Dans leur village Yatou, ils n'avaient besoin de rien. Le Bureau des fournitures fournissait tout. Donnant-donnant, eux, ils entretenaient les machines de la Centrale géante. Centrale qui leur fabriquait tout. Aujourd'hui, le ciel était creux sur les habitants de Yatou. Les lumières d'ologrammes projetées dessus n'estompaient guère le poids que portait la bâche. Queren leva les yeux et sut qu'il pleuvait. Il ne sentait pas la pluie, certes. Y'a longtemps que le Bureau de l'eau douce avait bâché le ciel pour la récupérer, la stocker et la redistribuer. Une armée décérébrée s'était vu confier cette tâche. Elle répartissait les rations d'eau comme autrefois l'avait été le carburant. Chaque habitant recevait juste la quantité jugée nécessaire à le maintenir en vie.Une fois par lune, le distributeur intégré à chaque cellule de sommeil crachait le jeton de douche mensuel. Chacun avait alors quelques cadrans pour dévirusser sa combinaison respirante, étanche aux bactéries, aux radiations, aux champignons. Queren n'avaient rien oublié. Il savait. Sa mémoire n'avait pas enterré les fleurs ni leur parfum, le jus des fruits, le goût du vin, la poussière, les insectes en liberté, les caresses du vent, ses gifles aussi les jours de pluie, les figues sucrées autour des lèvres, la sueur, le corps des femmes et les saisons. La plupart des habitants avient occulté ces perceptions. Elles s'étaient diluées dans un passé si lointain qu'ils n'en rêvaient même pas.
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