Réformisme et esclavage à Cuba , livre ebook

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Penser les idées qui condamnent la traite négrière en termes de pure philanthropie restreint considérablement l'analyse que l'on peut tirer de l'avènement de celles-ci. Mésestimer l'influence d'un réseau de facteurs politiques (qu'ils soient nationaux ou internationaux), économiques, sociaux, moraux, pour comprendre le progressisme apparent et les non-dits sur lequel il repose, mais aussi les freins et replis auquel il a dû faire face, consisterait à oblitérer, naïvement et dangereusement, des pans d'analyse indispensables à la pleine compréhension de ces mouvements, de leur essor à leur impossibilité. Un confinement auquel se soustrait la présente thèse de Karim Ghorbal, portant sur le réformisme défendu par certains acteurs créoles cubains au cours de la décennie 1835-1845. Replaçant les principaux protagonistes dans un contexte mondial marqué par l'essor de la Révolution Industrielle et les dernières palpitations de l'empire colonial espagnol, dans une société stratifiée où la part des esclaves est écrasante et où les révoltes grondent, ne les dégageant jamais des intérêts qui étaient les leurs, le chercheur élabore une réflexion nuancée et iconoclaste sur les soubresauts qui ont marqué la vie cubaine de la moitié du XIXe siècle. Mettant en exergue les ambiguïtés et les paradoxes de l'élite réformiste de Cuba, tout en soulignant ses conflits avec d'autres classes, terrorisées à l'idée de perdre leur suprématie, la thèse, époustouflante de précision et d'acuité, de Karim Ghorbal explore les lignes de faille d'une société esclavagiste qui arrivait à bout de souffle, divisée entre inertie et progressisme. Relevant d'une critique acérée et intransigeante, hostile à toute glorification ou hagiographie, mais soucieuse de déceler les tensions et remous qui se sont propagés à la Perle des Antilles, elle impressionne par sa rigueur impeccable.

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Date de parution

12 novembre 2009

Nombre de lectures

1

EAN13

9782342048353

Langue

Français

Réformisme et esclavage à Cuba
Karim Ghorbal
Publibook

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Réformisme et esclavage à Cuba
 
 
 
 
Introduction
 
 
 
