Dynamiques religieuses des autochtones des Amériques , livre ebook

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Publié par

Date de parution

01 janvier 2012

Nombre de lectures

0

EAN13

9782811106997

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

3 Mo

SOUS LA DIRECTION DE Màrie-Pierre Bousquet et Robert R. Crépeàu
Dynàmiques religieuses des àutochtones des Amériques
Religious Dynâmics of Indigenous People of the Americâs
KARTHALA
DYNAMIQUES RELIGIEUSES DES AUTOCHTONES DES AMÉRIQUES
.
KARTHALAsur Internet : http://www.karthala.com Paiement sécurisé
Couverture: Célébration du grand riteKikikoia, dit Fête des morts, par les Kaingang de la Terra Indígena Xapecó, Brésil. Photo Robert R. Crépeau.
© ÉDITIONSKARTHALA, 2012 ISBN : 978-2-8111- 0699-7
SOUS LA DIRECTION DE Marie-Pierre Bousquet et Robert R. Crépeau
Dynamiques religieuses des autochtones des Amériques Religious Dynamics of Indigenous People of the Americas
Éditions KARTHALA 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
Introduction
Actualisation du religieux et appropriation du christianisme 1 dans les Amériques autochtones
Robert R. CRÉPEAUet Marie-Pierre BOUSQUET
2 Le projet de ce livre est né au sein d’une équipe de chercheurs qui s’intéressent depuis de nombreuses années aux sociétés et traditions reli-gieuses amérindiennes et inuit. Fruits de plusieurs rencontres et de deux colloques internationaux, où se sont joints d’autres interlocuteurs, les textes réunis dans le présent ouvrage entendent permettre une compréhen-sion inédite de l’évolution et des transformations des paysages spirituels autochtones contemporains dans diverses régions des Amériques : l’aire circumpolaire, le nord-est américain, l’ouest du Canada, la Mésoamérique et l’Amérique du Sud. Nous avons accordé notre intérêt tant aux religions institutionnalisées qui se sont introduites avec le colonialisme (catholi-cisme, anglicanisme), qu’aux religions plus récemment implantées (nouveaux prosélytismes et pentecôtismes) et aux spiritualités en réémer-gence ou actualisées (chamanismes, rituels, spiritualités « œcuméniques » de type panindienne).
1. Nous tenons à remercier les personnes et les organismes qui ont contribué à l’élabora-tion du présent ouvrage : M. Joseph Hubert et le Vice-rectorat à la recherche de l’Université de Montréal, M. Yves Murray du Vice-décanat à la recherche de la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal, Solange Lefebvre et le Centre d’études des religions de l’Université de Montréal, le Fonds québécois de recherche sur la société et la culture (FQRSC), ainsi que Marie-Andrée Burelle, Sophie Lemoyne-Dessaint, Franzisca Moller, Clinton N. Westman et Bryn Williams-Jones pour la révision et la traduction de certains textes. 2. L’équipe de recherche a été formellement mise en place en 2005, grâce à une subven-tion du Fonds québécois de recherche sur la société et la culture (FQRSC), renouvelée en 2009. Dirigée depuis le début par Robert R. Crépeau, elle est composée de Frédéric Laugrand, Sylvie Poirier, Marie-Pierre Bousquet, Jean-Guy Goulet et Louise I. Paradis.
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DYNAMIQUES RELIGIEUSES DES AUTOCHTONES DES AMÉRIQUES
Les concepts de « religion » ou de « phénomènes religieux » chez les Amérindiens et les Inuit contemporains sont associés à des idées contra-dictoires puisqu’ils évoquent à la fois la tradition et l’emprunt culturel forcé. Les auteurs de cet ouvrage conçoivent les phénomènes religieux ou spirituels comme un rapport collectif à une matrice de sens qui renvoie ultimement à des ontologies relationnelles s’actualisant dans le dialogue et la négociation avec les ancêtres et les non-humains afin d’assurer la permanence de l’ordre sociocosmique. Dans le contexte postcolonial et postmoderne actuel et face aux forces de la mondialisation, plusieurs systèmes religieux cohabitent et s’enchevêtrent dans les communautés autochtones pour donner lieu à une multitude de combinaisons, si bien qu’il n’est habituellement plus possible de délimiter les univers en présence, par exemple le catholicisme, le pentecôtisme, la spiritualité ancestrale ou le panindianisme. Dans le monde contemporain, les autoch-tones doivent sans cesse se réinventer pour rester fidèles à ce qu’ils sont. La revendication d’une spiritualité différente comme moyen de s’identi-fier peut être vue comme une stratégie politique, mais aussi comme un moyen d’exprimer ce qui fait la spécificité des autochtones par rapport aux autres. La spiritualité peut également être comprise comme un langage, utilisé pour dialoguer et pour négocier, que comprennent les allochtones (textes de Bousquet, Jérôme, Lemoyne-Dessaint, Paradis et Marquez). Les références religieuses dans les discours identitaires et politiques se sont largement développées et multipliées chez les autochtones depuis les années 1970 et permettent la relecture du passé dans un contexte de mondialisation, de maux sociaux endémiques et de problèmes environne-mentaux. Les concepts de dualisme religieux, d’acculturation, de transfert culturel, ou même de résistance apparaissent statiques, problématiques et