeux de chien battu, frappa à la première porte.
— Comment se fait-il que cette porte soit fermée de l’intér

Voir icon more
Alternate Text