Rapport d'information déposé par la Commission des finances, de l'économie générale et du plan sur le bilan et les enseignements de la crise financière en Asie

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Au deuxième semestre 1997, des pays asiatiques connaissant une croissance durable depuis plusieurs années, Thaïlande, Philippines, Indonésie, Malaisie, Corée, ont subi une grave crise financière qui s'est étendue aux marchés émergeants et a provoqué de graves perturbations sur l'ensemble des marchés financiers à l'automne 1998. Le rapport présente les remises en question de ces économies après la récession, la restructuration des économies, l'intégration économique de ces pays. Il estime que la crise a renforcé la coopération monétaire internationale et le dialogue entre l'Europe et l'Asie. Il se demande comment et pourquoi réformer le système financier international, analyse les modalités de fonctionnement des marchés et propose une nouvelle architecture financière internationale.
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01 décembre 2000

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 N° 2590
______  
ASSEMBLÉE NATIONALE 
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958  ONZIÈME LÉGISLATURE  Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 septembre 2000. 
  R A P P O R T D ’ I N F O R M A T I O N     DÉPOSÉ  en application de l’article 145 du Règlement  
 PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN(1) sur le bilan et les enseignements de la crise financière en Asie,     ET PRÉSENTÉ  PAR M. JEAN-MARIELE GUEN,  Député.  ——         
 (1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.  
 Marchés financiers.
 
        La commission des finances, de l’économie générale et du plan est composée de : M. Henri Emmanuelli,tnedisérp; M. Didier Migaud,rapporteur général; MM. Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Yves Tavernier,ts, présidenvci-eMM. Pierre Bourguignon, Jean-Jacques Jégou, Michel Suchod,érceriatess Maurice ; MM. Adevah-Poeuf, Philippe Auberger, François d'Aubert, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, François Baroin, Alain Barrau, Jacques Barrot, Christian Bergelin, Eric Besson, Alain Bocquet, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Mme Nicole Bricq, MM.Christian Cabal, Jérôme Cahuzac, Thierry Carcenac, Gilles Carrez, Henry Chabert, Didier Chouat, Alain Claeys, Yves Cochet, Charles de Courson, Christian Cuvilliez, Arthur Dehaine, Jean-Pierre Delalande, Francis Delattre, Yves Deniaud, Michel Destot, Patrick Devedjian, Laurent Dominati, Tony Dreyfus, Jean-Louis Dumont, Daniel Feurtet, Pierre Forgues, Gérard Fuchs, Gilbert Gantier, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Edmond Hervé, Jacques Heuclin, Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, MM. Michel Inchauspé, Jean-Pierre Kucheida, Marc Laffineur, Jean-Marie Le Guen, Maurice Ligot, François Loos, Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, MM. Pierre Méhaignerie, Louis Mexandeau, Gilbert Mitterrand, Jean Rigal, Alain Rodet, José Rossi, Nicolas Sarkozy, Gérard Saumade, Philippe Séguin, Georges Tron, Jean Vila. 
 
