L’Afrique noire dans les imaginaires antillais , livre ebook

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Publié par

Date de parution

01 janvier 2011

Nombre de lectures

0

EAN13

9782811105419

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Obed Nkunzimànà, Màrie-Christine Rochmànn et Frànçoise Nàudillon (dir.)
LÈAfrique noire dàns les imàginàires àntillàis
KARTHALA
L’AFRIQUE NOIRE
DANS LES IMAGINAIRES ANTILLAIS
Cet ouvrage est publié avec le concours du Centre national du Livre
KARTHALAsur internet: http://www.karthala.com (paiement sécurisé)
Couverture : Mission du roi Béhanzin à Paris,L’Illustration, n° 158 du 2 décembre 1893. Archives du Musée du quai Branly.
© Éditions Karthala, 2011 ISBN : 978-2-8111-0541-9
Obed Nkunzimana, Marie-Christine Rochmann et Françoise Naudillon (dir.)
L’Afrique noire dans les imaginaires antillais
Éditions Karthala 22-24, boulevard Arago 75013 Paris
Introduction
L’Afrique ou la spéciIcité du nom propre
Sur un cénotaphe, au cimetière marin de Gruissan dominant la côte narbonnaise, il est écrit d’un de ces hommes disparus en mer :
Auguste Gimié Capitaine marin Décédé à Alger Afrique le 22 février 1846 à l’âge de 28 ans
Saisissement devant cet élargissement brutal des perspectives ! e D’un toponyme aisé à localiser pour un homme duXXIsiècle, l’on est invité à rejoindre une totalité mystérieuse et oue par ce raccourci négligent. Déjà la mystérieuse Afrique ! Est-ce aussi l’écart par rapport à l’habitude contemporaine d’utiliser le nom du continent pour désigner la seule Afrique subsaharienne ? Cette épitaphe met en lumière les différences entre les époques et par là l’importance de la dimension temporelle dans le fonctionne-ment si singulier des noms propres. Kerstin Jonasson nous rappelle dansLe Nom propre, cons-1 tructions et interprétations, que la vraie nature du nom propre ne se laisse pas saisir au niveau linguistique ni au niveau du discours mais au niveau cognitif, dans la façon dont sont stoc-kées les connaissances. À la différence des noms communs qui aident à regrouper des objets, des individus et des phénomènes
1. Kerstin Jonasson,Le Nom propre, constructions et interprétations, Champs linguistiques, Duculot, 1994.
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L’AFRIQUE NOIRE DANS LES IMAGINAIRES ANTILLAIS
ayant des propriétés en commun, les noms propres permettent d’isoler des entités uniques en nommant des particuliers à l’inté-rieur de séries. Ainsi lorsque, dans l’Antiquité, on se mêla de dis-tinguer les différentes parties du monde, une première distinc-tion ayant été établie par les marins grecs entre l’Europe et l’Asie, on établit bientôt « l’Afrique», terme d’abord utilisé pour désigner la région de Carthage, comme troisième partie du monde. Avec les grandes découvertes viendront s’adjoindre e d’autres « parties», qu’on appelleraàpartir duXVIsiècle, « con-tinent», du latin «terra continens», « terre qui tient ensemble». L’Afrique, tel est donc ce « particulier»auquel nous avons affaire parmi la catégorie des « continents». Cependant le nom propre,àcôté de ce savoir général dispensé par la catégorie, aide à mémoriser un savoir spéciïque. Là où les noms communs sont associésàdes connaissances linguisti-ques codiïées, le nom propre est, lui, relié à un savoir qu’on peut dire « encyclopédique», stocké dans la mémoireàlong terme. C’est la connaissance du monde qui vient remplir la forme linguistique. Autrement dit le lien entre un nom propre et l’objet qu’il désigne n’est pas un lien qui relève de la séman-tique linguistique mais un lien rendu possible par l’association et la mémoire. Les noms des continents, « Europe»Asie, « », « Afrique», « Amérique», se sont vus ainsi reliésàdes savoirs, àdes discours multiples et, dans l’attribution de leurs « pro-priétés», soumis auxaleastant des connaissances scientiïques et des disputes entre spécialistesàleur sujet, que des représenta-tions propresàchaque individu,àchaque culture,àchaque époque. S’agissant de l’Afrique, le premieraleaserait l’étendue territoriale désignée par le terme. À l’origineAfricadésignait la région de Carthage et la « troisième partie du monde»représen-tait en gros l’Afrique du Nord, cependant qu’on s’interrogeait 2 sur le lieu où placer la frontière entre Afrique et Asie. Néan-moins, dans l’Antiquité, il était fait ici et làmention d’une région
