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pages
Français
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2011
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Ebook
2011
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Publié par
Date de parution
12 septembre 2011
Nombre de lectures
18
EAN13
9782364290013
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
2 Mo
Publié par
Date de parution
12 septembre 2011
Nombre de lectures
18
EAN13
9782364290013
Langue
Français
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2 Mo
Catherine SARRAZIN-MOYNE
Tu verras, tu seras bien
Enjeux humains et économiques dans les maisons de retraite
É ditions Yves Michel
5 allée du Torrent - 05000 Gap (France)
Tél. 04 92 65 52 24
www.yvesmichel.org
Offrez des fleurs avant le pain.
Devise des Petits frères des pauvres
À ma mère,
À celles et ceux que j’accompagne au sein de l’association VMEH,
Aux accompagnants professionnels ou bénévoles,
Et à toutes les familles concernées qui se retrouvent seules et démunies dans cet accompagnement.
Témoignages
Pour une fin de vie pacifiée
N ous sommes tous concernés par ces deux événements naturels majeurs que sont notre naissance et notre mort.
Ayant accompagné ma mère jusqu’au bout de son chemin terrestre, je souhaite partager cette expérience à double titre. D’une part à titre personnel en pensant à toutes ces familles qui accompagnent un parent. D’autre part pour éclairer ce difficile passage de l’intime au collectif qu’est l’entrée en maison de retraite.
Puisse ce témoignage donner, à ces femmes et à ces hommes que j’ai rencontrés auprès d’un proche dépendant, l’envie de témoigner à leur tour et le courage de dépasser leurs souffrances devant ces dossiers pleins de honte, ces images sans mot, et la peur de représailles sur leur parent.
La famille est souvent prise en otage entre l’institution et son parent, à la fois objet de profit et personne de moins en moins actrice de sa propre vie. J’étais la référente de ma mère, ce qui sous-entendait d’être prête pour un parcours de saut d’obstacles. Celui-ci dura de la mi-2006 à la mi-2008.
Cette période, que l’on nomme « fin de vie », au lieu d’être celle du déclin, devrait être celle du couronnement ou de l’apaisement.
A contrario , notre individualisme et le matérialisme forcené de notre société actuelle s’unissent pour rejeter la personne âgée dans des lieux à part et pour retirer de cet accueil de substantiels bénéfices.
Et le problème s’amplifie en France avec le vieillissement de la population. Placé face à cette réalité et engagé dans la voie du... désengagement, l’État déshabille hôpitaux et maisons de retraite publics, organisant la pénurie (baisse des effectifs des personnels, manque de formation, rémunérations bloquées, etc.), et il favorise les investisseurs privés.
Question naïve : comment la collectivité, solidaire de tous ses membres et n’ayant pas de bénéfices à réaliser, ne pourrait pas régler le problème, alors que des entreprises le pourraient tout en enrichissant leurs actionnaires ?
En attendant, études, communications, colloques, projets de loi de libéralisation révèlent le fossé entre idéal et réalité de terrain. La considération que nous accordons à nos aînés est-elle digne de notre société dite évoluée ?
Depuis peu, les médias évoquent la maltraitance en maison de retraite. Au-delà de cas spectaculaires dont le manque d’informations complètes ne me permet pas d’apprécier l’ampleur exacte, je puis dire que cette maltraitance commence, déjà, avec le manque de personnel et avec la dévalorisation de la profession. Cette dévalorisation provient directement du manque de considération porté aux personnes âgées, surtout si elles sont en état de dépendance ou de grande dépendance : si « la fin de vie » est négligée, comment et pourquoi bien former et bien rémunérer le personnel de santé ?
À l’inverse, des initiatives prennent corps, tel ce projet de vie solidaire et autogéré porté par un groupe de femmes dans le Périgord Noir. De nouvelles approches sont expérimentées, telles l’adhésion et la participation du sujet pour un plein accomplissement du geste quotidien (la toilette, la marche, etc.), la demande d’aînés auprès de spécialistes capables de leur dispenser des pratiques de confort. Des prises de conscience se font jour, qu’il s’agisse de livres comme La chaleur du cœur emp êche nos cœurs de rouiller , de Marie de Hennezel, ou de la demande croissante en soins palliatifs exprimée par des infirmières qui se sentent proches de la souffrance en fin de vie et qui encouragent familles et accompagnants bénévoles à y prendre part.
Puissent ces quelques considérations liminaires montrer au lecteur que mon témoignage ne sera ni un journal impudique et long ni un essai partial, sclérosé et sclérosant. Mon seul parti pris est celui de l’Être, celui-là même qui préside à la vie comme à la mort, ces deux faces d’une même et lumineuse médaille.
Car je suis persuadée que cette union est possible. Grâce à elle, croyez-moi, l’issue est douce, pacifiée, car l’objectif est atteint.
Ma sœur et moi-même avons retrouvé un cahier intime de notre mère, Henriette Moyne, qui couvre une période allant de sa prise de retraite à la fin de ses jours. Des citations de ce cahier (signées de ses initiales H. M.) et celles de divers auteurs, qu’elle y avait incluses, viendront éclairer mon témoignage et donner sa place à l’Être.