La question de l’esclavage a ceci d’intemporel que ses traces dans le passé colonial se font encore sentir de nos jours. Cette thématique, en effet, loin de se cantonner à une période révolue de l’histoire a laissé une empreinte indélébile – bien que souvent inconsciente – dans les esprits contemporains. Etudier l’esclavage ne se résume pas à examiner les rouages de « l’institution particulière » 1 , comme s’il s’agissait d’un phénomène clos et n’ayant aucune répercussion sur la société dans laquelle il a cours, c’est interroger chacun des aspects, sociaux, économiques, politiques et culturels de ladite société. Dans aucun pays d’Amérique espagnole, l’esclavage n’a été aussi ancré et massif qu’à Cuba. La « Perle des Antilles », a connu un développement relativement différent de celui des anciennes colonies de la couronne d’Espagne en Amérique qui, en dépit de leurs spécificités, partagent la caractéristique commune d’avoir gagné leur indépendance au cours des années 1810-1825. Cuba – avec Porto Rico – est restée en marge de cet élan libérateur ce, malgré les efforts de certains de ses fils (des propriétaires de Trinidad et de Puerto Príncipe – l’actuelle Camagüey – notamment) 2 pour accrocher la locomotive conduite par Bolivar. La forte proportion d’esclaves dans l’île a été, sans l’ombre d’un doute, l’un des facteurs majeurs qui expliquent la « non-indépendance » de Cuba à cette époque.
Le phénomène esclavagiste ne peut guère être circonscrit au rapport de maître à esclave, exprimé en terme de propriété, car, comme le précise Claude Meillassoux, «  pour concevoir l’esclavage comme système, c’est-à-dire éventuellement comme mode de production, il faut qu’il y ait continuité des rapports esclavagistes, donc que ces rapports se reproduisent organiquement et institutionnellement d’une manière telle qu’ils préservent l’organisation sociopolitique esclavagiste, donc qu’ils mettent en relation des groupes sociaux dans un rapport spécifique et sans cesse renouvelé, d’exploitation et de domination  » 3 . Eugène Genevose signale, pour sa part, que l’esclavage ne peut être réduit à «  un simple système de contraintes extra-économiques conçu pour arracher un surprofit aux travailleurs noirs  » 4 . Bien que cet aspect soit patent, les implications de l’esclavage sont autrement plus profondes et étendues. Le système social complexe issu de « l’institution particulière » a produit, toujours selon Genovese, «  une classe de propriétaires d’esclaves douée d’une idéologie et d’une psychologie propres, et nantie des moyens politiques et économiques nécessaires pour imposer ses valeurs à toute la société  » 5 . Toutefois, à une époque déterminée, précise-t-il, «  des pressions tant internes qu’externes [ébranlèrent] les assisses matérielles du pouvoir des propriétaires d’esclaves, (…) le système social [fut] en butte à des contradictions qui lui étaient inhérentes [et] l’économie [fut] incapable de s’accommoder de réformes tant que l’esclavage subsisterait  » 6 . C’est à partir des années 1830 que certains intellectuels et propriétaires créoles prennent conscience du fait que le mode de production esclavagiste cubain, s’il n’est pas encore menacé dans ses fondements, risque, à terme, de devenir obsolète sur le plan économique, sans compter les problématiques sociales, politiques et diplomatiques soulevées par le système.
Pour comprendre la crise qui se profile au début des années 1830, il convient de revenir quelques décennies en arrière, au XVIII e siècle, en considérant les trois événements qui allaient façonner le devenir colonial et esclavagiste de Cuba. En 1762, les troupes britanniques occupent La Havane pendant plusieurs mois. Ce contact des propriétaires créoles avec la Grande-Bretagne, à l’aube de la révolution industrielle, ne sera pas sans conséquences. Lorsque les Etats-Unis deviennent indépendants, en 1776, ces mêmes propriétaires prennent toute la mesure de la proximité d’un immense marché libre. Enfin, la Révolution des esclaves dans la partie française de Saint-Domingue, en 1791, et la destruction des richesses agricoles de l’île qui s’ensuit, permettent à Cuba de devenir le premier producteur de sucre mondial. Cette ouverture vers le progrès et les richesses eut pour conséquence contradictoire de faire de Cuba une colonie de plantation de plus dans l’archipel caribéen, tenue, pour cultiver ses champs de canne notamment, de déporter toujours plus d’esclaves africains. L’institution esclavagiste qui existait sur l’île depuis les premiers temps de la conquête, prend alors une dimension telle qu’elle conditionne en grande partie le processus de formation de la nation cubaine. Le formidable essor de la société esclavagiste, au cours de la période 1762-1845, met en exergue les contradictions de la société coloniale dans son ensemble. L’esclavage déterminait l’ensemble des rapports sociaux inhérents à la colonie, qu’il s’agisse de ceux qui opposent les Blancs aux Noirs et les créoles à la Péninsule.
Le mouvement que l’historiographie a coutume d’appeler les Lumières Réformistes Cubaines, émerge précisément après la Révolution de Saint-Domingue. Il est composé de créoles nés au moment de la prise de La Havane par les Anglais. Le principal représentant des grands propriétaires réformistes – en tout cas pour ce qui est de la capitale cubaine – est sans conteste Francisco de Arango y Parreño. En 1792, dans son « Discurso sobre la agricultura de La Habana y medios de fomentarla », il expose un projet économique et social qui prévoyait notamment la liberté du commerce des esclaves, la modernisation de l’agriculture, le développement technologique de la manufacture sucrière, le développement scientifique de la colonie, la liberté de commercer avec les ports espagnols et d’autres pays, ainsi que l’allégement des taxes et des impôts sur les importations et les exportations cubaines. Cette première génération de réformistes créoles, constituée en majeure partie de physiocrates, qui n’avait d’yeux que pour le sucre et le café, entendait décupler ses richesses en s’appuyant essentiellement sur une main-d’œuvre esclave originaire d’Afrique.
Au début du XIX e siècle, en 1802 précisément, un nouveau courant réformiste voit le jour autour de l’Evêque de La Havane, Juan José Díaz Espada y Fernández de Landa. S’opposant à l’esclavage et à la plantation comme système économique, Espada montra la voie à quelques économistes et intellectuels créoles progressistes qui reprirent ses conceptions, notamment à partir des années 1830. L’Evêque de La Havane avait deux lieux de prédilection pour diffuser ses idées : le Séminaire de San Carlos et la Société Economique des Amis du Pays. Par contraste avec le premier mouvement réformiste (la génération de Arango y Parreño), les desseins du nouveau groupe s’orientèrent plus vers les sphères sociales et intellectuelles qu’économiques. De ce nouveau courant, naîtront deux ailes aux intérêts divergents : la première, menée par Juan Bernardo O’Gavan, affichera une conception clairement esclavagiste et favorable à la traite négrière, davantage encore que la génération de 1792. L’autre, qui s’inscrit dans la lignée de la pensée d’Espada, s’affirmera contre le trafic, critiquera l’esclavage (sans toutefois réclamer l’abolition, sauf exceptions) et sera partisane d’une politique agricole diversifiée. 7 Ce dernier mouvement réformiste, objet de cette thèse, se présente comme une alliance politique entre grands propriétaires ( hacendados ), petits propriétaires, fonctionnaires et intellectuels, dont le projet commun s’articule autour de la question de l’esclavage, même si dans d’autres aspects leurs vues peuvent diverger. Parmi les principales figures du réformisme créole, se distinguent particulièrement José Antonio Saco, homme politique et historien, Gaspar Betancourt Cisneros, journaliste et éleveur, Félix Tanco, fonctionnaire et écrivain, Anselmo Suárez y Romero, propriétaire d’une plantation sucrière et écrivain également, José de la Luz y Caballero, philosophe et pédagogue, Domingo del Monte, intellectuel et mécène, Miguel Aldama et José Luis Alfonso, grands propriétaires de sucreries et d’esclaves. Ils sont tous les héritiers de la pensée du Père Félix Varela, qui les a formés, pour certains, au sein du Séminaire de San Carlos. Varela fut l’un des premiers, en 1822, à attirer l’attention des autorités espagnoles sur les conséquences néfastes de l’esclavage sur la colonie antillaise et sur la nécessité d’abolir le système, de façon graduelle, il est vrai, et en veillant à respecter les intérêts des propriétaires.
Outre les différences socioprofessionnelles qui les caractérisaient, les réformistes créoles nés au début du XIX e siècle se distinguaient aussi, nous l’avons précisé, quant à leur origine géographique. En dépit de son caractère insulaire, la « Perle des Antilles », de par son étendue et en raison des distances accrues, à l’époque, du fait d’un réseau routier et ferroviaire en émergence, était loin de présenter un visage uni et homogène. Les réalités de l’Est de Cuba n’étaient pas forcément celles du Centre ou de l’Ouest. A ce propos, Hernán Venegas explique que, d’une manière générale, l’historiographie « nationale » a fait de l’ensemble La Havane-Matanzas le centre de ses interprétations. 8 Or, l’histoire de Cuba ne peut se résumer à ces deux villes. Du reste, cette constru

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