largement inadéquats pour rendre compte des dynamiques complexes et de la fluidité des mouvements en présence. Les textes de cet ouvrage inci-tent donc le lecteur à revoir les catégories avec lesquelles compose l’ethnologie en concevant notamment les dynamiques religieuses en termes de continuité transformative du tissu social amérindien et inuit. Les revendications amérindiennes et inuit contemporaines paraissent éloignées de l’essentialisme dénoncé actuellement par les positions cosmopolites et transnationales associées à la mondialisation néo-libérale. Que la tradition soit inventée, bricolée et constamment actualisée nous semble désormais un acquis de la discipline ethnologique. Or, en dépit de cette évolution, les revendications politiques, économiques et identitaires des communautés autochtones sont encore trop souvent perçues comme prêtant le flanc à un certain essentialisme : recherche de pureté, d’authen-ticité, déficit de validité historique, replis sur soi-même, etc. (textes de Goulet, Gélinas et Vachon, Langdon et Rose, Litaiff, Morissette).
INTRODUCTION
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En revanche, nous constatons que l’idéologie et les pratiques amérin-diennes et inuit, notamment religieuses, consistent à établir une singula-rité et non une essence, singularité associée à une politique de la recon-naissance de la distinction qui implique un collectif compris et défini en fonction de son insertion dans un contexte pluraliste. Par exemple, bien que les Inuit s’identifient aujourd’hui comme des chrétiens et que les observateurs occidentaux annoncent la disparition des traditions chama-niques depuis plus d’un siècle, la situation contemporaine paraît beau-coup plus complexe, en ce sens que ces héritages se juxtaposent en même temps qu’ils se transforment mutuellement, le contexte jouant ici un rôle clé. Même si les Inuit s’approprient profondément le christianisme, leurs traditions chamaniques n’ont pas pour autant complètement disparu et elles demeurent susceptibles de s’exprimer dans d’autres codes et registres. La vivacité de certaines traditions, comme l’éponymie et la dation des noms, les conceptions du rêve, les expériences avec les non-humains, témoigne de cette malléabilité du religieux (Laugrand et al. 2006, et Laugrand et Oosten, ce volume). Chez les Algonquins (Anicinabek), le pouvoir des institutions exogènes, se faisant notamment les véhicules d’une certaine spiritualité panindienne, est questionné par une partie de la population. Ces résis-tances apparaissent de nature spirituelle et semblent contester l’imposi-tion de structures de pensée allogènes. Il existerait, à titre d’hypothèse, un champ récessif de compréhension métaphysique du monde tellement incorporé dans les schèmes de pensée algonquins qu’il permettrait de questionner la légitimité de l’ordre établi par les institutions religieuses (Bousquet 2007 et ce volume). Les Inuit et les Algonquins ainsi que les autres peuples dont il est question dans cet ouvrage en appellent moins à la modernité ou aux valeurs nostalgiques d’un passé révolu qu’à l’actuali-sation de leurs propres traditions dans un contexte pluraliste en pleine transformation. Robbins (2007, 2009) propose le développement d’une anthropologie du christianisme qui prendrait au sérieux l’influence des catégories chré-tiennes sur la culture des convertis. Il ne fait aucun doute que le christia-nisme est bien implanté dans les communautés décrites ici et qu’il en a transformé la vie de façon importante. Il s’agit d’appropriations locales du christianisme qui se modulent selon les dynamiques collectives et les perspectives individuelles. En ce sens, les textes s’intéressent à la façon dont les autochtones traduisent et s’approprient les catégories, les valeurs et les pratiques du christianisme, une approche qui rappelle celle privilé-giée par la littérature consacrée à la religion populaire dans différentes régions du monde. En effet, cette littérature conçoit les manifestations de la religion populaire comme le phénomène premier, et non comme un simple vernis par rapport à la religion officielle des clercs (Audet 1972).
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DYNAMIQUES RELIGIEUSES DES AUTOCHTONES DES AMÉRIQUES
De ce point de vue, le niveau des valeurs est mis en relation avec celui des forces et des puissances invoquées et mises en œuvre ou combattues et bannies. L’alternative ne se situe pas entre la continuité ou la disconti-nuité des valeurs et des pratiques, encore un dualisme réducteur, mais du côté d’une troisième voie qui est celle de la continuité transformative qui consiste en l’actualisation locale et contextuelle des forces en présence (textes de Crépeau, Westman, Wiik). Du point de vue autochtone, les notions de force, d’énergie et de pouvoir expriment une appréhension du religieux en tant que source primordiale de puissance. Ainsi, le chamanisme, même lorsqu’il n’est plus le système dominant d’appréhension du monde, constitue toujours un important aspect des spiritualités amérindiennes. Vilaça et Wright (2009 : 13) font le même constat lorsqu’ils affirment que le chamanisme « continues to be the key domain for understanding the experience of Christianity ». En ce sens, il n’est pas étonnant de constater l’ambiva-lence de plusieurs convertis à l’égard du chamanisme puisque sa persis-tance découle des forces immanentes, notamment celles des non-humains, que ce dernier est toujours susceptible de mobiliser de façon plus effective que les nouvelles religions (textes de Bousquet, Colpron, Crépeau, Langdon et Rose, Laugrand et Oosten, Wiik). Ces nouveaux phénomènes défient l’analyse en ce qu’ils mettent au jour la possibilité et la capacité qu’ont les peuples autochtones de composer avec plusieurs identités et traditions religieuses. L’adoption d’un système religieux sur le plan individuel doit être mis en corrélation avec les générations concernées, le poids des agents coloniaux, la dyna-mique sociopolitique locale et, très souvent, de complexes processus de guérison individuelle et collective. En effet, le religieux apparaît dans ces contextes comme un enjeu de mémoire qui relève apparemment moins des réalités ultimes et transcendantes des grandes religions historiques (Cannell 2006) que d’un ordre cosmologique immanent présidant aux destinées individuelles et collectives (Crépeau 2008 et ce volume). Une conception bien exprimée par le Sioux Vine Deloria jr. : « Religion (…) is a force in and of itself and it calls for an integration of lands and people in harmonious unity… » (cité in Smith 2006 : 7). De nouveaux réseaux d’échanges et de solidarités résultent d’une transformation significative de la personne et du tissu social amérindiens e et inuit au cours de la deuxième moitié du XX siècle et participent aujourd’hui en profondeur à la restructuration de ces groupes, tant du point de vue interne qu’externe, compte tenu des liens qu’ils construisent continuellement avec les sociétés régionales et nationales qui les entou-rent. Par une curieuse inversion, l’expérience religieuse n’apparaît plus comme un facteur de déstructuration mais constitue, au contraire, une source d’inspiration et de puissance favorisant la guérison individuelle et
INTRODUCTION
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la reconstruction sociale et politique (textes de Langdon et Rose, Morissette, Wiik). À une époque où les autochtones des Amériques et d’ailleurs multi-plient les échanges spirituels, il n’est pas sans paradoxe de constater combien les chercheurs demeurent mal outillés pour comprendre ces phénomènes contemporains. Ces derniers relèvent non seulement de l’expérimentation locale mais impliquent de plus en plus la participation de leaders religieux et spirituels de communautés voisines et éloignées. Ainsi, chez les Atikamekw de la Haute-Mauricie au Québec, Poirier (2008) et Jérôme (ce volume) ont observé la consolidation des réseaux d’échange et d’alliance entre plusieurs communautés ainsi qu’avec les groupes amérindiens voisins, notamment les Ojibwa et des groupes des Plaines. Ces réseaux recréent en quelque sorte les liens d’échanges qui existaient historiquement entre ces groupes. Cet investissement d’un nombre croissant d’Atikamekw, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, dans ce renouveau rituel qui débuta au milieu des années 1980, est aussi étroitement lié au processus de guérison sociale, en même temps qu’il a une incidence sur les structures décisionnelles locales. À l’automne 2004, le chamane équatorien Ricardo Tsakimp, président fondateur du Conseil desUwishin(chamanes) Shuar de l’Amazonie équa-torienne, a visité des communautés atikamekw et abénakises du Québec. Lors de ces visites, il a effectué un travail spirituel de guérison qui impli-quait l’usage de l’ayahuasca, un breuvage hallucinogène typique de la pratique chamanique du Haut Amazone. Lors d’une conférence prononcée à l’Université de Montréal, Ricardo Tsakimp a affirmé qu’il désirait permettre aux communautés visitées de bénéficier d’une force et d’une énergie additionnelles, notamment en relation à la problématique du suicide des jeunes atikamekw. De telles expériences sont de plus en plus fréquentes. Mentionnons également les liens que tissent des leaders innus de la Basse-Côte-Nord du Québec avec les Galibi de Guyane fran-çaise ou les Kayapó d’Amazonie brésilienne, les cures qu’orchestrent des chamanes Shuar Jivaro dans des communautés du Québec et de l’Ontario et les cultes évangéliques que répandent des groupes fidjiens dans l’Arctique ou des groupes coréens dans le subarctique (textes de Jérôme, Laugrand et Oosten, Lemoyne-Dessaint). Incidemment, plusieurs chercheurs constatent que la « spiritualité » est devenue un sujet à la mode, tant chez les populations autochtones elles-mêmes que chez les anthropologues et le grand public (Francfort et Hamayon 2001, Galinier et Molinié 2006, Jenkins 2004, Laugrand et Delâge 2008, Miskimmin 1996, Rostkowski 1998). Il ne s’agit plus, ou pas seulement, d’adeptes occidentaux de mouvements de la contre-culture en quête de sensations fortes ou de réponses spirituelles auprès de maîtres à penser exotiques. Il ne s’agit pas non plus seulement de prosélytes
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