e 2. Certains proposaient le Nil, ceàquoi dès leVIsiècle s’opposa Héro-dote, car cela partageait l’Égypte entre deux continents. Lui déplaçait la fron-tièreàl’ouest de l’Égypte, ce qui plaçait ce pays en Asie. À la périoderomaine et au Moyen Âge, quelques auteurs prendront l’isthme de Suez comme fron-tière entre l’Asie et l’Afrique, cependant qu’apparaît la carte en T-O, où le T représente les eaux de la division des trois continents, lesquels sont présentés comme les domaines des ïls de Noé : Sem pour l’Asie, Japhet pour l’Europe et Cham pour l’Afrique, et le O, l’orbe de la terre.
INTRODUCTION
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plus méridionale du continent, cette terre encore inexplorée étant appelée Éthiopie, c’est-à-dire le pays de l’Aethiops, terme grec qui signiïe « face brûlée », un pays si inconnu et lointain qu’on l’imaginait peuplé de créatures démoniaques. Il faudra de fait e attendre la navigation portugaise auXVsiècle pour que le conti-nent resplendisse sur les cartes de ses véritables proportions, de la Méditerranée au Cap de Bonne Espérance. Reste la partition communément admise entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne, désignée fréquemment sous le simple vocable d’Afrique. Très sensible aujourd’hui, cette partition est cepen-e dant une perception récente; ainsi, jusqu’auXVIIIsiècle, dateà 3 laquelle en France apparaissent de nombreux Noirs , grande fut la confusion dans les termes employés pour désigner les Arabes et les Noirs. Après la conquête de l’Espagne et de la France par les armées sarrasines, qui comptent des soldats nubiens et abys-4 sins, c’est de fait le nom de Mores , après celui d’« éthiopiens», qui est alors introduit pour désigner les Noirs ; les Morisques ou danses des Mores, petits spectacles dansésà1’honneur dans les cours princières, étaient ainsi jouées par des acteurs qui se gri-maient en noir. Au point que, note Sylvie Chalaye dans son excel-lent ouvrage,: l’image du Noir au théâtre deDu Noir au Nègre Marguerite de Navarre à Jean Genet (1550-1960),lorsque les Arabes sont chassés d’Europe, le mot More ne désigne plus le Sarrasin, mais l’homme noir. Othello n’est-il pas appelé aussi le More de Venise dans la tragédie de Shakespeare ? e La seule Afrique connue auXVIIsiècle restant l’Afrique bar-e baresque, ou Afrique du Nord, c’est auXVIIIsiècle, avec la diffu-sion des débats sur l’esclavage, que l’Afrique commenceàdési-
e 3. « Jusqu’à la ïn duXVIIsiècle, il y avait peu d’hommes noirs sur le sol français. En effet depuis un arrêt de 1571, il était interdit de pratiquer l’escla-vage en métropole. Tout esclave débarqué sur les côtes françaises était auto-matiquement affranchi et gardait sa liberté même s’il retournait aux Antilles». Mais dès 1716 le régent Philippe d’Orléans autorisa les colonsàfaire venir leurs esclaves en France sans qu’ils aientàles affranchir. On vit alors de plusen plus de Noirs en métropole. « Bientôt Parisiens, Bordelais, Nantais côtoyaient ces hommes qui n’étaient plus réduitsàune idée abstraite, qui n’avaient plus rien d’une représentation imaginaire sortie des récits de voyage». Sylvie Chalaye,Du Noir au Nègre: l’image du Noir au théâtre de Marguerite de Navarre à Jean Genet (1550-1960)67 et 68., Paris, L’Harmattan, 1998, p. 4. Du latinMaurus, il désigne dans l’Antiquité les habitants de l’ancienne Mauretania, puis au Moyen Âge les Berbères islamisés qui conquirent l’Es-pagne.
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L’AFRIQUE NOIRE DANS LES IMAGINAIRES ANTILLAIS
gner majoritairement l’Afrique noire et que se répand le mot « nègre», qui, aux Antilles, désigne l’esclave et, plus générale-ment, le Noir. Ainsi, ce qui a sans doute particulièrement séparé l’Afrique subsaharienne de l’Afrique du Nord, au niveau des imaginaires, est la question de la couleur. C’est de « l’Afrique e noire»dont il sera question ici, même si l’importance auxXXet e XXIsiècles des déplacements de population et leur inuence notamment dans les littératures dites migrantes, a pu déjà 5 conduireàredessiner les géographies et territoires imaginaires . Mais qui aborde la littérature antillaise croise d’abord sans cesse la terre d’origine, cette Afrique dite longtemps noire.
