98
pages
Français
Ebooks
2009
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2009
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Publié par
Date de parution
15 décembre 2009
Nombre de lectures
216
EAN13
9791022501873
Langue
Français
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Date de parution
15 décembre 2009
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216
EAN13
9791022501873
Langue
Français
Les Éditions Albouraq
– Études –
La philosophie du Coran
Dar Albouraq ©
– Face à l’Université d’al-Azhar-Beyrouth –
B.P. : 13/5384
Beyrouth-Liban
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Tous droits de reproduction, d’adaptation ou de traduction, par quelque procédé que ce soit, réservés pour tous les pays à l’Éditeur.
1428-2007
ISBN 978-2-84161-346-5- EAN 9782841613465
PHILIPPE QUESNE
La philosophie du Coran
Albouraq
« …le fait d’engendrer un autre être semblable à lui, l’animal un animal, la plante une plante, de façon à participer à l’éternel et au divin autant que possible ; tous, en effet, tendent au divin, et c’est à cette fin que visent toutes leurs actions quand elles suivent la nature…Vu, donc, l’impossibilité d’avoir part à l’éternel et au divin de manière continue – du fait qu’aucun être corruptible ne peut conserver identité et unité -, chacun y a part dans la mesure de ses moyens, l’un plus, l’autre moins ».
Aristote, De l’âme, 415b
AVANT-PROPOS
Une idée domine l’Occident quant au Coran : d’un monothéisme strict, il est néanmoins d’un monothéisme pauvre, car il n’apporte rien de nouveau à la formulation antérieure du monothéisme. On veut bien lui reconnaître sa rigueur monothéiste, mais pour lui dénier toute créativité religieuse. Or, de même que la Thora fait de la Loi le moyen terme entre Dieu et l’homme, de même que les Évangiles font de l’Incarnation ce même moyen terme, de même le Coran renouvelle profondément cette relation entre Dieu et l’homme, en faisant du monde entier ou de la nature ce moyen terme : ni incarné en un seul homme venu une fois, ni audessus du monde sous la forme d’une Loi révélée une fois, Dieu est à appréhender partout et en tout temps dans la nature, comme ensemble de signes et comme création.
Une autre idée domine la perception musulmane du Coran : il est la Loi de Dieu. Il y a de nombreuses raisons historiques à cette perception, mais une lecture naïve du Coran, qui en retrouve la fraîcheur en faisant l’économie de l’histoire juridico-politique de l’islam, ne peut se satisfaire d’une telle perception : le nombre de versets à contenu purement législatif est dérisoire par rapport l’ensemble du Coran, qui expose bien plutôt un message spirituel nouveau, une idée nouvelle.
Cette idée centrale est illustrée par ce schéma qui revient sans cesse dans le Coran : la pluie pénètre la terre et fait pousser tout ce qui se trouve à sa surface, l’homme pénètre la femme et cela donne naissance à l’enfant, la sourate pénètre dans le cœur et fait naître les actes de l’homme ; mais à chaque fois, dans les entrailles de la terre, dans celles de la femme ou dans celles du cœur de l’homme, quelque chose se passe qui est proprement inaccessible à l’homme, de l’ordre de la germination, de l’événement, de la croissance, et que nous appelons création. Ou encore, qu’au point même du plus grand approfondissement de la nuit, au moment où elle devient nuit noire, où plus rien ne se voit pour l’homme et échappe à sa vigilance, le jour se mette à poindre, voilà un autre signe de l’inaccessibilité de la création à l’homme, bien qu’elle soit présente et active au sein de la nature.
De la même manière, l’homme y est appréhendé entre l’héritier qui jouit des dons et le gérant qui doit à nouveau les donner dans la voie de l’utilité sous peine d’en étouffer, entre l’usure qui accumule, calcule et dissimule, et le gaspillage qui ostente, disperse aux quatre vents et se perd, entre le solide, de la pierre à l’argile, et le liquide, goutte, torrent ou ruisseau. L’Antiquité philosophique a fait tendre une grande partie de ces efforts vers ce concept de juste mesure : l’expression qu’on en trouve dans le Coran est à la fois rigoureuse, simple et magistrale. C’est par cette juste mesure que l’homme trouve sa place au sein de la création.