— 3 —
S O M M A I R
E
 
INTRODUCTION.................................................................................................................................... 7
A.– UN REDEMARRAGE ECONOMIQUE FRAGILE MAIS CERTAIN ................................... 7
1.– Un processus de changement global est en marche .............................. 7
2.– Des pays à la recherche d’un nouveau modèle ...................................... 8
B.– LES POTENTIALITES D’UN DIALOGUE EUROPE-ASIE..............................................11
1.– Vers un renouveau du dialogue euro-asiatique ......................................11
2.– La volonté de coordination régionale ....................................................12
C.– LA REFORME DU SYSTEME FINANCIER INTERNATIONAL ......................................14
1.– Le système financier international en question......................................15
a) Une dérégulation trop brutale ? ..............................................................................15
b) Une crise systémique d’un nouveau genre à l’ère de la globalisation .............17
c) L’ancrage des monnaies asiatiques au dollar remis en cause par la crise ...................................................................................................................................18 
d) Vers une monnaie unique asiatique ? ....................................................................20
2.– Les interventions critiquées du FMI et de la communauté internationale .....................................................................................22
a) Le FMI n’a su ni prévoir ni prévenir la crise .........................................................22
b) Les réactions brutales et inadaptées du FMI et de la communauté internationale...........................................................................................................23 
c) Le bilan de l’action du FMI et de la mobilisation internationale ........................23
3.– Propositions ......................................................................................24
a) Repenser le rôle des institutions financières internationales .............................24
b) Maîtriser la globalisation .........................................................................................28
c) Faire émerger un prêteur en dernier ressort international ...................................32
d) Améliorer les mécanismes de régulation des mouvements de capitaux...........33
e) Promouvoir une taxation des mouvements de capitaux : la question de la taxe Tobin ............................................................................................................36
D.– CONCLUSION ......................................................................................................................37
I.- ASIE 1997-2000 : CRISES, REMISSION, REBOND.................................................................... 7
A.- UN DRAME EN QUATRE ACTES .......................................................................................10
1.- 1996-1997 : on frappe les trois coups ...................................................11
2.- Acte I : une tourmente monétaire balaie l’Asie du sud-est (troisième trimestre 1997)...................................................................................18 
3.- Acte II : les « Tigres » sont touchés .....................................................26
—
 4 —
 
4.- Acte III : chaos en Indonésie, répit ailleurs (janvier-avril 1998)..................37
5.- Acte IV : rebond et extension de la crise : le système financier international au bord du gouffre (mai – décembre 1998) ..........................46
B.- UNE CRISE EN DEBAT .......................................................................................................53
1.- Le consensus sur les lignes de faille des économies asiatiques .............53
a) Une gestion macro -économique handicapée par les choix de la politique de change ................................................................................................53
b) La solidité du système productif affaiblie par des carences structurelles .............................................................................................................64
2.- Les controverses sur la nature profonde de la crise................................74
a) Une crise de solvabilité ? .........................................................................................74
b) Une crise de liquidité ? .............................................................................................78
c) Une crise de transition ?...........................................................................................80
C.- DE LA CRISE AU REBOND : UNE GRANDE PEUR POUR RIEN ?............................82
1.- Répondre à la crise : les choix contestés de la politique économique .........................................................................................................82 
2.- Les conséquences sociales de la récession .........................................89
3.- Le retour de la croissance : un déni de réforme ?...................................94
II.- VERS UNE NOUVELLE ASIE......................................................................................................... 7
A.- INTROSPECTION ET REMISE EN QUESTION : LES PAYS ASIATIQUES FACE A LA REFORME............................................................................................................ 8
1.- Des structures économiques bousculées............................................... 8
a) Le chassé-croisé entre dettes privées et dette publique.......................................8 
b) Un capitalisme en mutation ? ..................................................................................15
2.- Changement social et démocratie ........................................................22
a) De la crise à la réforme : vertus et limites de la déstabilisation...........................22
b) La crise comme opportunité démocratique ...........................................................24
c) Une considération encore trop faible pour le monde du travail .........................29
d) La démocratisation : un processus fragile .............................................................31
B.- L’ASIE ENTRE AGREGATION ET INTEGRATION ...........................................................36
1.- La crise n’a pas contrarié le processus d’intégration économique............36
a) L’interprétation paradoxale des échanges intra –asiatiques avant et pendant la crise.......................................................................................................36
b) Linterdépendance par linvestissement...............................................................45 
2.- La crise a renforcé l’urgence d’une plus grande coopération monétaire..........................................................................................49 
a) La crise a suscité un renforcement bienvenu de la coopération entre autorités monétaires ...............................................................................................49
— 5 —
b) La coordination des politiques de change re ste encore aujourd’hui un objectif impalpable..................................................................................................57
3.– La crise a confirmé les limites de la coopération politique......................62
a) L’ASEAN peine à surmonter une sérieuse crise de légitimité ............................63
b) L’apaisement des tensions en Asie du nord masque mal la persistance d’antagonismes majeurs ........................................................................................66 c) Entre réforme et stabilité : linconnue chinoise.....................................................70 
C.- LES VOIES PROMETTEUSES DU DIALOGUE EUROPE-ASIE ...................................80
1.- Le sens du dialogue Europe-Asie .........................................................81
2.- L’ASEM, une ambition à faire vivre .......................................................92
III.– LE SYSTEME FINANCIER INTERNATIONAL, ENTRE REFORME ET AJUSTEMENT .......102
A.– UNE REFORME DU SYSTEME FINANCIER INTERNATIONAL : POURQUOI ? POUR QUOI ?............................................................................................103
1.– L’épreuve des faits ........................................................................... 103
2.– La stabilité financière dans une économie mondialisée : la quête d’un nouveau Graal ........................................................................... 109
B.– DES PROGRES SENSIBLES SUR LES MODALITES DE FONCTIONNEMENT DES MARCHES ............................................................................116
1.– Le renforcement de la discipline de marché........................................ 116
a) Transparence et information contribuent à la discipline de marché ................116
b) Transparence et information ne sont pas une panacée ....................................123
c) La lutte indispensable contre laléa moral...........................................................126 
2.– Le renforcement des systèmes financiers .......................................... 128
a) Le cadre général du renforcement des systèmes financiers .............................128
b) Le secteur bancaire, point nodal de la solidité financière .................................133
c) La dimension globale de la supervision financière ............................................142
3.– Les zones d’ombre de la finance internationale................................... 146
a) Les hedge funds : appétence pour le risque, aversion pour la réglementation.......................................................................................................147 
b) Les centres off shore sur la sellette......................................................................153 
C.– UNE NOUVELLE ARCHITECTURE FINANCIERE INTERNATIONALE : GRANDS ENJEUX ET PETITS PAS.................................................................................158
1.– L’équation impossible du « meilleur » régime de change...................... 159 a) La bipolarisation annoncée des régimes de change des pays émergents ...............................................................................................................159 b) Un consentement résigné au flottement des trois grandes monnaies mondiales ...............................................................................................................167
— 6 —
 