Sur la représentation de l’Afrique : état des lieux
Nombreuses ont été, depuis les années 1960, dans le domaine francophone, après la prise de conscience liée au mouvement de la négritude, les études réalisées sur les représentations de l’Afrique. En fait on s’intéresse d’abord plus précisémentà l’image du Noir. L’ouvrage de Roger Mercier,L’Afrique noire e dans la littérature française. Les premières images (XVII-e6 XVIIIsiècles) en inaugure la série, puis ce seraLe Mythe du nègre et de l’Afrique noire dans la littérature française (de 1800 e7 à la 2 guerre mondiale), qui ende Léon Fanoudh-Siefer constitue en quelque sorte la suite chronologique. En 1973, paraissait l’ouvrage désormais bien connu de Léon-François Hoffmann,Le Nègre romantique, personnage littéraire et obses-8 sion collective, où il est montré qu’à l’époque romantique, c’est
5. Une étude des relations entre orientalisme et africanisme seraitàentre-prendre : voir notamment le très original article de Jean-Louis Cornille, « L’A noir», dans Anny Wynchank et Philippe-Joseph Salazar (éd.),Afriques imagi-e e naires. Regards réciproques et discours littérairesXVII-XXsiècles, Paris, L’Har-mattan, 1995, p. 53-70. 6. Roger Mercier,L’Afrique noire dans la littérature française. Les pre-e e mières images (XVII-XVIIIsiècles),Publication de la section de languesDakar : et littératures n°11, Université de Dakar, 1962. 7. Léon Fanoudh-Siefer,Le Mythe du nègre et de l’Afrique noire dans la e littérature françguerre mondialeaise (de 1800 à la 2 ), Paris, Klincksiek, 1968. 8. Léon-François Hoffmann,Le Nègre romantique, personnage littéraire et obsession collective, Paris, Payot, 1973.
INTRODUCTION
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bien plus le nègre antillais, l’esclave, qui constitue l’objet du discours que l’Afrique elle-même. Ajoutons de Kimoni Iyay, Une image du Noir et de sa culture : esquisse de l’évolution de l’idée du Noir dans les lettres françaises du début du siècle à 9 l’entre-deux-guerres. Dans la production anglophone, on notera l’ouvrage de William B. Cohen,The French Encounter with Africans. White 10 Response to Blacks 1530-1880, traduit en français en 1981, et 11 en allemand,Die Darstellung des Mohren in Mittelalter, de Dione Flühler-Kreiss. Parmi les ouvrages collectifs, on mention-e12 nera aussiImages de l’Africain de l’AntiquitéauXXsiècle, publié par Daniel Droixhe et Klaus H. Kiefer en 1987. Après un numéro spécial deNotre Lirairieparu en 1977 consacréàla 13 question , deux excellents volumes y reviennent :Images du Noir dans la littérature occidentale, Notre Lirairie, n°90, octo-bre-décembre 1987, I Du Moyen Âgeàla conquête coloniale et Images du Noir dans la littérature occidentale,Notre Lirairie, n°91, janvier-février 1988, II De la conquête colonialeànos jours. On n’oubliera pas les trois volumes consacrésàl’image du Noir dans l’art occidental : de Jean Vercoutter, Jean Leclant, Frank Snowden, Jehan Desanges,L’image du Noir dans l’art 14 occidental, Des pharaonsàla chute de l’empire; de Jean Devisse et Michel Mollat,L’image du Noir dans l’art occidental,
9. Kimoni Iyay,: esquisse de l’Une image du Noir et de sa culture évolu-tion de l’idée du Noir dans les lettres françaises du déut du siècleàl’entre-deux-guerres,Neufchâtel, Messeiller, s. d. 10. William B. Cohen,The French Encounter with Africans. White Res-ponse to Blacks 1530-1880, Bloomington and London, Indiana University Press, 1980,: Les Noirs dans le regard des Blancs 1530-Français et Africains 1880, Gallimard, Paris, 1981. 11. Dione Flühler-Kreiss,Die Darstellung des Mohren in Mittelalter, Abhanddlung des Doktorwürde der Philosophischen Fakultät I der Universität Zürich, Zürich, 1980. e 12.Images de l’Africain de l’AntiquitéauXXsiècle,Actes du colloque de l’Universitélibre de Bruxelles, Daniel Droixhe et Klaus H. Kieferéds, Verlag Peter Lang, Frankfurt, 1987. 13.Notre Lirairie, avril-juin 1977, n°35-36, numéro spécial,Images du Noir dans la littérature. 14. Jean Vercoutter, Jean Leclant, Frank Snowden, Jehan Desanges,L’image du Noir dans l’art occidental, Des pharaonsàla chute de l’empire,Ofïce du livre, Fribourg, 1976.
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