Quitte mon double , livre ebook

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Depuis que son mari Philippe, dépressif, séjourne en maison de repos, Claude, libraire, n’est plus tout à fait la même femme. Plus indépendante déjà, son identité s’est aussi modifiée, la plaçant face à une dualité jusque-là inconnue que même ses séances de psychanalyse n’arrivent pas à éclaircir. En outre, la présence, fréquente, insistante, sur son lieu de travail d’un homme répondant au nom de Denis n’est pas sans la laisser totalement insensible ou la magnétiser. Enfin, l’attitude complice et taquine de sa patronne, Marguerite, à ce sujet de causer une certaine forme d’exaspération ou de défense chez elle... Le retour de Philippe à la maison aurait pu solutionner ce trouble qui gagne son âme, aurait dû la faire revenir à un état familier... il n’en sera rien, et c’est presque malgré elle qu’elle verra tous ses cadres voler en éclats, son couple se déliter, et toute son existence projeter dans un univers tissé de symboles et d’éléments parapsychologiques, rythmé par les astres.

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Publié par

Date de parution

11 juin 2009

Nombre de lectures

0

EAN13

9782748369526

Langue

Français

Vendredi 8 mars 2001. 15 h.

— Chacun son monde, maintenant, mon chéri ! Moi, je vis dans le mien, celui que tu nous as laissé, sans toi, avec les enfants. Je n’aurais jamais cru ça possible. Tu vis dans le tien, ici, à l’hôpital, avec les médecins et les infirmières, loin de nous… Ecoute, on vient de discuter pendant une bonne heure, il ne nous reste qu’une petite demi-heure avant le bus… tu veux encore parler, philosopher ou te reposer ? On se lance dans d’autres mondes imaginaires et utopiques, sans patron contraignant, ni délocalisation, ni croissance, ni rendement à deux chiffres ou on s’occupe un peu de nous, ici, ensemble, rien que tous les deux ?

Elle quitte le fauteuil, s’assoit à côté de lui sur le lit, enlève ses chaussures, allonge ses jambes sur les draps, appuie la tête contre son épaule pendant quelques minutes en lui prenant la main et ferme les yeux. Il reste très calme et lui passe de temps en temps la main sur les cheveux.
Claude porte la main à sa poitrine, dégrafe un peu son chemisier et se met plus à l’aise, comme à la maison.

— Je ne te manque pas trop ?

— Tu sais combien tu me manques… mais reviendrai-je un jour comme avant ? Retrouverai-je un emploi que je pourrai assumer ?

— Le médecin vient de m’affirmer que ce n’est plus maintenant qu’une histoire de semaines, deux… trois… quatre au plus. Je continue ?

— Je… je crains de ne pas encore pouvoir… et le service… si…

— Avec un petit sourire et un clin d’œil, la grande infirmière chef du bout du couloir, m’a assurée qu’elle t’appréciait beaucoup et que nous ne serions pas dérangés pendant toute ma visite… Même en prison, dit-elle, une certaine intimité est légalement permise entre époux.
— C’est vrai que Jeanine est très humaine.

Claude s’approche du visage amaigri de Philippe et l’embrasse avec douceur et tendresse. Elle ouvre un peu plus son chemisier pour qu’il puisse toucher sa peau et placer sa tête sur sa poitrine. Elle le garde dans ses bras comme pour lui rendre un peu de toute l’énergie qui s’est échappée de lui lors de l’annonce de son licenciement. Philippe n’esquisse pas le moindre geste d’affectivité ni de sensualité à son égard. Leur conversation l’a épuisé. Elle baisse son regard pour masquer sa déception, se dégage doucement, ajuste sa jupe, enfile ses chaussures et voile le haut de son corps qu’elle venait de proposer une nouvelle fois à son mari. Philippe peine encore pour quitter son oreiller et s’asseoir sur le bord du lit au moment du départ de son épouse.
Devoir prendre systématiquement l’initiative des relations amoureuses avec son mari, marque une phase nouvelle dans son expérience conjugale. Combien de fois n’a-t-elle pas pesté contre cette prérogative trop souvent unilatérale et masculine ! Avec cette situation imprévisible, un sentiment, nouveau et inconnu de supériorité comme d’indépendance, suit la frustration qu’elle vient de subir. Une jouissance nouvelle que Jess lui avait déjà révélée dans le passé.
Une fine main féminine, débouchant de la manche d’un imperméable beige, saisit avec énergie la poignée de la porte de la chambre. Philipe, toujours assis, visage crispé, se trouve encore loin d’avoir retrouvé toute sa force physique et sa vivacité intellectuelle. Pessimisme et fragilité corporelle règnent encore en maître.

