Le silence blanc de Mokhtar Chaoui

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Résumé À Tanger, au détour d’une ruelle sombre, alors que la lune cède le ciel au soleil, deux destins s’entrecroisent. Celui de Choumicha, une enfant marocaine, née dans un village perdu, vendue comme esclave par ses parents, et qui malgré son jeune âge a vécu une odyssée de malheurs. Celui de Michel Charme, un écrivain et artiste-peintre français qui a fui Paris pour protéger son âme, a débarqué au Maroc pour retrouver sa verve et qui vient d’être sauvé du suicide par son chat. De leur relation naîtront une immense amitié et des œuvres dont l’enfant est l’artiste et l’adulte l’artisan. Dans ce roman, à la fois conte philosophique et cruelle peinture de la société marocaine et de son rapport aux anciens colonisateurs, Mokhtar Chaoui remet au goût du jour, à travers une histoire poignante servie par une écriture d’une force incroyable, le thème de l’homme- enfant pour rappeler aux écrivains la nécessité de garder leur âme enfantine s’ils veulent réapprendre le langage du cœur, redécouvrir l’éblouissement des sens, échapper au formatage de l’esprit. numeriklire.net Mokhtar Chaoui LE SILENCE BLANC Illustration couverture Mariam Abouzid Souali ISBN 978-2-89717-689-1 numeriklire.net À la mémoire des trente-trois enfants d’Anfgou, morts de froid. À tous les enfants maltraités du monde. Rien n’exige un meilleur discernement et un choix d’expressions plus justes que les propos qu’on tient aux enfants.
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24 mai 2014