2.– La maîtrise des mouvements de capitaux : un retour en grâce trop timide des solutions hétérodoxes ....................................................... 172
a) L’expérience chilienne a suscité un intérêt marqué pour les contrôles exercés sur les entrées de capitaux....................................................................172 
b) L’expérience malaisienne a jeté le trouble chez les détracteurs des contrôles sur les sorties de capitaux..................................................................175 
c) Promouvoir l’instauration de la taxe Tobin : un signe politique ......................178
3.– Le Fonds monétaire international au cœur de la réforme ...................... 181
a) L’appel à un recentrage du FMI sur le cœur de ses compétences ...................183
b) Des évolutions encourageantes...........................................................................186 
c) La participation du secteur privé à la maîtrise des crises financières ..............193
d) Pour un prêteur international en dernier ressort................................................199 
D.– DONNER UN SENS A LA GLOBALISATION .................................................................202
1.– Une nouvelle légitimité pour les institutions de Bretton Woods ............. 203
a) Une représentativité perfectible ............................................................................203
b) Le « consensus de Washington », une idéologie dépassée............................206 
2.– Pour un nouveau mode de gouvernement de la mondialisation : dépasser le G 7................................................................................ 209 Examen en commission.................................................................................213 ANNEXE : liste des personnalités rencontrées ............................................. 219
— 7 —
HONG-KONG.....................................................................................................................................220 
JAPON...............................................................................................................................................221 
CORÉE DU SUD ().....................................................................................................................22 3........
RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE ()................................224 ........................................................
ÉTATS-UNIS......................................................................................................................................225 
NEW YORK.................................................................................................................................225 
BOSTON.....................................................................................................................................225 
WASHINGTON ...........................................................................................................................225
INDONÉSIE........................................................................................................................................227 
SINGAPOUR......................................................................................................................................228 
FRANCE.............................................................................................................................................229 
EXAMEN EN COMMISSION.............................................................................331 ................................
ANNEXE : LISTE DES PERSONNALITES RENCONTREES33.. 7.......................................................
 