— On se revoit quand ? La semaine prochaine ?

Claude, ficelée dans la ceinture de son habit, la lanière de son sac passée autour du cou, sourit en guise de réponse.

— Je ne m’assume plus, je me sens seul ici et ce n’est plus comme avant !

— Ne m’oblige pas à te répondre par des paroles des chansons de Brel, Ferrat ou je ne sais quel autre chanteur ! Il est temps que je parte. Les enfants vont devoir m’attendre si je te donne une réplique ou une caresse de plus !
— Ah, si les enfants risquent d’attendre, alors je me sacrifie. Vas, cours, vole et les mange !

Philippe n’a tout de même pas perdu tout son sens de l’humour. A 17 heures, dans la cohue de la sortie des classes, deux petits marmots, pardon, à bien regarder, un marmot et une marmotte se précipitent vers la jeune femme.

— Maman, maman, papa va bien ?
— Oui, mes chéris, il va bien, il vous embrasse !

Ce n’est pas sans déplaisir qu’elle transmet, sur les joues de ses enfants, un peu de la sensualité et la tendresse des baisers qu’elle vient d’échanger avec son mari. Ce rôle d’intermédiaire, avec son minimum de responsabilités ponctuelles et son maximum de valorisation globale, l’a toujours séduite. Devant sa progéniture, elle représente soudain, pendant de trop courtes secondes, le père, à distance, avec sa gentillesse, ainsi que la mère, avec sa présence et son amour ! Le père et la mère confondus en un seul lieu, en une seule action, en une seule personne… grâce à elle !

Mercredi 14 h 30. Claude regarde s’éloigner la voiture en charge de Muriel et Pascal. Quelle joie et fierté pour une grand-mère de pouponner à nouveau tout en servant le thé à ses voisines esseulées rendues si jalouses !

La lourde porte de l’immeuble bourgeois du docteur Parfait, s’efface avec lenteur pour laisser un passage à la silhouette contractée et hésitante de la consultante.

— Je ne comprends plus mon mari, sans me le dire, bien sûr, je le sens de plus en plus jaloux des enfants !
— Admettez, Madame Lesage, que, dans l’attente de son nouvel emploi, avec sa dépression, il se retrouve un peu à l’écart, coupé de sa famille et anxieux… le temps que vous consacrez à vos enfants est forcément pris sur le sien…
— Quinze jours… dans quinze jours il recommence ! Il va mieux. Depuis ces deux dernières fois, il reprend un peu de forces, mais le moral ne suit toujours pas.
— Vous allez le voir régulièrement ?

— Oui, une fois par semaine, c’est loin vous savez… j’ai peu de temps avec mon travail et mes enfants ! Je lui consacre le vendredi après-midi à la pause repas de la librairie à 12 h 30. Je mange un sandwich dans le RER, une heure et demie de trajet à l’aller, autant au retour, et les enfants à récupérer sans faute à l’école à 17 h. Je les conduis ensuite chez ma mère pour qu’elle me les garde et me permette de rattraper mes heures de l’après-midi. Je retourne les chercher vers 20 h 30. J’assure le secrétariat et la comptabilité en dehors des heures d’ouverture. Nous arrivons enfin à la maison vers 21 h 30 car il a fallu encore écouter le récit de leurs exploits racontés par ma mère. Mais c’est vrai que si je soustrais le temps des trajets, je ne peux consacrer à mon mari, par semaine, qu’une heure et demie entre 14 h et 15 h 30…