En évitant le plus possible les effets pervers des présupposés occidentaux ou musulmans sur le Coran, cet ouvrage voudrait tenter d’identifier les figures centrales du Coran, et de cerner la pensée fondamentale qui s’agite derrière elles : création, juste mesure, croissance, corps, signes, telles sont les coordonnées de cette pensée.
INTRODUCTION
Une des convictions qui anime ce commentaire est que l’image dressée du Coran et de la religion musulmane par la culture judéo-chrétienne dans son ensemble est fausse. Il ne faut d’ailleurs pas s’en étonner ou s’en scandaliser, étant donné que l’histoire du rapport entre les deux cultures est l’histoire d’un conflit durable, où la perception de l’autre ne peut être que déformée. Les penseurs judéo-chrétiens dans leur ensemble s’accordent peu ou prou pour voir exposée dans le Coran une religion de l’abstraction monothéiste : la conception du Dieu unique qui s’y trouve consignée est juste, et en ce sens fidèle au noyau des fois monothéistes que sont le christianisme et le judaïsme, mais elle est en même temps extrêmement pauvre et sèche, car elle laisse Dieu dans son unicité et sa transcendance, hors du monde, et l’homme seul dans l’application d’un rituel et de commandements dépourvus de spiritualité. Une telle unicité ne pourrait donc se combiner, pour l’homme, qu’avec la plus stricte obéissance aux lois que Dieu lui a léguées, sans plus de réflexion ou de spiritualité. Non loin du fétichisme et de la superstition, une telle religion se caractériserait essentiellement par l’absence de médiation vivante entre Dieu et l’homme. Elle serait incapable de faire vivre l’homme en Dieu, et Dieu en l’homme, elle manquerait des médiations qui sont fortement présentes dans le judaïsme ou le christianisme, qu’elles prennent la forme de la loi et de la lettre ou de l’incarnation. Au mieux, mais dans le même ordre d’idées tout compte fait, la culture judéo-chrétienne fait de l’islam une religion naturelle ou une religion rationnelle, appréciant en elle justement le fait qu’elle a élagué tous les éléments de médiation.
S’opposant à cette vision des choses, l’auteur de ce commentaire est convaincu que le Coran est le livre sacré monothéiste le plus fort et le plus cohérent, à la fois par sa précision, par sa clarté rationnelle, par sa simplicité, par son refus d’admettre les facilités de la loi ou du commandement imposé sans raison, ou encore celles du miracle inexpliqué de l’incarnation et de la résurrection. Le Coran ne néglige ni la loi ni la résurrection, ni même une certaine dimension de l’incarnation – de la présence, mais il replace ces médiations dans une médiation plus haute, celle de la nature, du monde, dans lequel la puissance de Dieu se manifeste et éclate. En prenant pour médiation non pas une seule chose, que ce soit la loi ou l’incarnation, mais au contraire la totalité, le Coran veut aussi rendre claire pour l’esprit, explicable, rationnelle, cette médiation, et du même coup les médiations antérieures du monothéisme. Autrement dit, le Coran, en universalisant la médiation entre Dieu et l’homme, permet de rendre compte du caractère à la fois limité et superstitieux des médiations antérieures : si la médiation entre Dieu et l’homme est un commandement, il faut comprendre pourquoi ; si elle est le miracle de la résurrection, il faut satisfaire aussi à la même exigence de compréhension. En regardant la nature ou le cosmos, en y découvrant à l’œuvre la force de création et de croissance propre à Dieu, sans rien lui ôter de sa transcendance, le Coran permet que la médiation entre Dieu et l’homme soit à la fois totale et rationnelle.
Dans la mesure même de cette conviction que le Coran exprime définitivement le contenu de la foi monothéiste, en lui conférant un caractère à la fois rationnel et universel, l’auteur de ces lignes peut se dire musulman. Bien plus en tous cas que chrétien ou juif.
Pourtant, il doit s’arrêter à mi-chemin dans cet aveu, en raison même de la compréhension qu’ont les musulmans du Coran en règle générale. Car les musulmans identifient le Coran à une loi divine ou révélée. A les entendre, on a l’impression que le Coran, pareil au Pentateuque ou au droit canon, est un recueil de droits, d’obligations, de lois. Disons tout net que cette conception est fausse – aussi fau