 
 
— 7 —
I N T R O D U C T I O N
Trois ans après, on pourrait croire que la grave crise financière qui a secoué l’Asie s’est évanouie sans presque laisser de traces. Rien n’aurait vraiment changé, ni là-bas ni ailleurs. D’ailleurs, l’économie mondiale ne connaît-elle pas des temps de croissance inégalée, et l’Asie un renouveau de son dynamisme économique ? Enfin, chacun constate que la spéculation et les phénomènes de bulle financière continuent d’être plus redoutés que combattus.
Cette vision –ou plutôt cette tentation du déni – est d’abord, sans doute, celle des spéculateurs et de certains milieux dirigeants des pays asiatiques, peu désireux de se pencher sur leurs faiblesses passées et présentes : on mesure en cette occasion comment, chez certains, l’absence de mémoire succède à l’esprit moutonnier. Pourtant cette attitude, si elle devait l’emporter, serait sans doute dramatique et conduirait tôt ou tard non seulement à une rechute, mais surtout à des désordres financiers mondiaux plus difficiles à maîtriser, cette fois.
Si cette menace existe, et s’il faut être très vigilant face à ce genre de menaces, il ne faut pas non plus verser dans le catastrophisme. Le scénario noir que nous venons de tracer n’est pas le plus sûr.
A.–UN REDEMARRAGE ECONOMIQUE FRAGILE MAIS CERTAIN
1.–Un processus de changement global est en marche
La plupart des rencontres que votre Rapporteur a pu faire dans le cadre de la mission que lui a confiée la Commission des finances, de l’économie générale et du plan, l’amènent en effet à penser que des leçons ont été tirées de la crise. Ainsi, pour beaucoup de responsables politiques et économiques en Asie, la crise financière a d’abord été le moment d’une très forte prise de conscience des faiblesse structurelles de leurs économies et de leurs sociétés.
En outre, cette prise de conscience a été renforcée par les changements politiques qui sont apparus à la suite de la crise. Le choc social a ainsi constitué l’amorce, ou l’affirmation de profonds changements politiques : l’exemple de l’Indonésie ou de la Corée est frappant. De manière générale, contrairement à ce qu’on aurait pu redouter, cette période correspond d’une façon ou d’une autre à l’affaiblissement des conservateurs de tous bords.
— 8 —
Globalement, les pays touchés par la crise ont connu une marche en avant alliant progrès démocratique et réforme économique. Certes, le dialogue social est sans doute encore trop peu développé, même si ici ou là des progrès peuvent être constatés, notamment dans le dialogue avec les syndicats. Ce n’est pas le signe le moins encourageant que de constater ce mouvement-là, qui déjoue les prévisions pessimistes de ceux qui voyaient dans la crise l’occasion d’un repli nationaliste ou identitaire de pays asiatiques tournant définitivement le dos à une évolution démocratique.
Au total, au milieu des difficultés politiques et des souffrances sociales, le changement en Asie de l’Est s’est mis en marche à la suite de la crise de 1997. Si, aujourd’hui, des lenteurs et des résistances aux réformes nécessaires apparaissent à nouveau, c’est aussi le résultat d’une amélioration de la conjoncture.
En effet, paradoxalement, le retour rapide de la croissance peut parfois faire douter de la nécessité des réformes. De même, sur le plan des rapports de forces entre partenaires sociaux, une certaine revalorisation des actifs peut rendre plus intransigeants les acteurs de l’ancienne économie, hier affaiblis par la tourmente financière. Force est aussi de constater que l’impatience de certains commentateurs ou des organismes internationaux ne prend pas toujours en compte les réalités locales politiques et sociales. Ceux-ci imposent, en effet, un rythme de réformes très soutenu, sur la base d’un calendrier quasi hebdomadaire, quand ils ne négligent pas les conséquences sociales ou politiques de leurs recommandations.