L’Amour est une fleur délicieuse, mais il faut avoir le courage d’aller la cueillir sur les bords du précipice. Stendhal
La vieillesse, notre fierté
L a vieillesse est-elle un naufrage ou un couronnement, notre honte ou notre fierté ? Et notre façon de traiter nos aînés est-elle notre honte ou notre fierté ? Avons-nous la vieillesse que nous nous sommes préparée ? Faut-il d’ailleurs la préparer, et comment ? Est-elle un processus intime ou bien participe-t-elle du collectif ? Ressortit-elle d’une responsabilité citoyenne fondamentale ou peut-elle être un fonds de commerce ?
Les réponses à ces questions dépendent beaucoup de notre propre regard et de celui de la société. Le respect pour les aînés et le lien intergénérationnel qui constitue une chaîne ininterrompue sont des évidences dans la culture orientale. Dans les civilisations antiques, on préparait sa mort et, au-delà, sa vie après la mort. En France, il n’est pas rare d’entendre des sexagénaires se plaindre de leur(s) parent(s) vieillissant(s) ou avouer qu’ils préfèrent donner la priorité à leurs propres petits-enfants.
Le vrai tombeau des morts, c’est le cœur des vivants.
Tacite
Est-ce peur, déni de la mort, besoin de se survivre à travers les générations futures ? Est-ce que donner la main à un aîné est moins attractif que de prendre celle d’un tout-petit ? Et pourquoi faudrait-il choisir ?
La vieillesse, en tout cas, n’est pas une maladie, même si l’on tente de nous le faire croire, même si nos forces physiques déclinent et si l’accompagnent souvent un cortège de maux et une panoplie de médicaments. Elle a bon dos, la vieillesse, pour qui sait lire le langage des signes...
Le combat sur soi est toujours plus compliqué que la bataille avec les autres.
H. M.
Un choix difficile
M a mère avait envisagé d’elle-même d’aller en institution au moment où son autonomie lui ferait défaut. Ce jour-là est venu après plusieurs hospitalisations rapprochées. Celles-ci, conjuguées à d’autres paramètres, empêchèrent son retour à la maison d’hôtes que je tenais et où, depuis l’accident de voiture (causé par un tiers) qui avait coûté la vie à mon père, elle louait une chambre la plupart de son temps. Sinon, elle se déplaçait, en France ou ailleurs, malgré des séquelles invalidantes dues à l’accident.
Quoique préparée intellectuellement à cette échéance, je me suis sentie seule au monde, submergée par une vague d’angoisse, prise entre le rationnel et l’affectif. La dégradation de ma mère s’accélérait, et la vie quotidienne, pour elle, se vidait de son sens : « Je ne sais pas quoi faire ni où aller... », disait-elle.
À son déclin, n’importuner personne et ne pas permettre qu’on voie ses misères.
H. M.
Lorsque, concrètement, vient le moment de prendre la décision, beaucoup d’enfants adultes entrent en conflit avec leur parent ou hésitent à prendre à sa place la décision. Il n’est pas rare, même, que certains se disputent pour le choix du placement et des dépenses de confort (par crainte, peut-être, d’entamer l’héritage).
Je ne savais plus quoi faire ni où m’adresser. Deux directeurs de maison de retraite m’ont reçue avec humanité, m’accordant du temps et de l’écoute. Pour l’un, la dépendance de ma mère était trop importante ; pour l’autre, la liste d’attente était impressionnante, se chiffrant en mois.
Finalement, seule la résidence médicalisée d’un groupe privé avait une chambre disponible. Sa situation en centre-ville, le bâtiment lumineux, l’accueil dynamique du directeur nous ont fait bonne impression, à ma sœur et à moi-même.
Il nous a remis un dossier complet, notamment constitué d’une charte et d’un questionnaire. Dite des droits et libertés de la personne accueillie, la charte, avec ses douze articles, semblait la garantie d’un engagement sérieux, voire ambitieux. Destiné à mieux connaître les antécédents médicaux, les événements marquants et les goûts des futurs résidents en vue d’« une prise en charge individualisée et adapt ée à ses besoins » (dixit le contrat de séjour), le questionnaire devait être rempli et rendu le jour de la signature du contrat.
Je me suis appliquée à répondre de mon mieux, bien renseignée que j’étais par les quinze années de vie presque commune qui avaient suivi l’accident de la route. Après un diagnostic vital réservé trois jours durant, la santé de ma mère s’était dégradée par paliers pendant toutes ces années. De la mi-2006 à la mi-2008, une alternance entre hospitalisations et résidence médicalisée a régi son quotidien jusqu’à son dernier souffle.
Avec le recul, aussi élaborés étaient-ils, charte et questionnaire m’apparaissent plutôt comme des arguments de vente développés par le groupe propriétaire de la résidence. J’en eus la confirmation au cours du dernier mois de vie de ma mère : une animatrice m’a demandé de remplir l