— Vos retrouvailles se passent bien je suppose…
— Bien sûr, comme il se doit, quoi qu’il m’en coûte, je suis vos conseils à la lettre dans le domaine affectif… mais ce n’est plus comme avant ! Maintenant, c’est moi qui dois prendre les initiatives dans tous les domaines, avant, c’était lui !
— Qu’est-ce qui vous gène ?
— C’est plus pareil… ça me plaît et ça me déplaît… comment vous dire, c’est différent, totalement différent ! Maintenant, entre mon mari et moi, c’est uniquement la tête et le devoir qui commandent. Comment voulez-vous avoir vraiment envie d’un homme couché, malade et sans énergie ? Ce n’est plus le Philippe que j’ai épousé, il ne me parle presque plus et se montre très peu sensible à ma présence physique.

— Pardon Madame Lesage mais vous souvenez-vous de nos premières séances ? Vous m’avez avoué, qu’il y a quatorze ans, vous acceptiez à peine de vous dévêtir devant votre mari, vous évitiez au maximum les rapports sexuels en souhaitant y prendre le moins de plaisir possible, tout cela par respect et amour pour votre dieu, conformément aux principes stricts de votre éducation !
— C’est vrai, mais ce refus initial, un peu excessif et stupide qu’on avait imposé à presque tous les jeunes de mon époque m’a donné le temps de découvrir mon mari, même en me sentant un peu coupable. Perdre cette honte de la sexualité n’a pas été facile. Même maintenant… Il en reste toujours quelque chose. Je viens d’avoir quarante deux ans, je suis en bonne santé physique, je fais du sport et mène une vie aussi saine que possible. J’aime mon mari et mon métier à la librairie. Ma patronne m’apprécie et me confie de plus en plus de responsabilités tout en me laissant organiser mon travail à ma guise. Mais, pourtant, quelque chose ne va plus en moi. Je viens aujourd’hui pour que vous m’aidiez et m’expliquiez ce qui m’arrive. Je vis… je vis… depuis quinze jours… mais par… tranche… d’une demi-heure ! Toutes mes heures de veille je précise, car pendant mon sommeil, je ne sais pas. Toutes mes heures de veille se divisent maintenant en deux parties : la première, il faut que je donne ou que je me donne d’une manière ou d’une autre, la seconde… il faut que je prenne ou reçoive sur un plan ou un autre ! Tout mon emploi du temps se modifie peu à peu, de gré ou de force. Si je ne respecte pas, au mieux, cette alternance, un mal de tête démarre à la base de la nuque et m’enserre complètement. Nulle médecine ne peut plus alors atténuer la douleur. Seule mon attitude intérieure arrive à m’en libérer après avoir obéi à l’alternance de rythme qui me prend.

— Vous êtes la première à me parler de ce phénomène.

— Pensez-vous, docteur, que les femmes vous disent bien tout ce qu’elles ressentent en tous domaines ?

— Je les y encourage pourtant par tous les moyens que me permet ma profession.
— Et bien, voyez… la douleur vient de commencer, il faut que je change d’attitude ou de conditionnement sinon vous connaissez la suite…
— Mais suivez votre ressenti, en n’oubliant pas désormais de me fournir le tracé et déroulé de vos « états d’âme » dès le début de chaque séance.
— Merci pour votre compréhension docteur. Je dois vous avouer que si vous n’aviez pas accepté cette donnée nouvelle, j’aurais dû mettre fin à ma thérapie avec vous !
— Et ce serait perdre toutes ces années d’efforts. Je suis toujours à votre écoute et à votre service Madame Lesage.

Soulagée, Claude se lève, réajuste un pe

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