Il n’en reste pas moins que, dans leur très grande majorité, les décideurs ont conscience du chemin qu’ils devront parcourir pour mettre leur économie à
l’abri d’une rechute brutale. D’ailleurs, les signes de fragilité n’ont pas tous disparu : dans un certain nombre de pays, les créances bancaires ne semblent pas être provisionnées à un niveau suffisant, du moins au regard des normes de gestion appliquées par les banques américaines ou européennes. Ceci fait peser un risque de rechute non négligeable sur des économies convalescentes, qui n’ont pas achevé la restructuration de leur système bancaire.
2.–Des pays à la recherche d’un nouveau modèle
Le besoin de changement ne se limite pas au domaine économique et social : sur le plan idéologique, le fameux discours sur le «modèle asiatique », conçu comme l’alliance «vertueuse » d’un modèle politique autoritaire et d’une économie de marché tirée notamment par l’exportation et insérée dans la globalisation, a montré ses limites.
— 9 —
Les dérives de ces « capitalismes monopolistes d’Etat » sont aujourd’hui patentes. La spéculation, la corruption, la mauvaise allocation des ressources, la volatilité des capitaux, leur concentration illégitime entre quelques mains, l’absence de concurrence, sont autant de tares qui empêchent ces économies de passer à un stade supérieur de développement.
Parallèlement, l’insuffisant développement de l’Etat de droit, la faiblesse du système éducatif, l’absence de filet de protection sociale se font cruellement sentir. Or, certaines voix en Occident allaient jusqu’à reconnaître une légitimité à cette forme prétendument nouvelle de despotisme éclairé, évoquant même un effondrement du modèle occidental, miné par ses faiblesses.
M. Paul Krugman –dont nous ne partageons pas, loin de là, toutes les thèses –décrit cet aveuglement de certaines élites occidentales avec cruauté : «Il était une fois des leaders d’opinion occidentaux qui se virent à la fois effrayés et impressionnés par les extraordinaires taux de croissance obtenus par diverses économies orientales. Même si celles-ci restaient nettement plus pauvres et plus petites que les économies occidentales, la rapidité avec laquelle elles s’étaient transformées de sociétés paysannes en puissances industrielles, leur aptitude à maintenir des taux de croissance égaux à des multiples des taux observés dans les pays avancés et leur capacité croissante à défier et même, dans certains secteurs, à surpasser la technologie américaine et européenne, tout cela remettait en question la domination non seulement de la puissance occidentale, mais aussi de l’idéologie occidentale. Les dirigeants de ces pays ne partageaient pas notre foi dans les bienfaits du libre-échange et des libertés individuelles. Ils affirmaient avec de plus en plus de force que leur système est meilleur : les sociétés qui acceptent des gouvernements forts, autoritaires même, en même temps que la restriction des libertés individuelles dans l’intérêt commun, qui acceptent de prendre leur économie en charge et de sacrifier l’intérêt à court terme du consommateur pour le plus grand bien d’une croissance à long terme, celles-là finiront par faire mieux que les sociétés de plus en plus chaotiques d’Occident»(1). Ces discours de complaisance sont aujourd’hui bien discrédités.
C’est peu dire que les discours d’autosatisfaction sur le « modèle asiatique » ont perdu beaucoup de crédibilité en Asie même. Pour autant, l’adoption pure et simple du modèle de société anglo-saxon ne séduit pas. Au delà d’une mondialisation pour partie acceptée ou subie, aucun de ces pays n’est                                                  (1) Paul Krugman,La mondialisation n’est pas coupable. Vertus et limites du libre-échange, Paris, 2000 (pp. 163-164).
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