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Français

Résumé
À Tanger, au détour d’une ruelle sombre, alors que la lune cède le ciel au soleil, deux destins s’entrecroisent. Celui de Choumicha, une enfant marocaine, née dans un village perdu, vendue comme esclave par ses parents, et qui malgré son jeune âge a vécu une odyssée de malheurs. Celui de Michel Charme, un écrivain et artiste-peintre français qui a fui Paris pour protéger son âme, a débarqué au Maroc pour retrouver sa verve et qui vient d’être sauvé du suicide par son chat. De leur relation naîtront une immense amitié et des œuvres dont l’enfant est l’artiste et l’adulte l’artisan. Dans ce roman, à la fois conte philosophique et cruelle peinture de la société marocaine et de son rapport aux anciens colonisateurs, Mokhtar Chaoui remet au goût du jour, à travers une histoire poignante servie par une écriture d’une force incroyable, le thème de l’homme-enfant pour rappeler aux écrivains la nécessité de garder leur âme enfantine s’ils veulent réapprendre le langage du cœur, redécouvrir l’éblouissement des sens, échapper au formatage de l’esprit.
numeriklire.net
Mokhtar Chaoui
LE SILENCE BLANC
Illustration couverture Mariam Abouzid Souali
ISBN 978-2-89717-689-1
numeriklire.net
Àla mémoire des trente-trois enfants d’Anfgou, morts de froid.
Àtous les enfants maltraités du monde.
Rien n’exige un meilleur discernement et un choix d’expressions plus justes que les propos qu’on tient aux enfants.
Jean-Jacques Rousseau Les rêveries du promeneur solitaire
— LA VOIX
Une voix dans mon cœur me tire du puits de mes pleurs et me dit : « Lève-toi et marche ! » Je ne dis rien. Je me lève. Je marche, et c’est tout. Je suis seule maintenant. Je n’ai pas où aller. J’entre dans la chambre interdite de Miche et je trouve des livres et des livres et encore des livres. Sur la table, des stylos et des feuilles, et des feuilles et encore des feuilles déchirées. La voix me dit : « Lis ! » Je réponds : « Je ne sais pas lire. » Elle répète : « Lis ! » Je répète : « Je ne sais pas lire. » Elle dit encore : « Lis au nom de celui qui t’a créée ! Lis au nom de ton cœur qui te garde en vie ! Lis au nom de ton corps qui couvre ton âme ! Lis au nom de ta destinée qui ne fait que commencer ! » Alors j’ouvre les yeux de mon cœur et je lis dans le livre de mon corps. Puis, la voix continue : « Écris ! » Je réponds : « Je ne sais pas écrire. » Elle répète : « Écris ! » Je réponds : « Je ne sais pas écrire. Je sais seulement écouter et raconter. » Elle dit encore : « Écris ce que tu as sur le corps ! Écris ce que tu as sur le cœur ! Écris ce que tu es destinée à écrire ! » Je suis dans le bureau de Miche. Je suis assise sur sa chaise. À droite, une bougie presque éteinte. À gauche, un beau cadre doré, avec, au milieu, au lieu d’une photo, un ticket orange daté de 1973. En face de moi, sur un vieux canapé, un âne, un chien et un chat se sont installés et m’entourent de leurs regards compatissants. Derrière moi, accrochée au mur, une grande toile totalement blanche, avec juste un sourire invisible. Partout des feuilles raturées ou chiffonnées. J’ai mal au ventre. J’allume la bougie. Une chouette pénètre par la fenêtre et se pose sur ma tête. Du sang chaud coule de moi. Je plonge mon index dans mon encrier rouge, puis je verse les premiers sangs de mon corps sur les pages vierges de mon cœur… Et c’est tout.
— I
Ils réclament une histoire originale ? Ils exigent une langue nouvelle ? Ils veulent de l’émotion à en pleurer ? De l’innocence à en être sevré ? De la contestation à en devenir kamikaze ? Du sexe à en être dégoûté ? Ils veulent de la polémique, du scandale, du suspens, du… du… et du… Ils veulent un chef-d’œuvre ? Et bien ils auront ce qu’ils demandent ; ils auront leur chef-d’œuvre, leur salade de navets, leur best-seller. « Viens ma Choumicha ! Raconte-leur ton histoire ! Raconte-leur ce qu’ils veulent entendre, ce qu’ils aiment publier, ce qu’ils préfèrent lire. Ils aiment lire la misère des autres, eux. Ils aiment s’apitoyer sur le sort des autres, eux. Ils aiment voir leurs larmes choir sur les pages de leurs livres, les essuyer d’un revers du petit auriculaire et compatir. Cela apaise leur conscience, les aide à dormir, leur procure la substance de leurs romans, de leurs émissions télé, de leur pognon. Viens ma muse, viens ! Raconte-leur tout ou presque tout ! Ils sont masos, eux. Ils aiment qu’on les tienne en haleine. Ils aiment rester dans le doute, dans la supputation afin d’anticiper, de surenchérir, de noircir du papier. Viens, viens ! Raconte-leur ton histoire ! Avec ton parler à toi. Ton dire, comme tu le dis si joliment. Ne change rien à ton destin ! Ne change rien à ta langue ! Laisse-les méditer, médire, maudire. Vas-y ma chérie, vas-y, parle ! Raconte ! — C’est quoi tu veux que je raconte ? — Toi, toi. Raconte-toi ! — Je suis pas un livre, moi. Et puis, je t’ai déjà tout raconté. — Oui, tu m’as déjà tout raconté. Cette fois-ci, ça sera pour eux. — C’est qui, eux? — Eux, c’est les autres. Ceux qui sont là-bas, de l’autre côté. Ceux qui me snobent depuis quelques années. Ceux qui me léchaient les pieds pour une phrase, une interview et qui me disent maintenant que je n’ai plus la cote, que je suis devenu gâteux. Ceux qui pensent que je ne rapporte plus un rond, que je suis rouillé, dépassé. Ceux qui cherchent une nouvelle langue, saccadée, indéchiffrable, bâtarde. Ceux qui réclament de l’originalité, toujours de l’originalité, encore de l’originalité. Donne-leur de l’originalité ! Ton originalité. — Je comprends pas.C’est quoi originalité ? — L’originalité, c’est justement ne pas comprendre. L’originalité, c’est dire l’inintelligible, c’est rester inaccessible, c’est dire sans rien dire et laisser les autres se casser la tête pour expliquer l’inexplicable. L’originalité, c’est rester enfant jusqu’à sa mort, c’est garder les sens des enfants, l’éblouissement des enfants, la langue des enfants. Ma langue à moi est déjà sénile. Épuisée. Saturée. Ils l’ont trop tournée et retournée dans tous les sens. Ils l’ont rendue inféconde, à force de l’avoir brutalisée ou protégée. Depuis des lustres, ma langue est incapable de tomber enceinte, même par insémination artificielle. Elle est devenue aride, moribonde. Il faut lui redonner le sein, labəzzulacomme tu le dis si joliment dans ta langue. Le sein de mes compatriotes est sec. Les femmes de mon pays ne sont plus des
femmes, juste des féministes. Elles refusent d’allaiter. Elles craignent que leurs poitrines ne tombent et que leurs mamelons ne s’aplatissent. Au lieu de donner le sein, elles donnent le biberon. Et la langue devient bâtarde. Une langue ne peut survivre sans le lait maternel, sans labəzzula. On ne veut pas non plus lui donner labəzzulaautres, des question de pureté raciale et d’identité nationale. Pas question qu’on mette le bout de la bəzzulad’une autre,a fortiorilabəzzulad’une bougnoule, dans la bouche sacrée de notre chère langue blonde. Plutôt mourir !... Cette langue pure, cette langue immaculée, sevrée, je ne peux plus la leur reproduire. Je ne peux plus. Je suis trop vieux, trop souillé, incapable de replonger dans l’Immaculée Conception qui nous conçoit. — Ça va bien dans ta tête ? T’es encore tombé dans la maladie des djinns ? — Oui, c’est ça ma chérie, c’est bien ça. Continue de me parler comme ça ! Et raconte-moi de nouveau ton histoire ! Raconte-leur aussi ! Pour que je ne m’endorme pas, pour qu’ils ne s’endorment pas, pour qu’ils ne tranchent pas nos têtes, pour nous ressusciter. » Il est fou mon Miche. Sûr de sûr qu’il est fou. Mais je l’aime. Je l’aime plus que beaucoup, je l’aimebəzzaaaaf, et je raconte à lui, à lui seul, et c’est tout. * Téléchargez le texte intégral sur les principales plateformes de téléchargement www.numeriklire.net
ISBN : 978-2-89717-689-1
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Tous droits réservés Mokhtar Chaoui et Numeriklivres, 2014
Éditeur : Jean-François Gayrard Éditrice déléguée : Anita Berchenko
eBook design :Studio Numeriklivres Nous joindre :numeriklivres@gmail.com
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